Statut de l’animal : Le ver-de-terre et le rat, des animaux sensibles !

Par Régis Rigault.

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Explorer : # sensibilité animale # statut juridique des animaux # code civil # modernisation du droit

Vous avez sans doute entendu les médias se féliciter du fait que, désormais, le Code civil cessait de considérer les animaux comme des meubles en leur reconnaissant le statut d’être doué de sensibilité. Que ce soit dans Libération ("Les députés valident le changement de statut des animaux") ou le Figaro ("Les animaux ne sont plus des « meubles »"), l’information a bien évidemment été diffusée de manière incomplète avec des raccourcis inexacts...

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Désolé pour les amoureux des bêtes, mais le petit toutou à sa mémère ou le mignon chaton sont toujours considérés comme des meubles ! Un chien ou une table, un chat ou une voiture ... même combat ou presque. En effet, le projet de loi (qui n’est toujours pas en vigueur contrairement à ce que laissaient entendre la plupart des journaux) ajouterait uniquement au Code Civil un article qui serait rédigé ainsi :

Art. 515-14. – Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels.

Il faut savoir que ce texte est apparu à la suite d’un amendement déposé le 11 avril 2014 devant l’assemblée nationale dans le cadre de l’examen d’un projet de loi sur la "modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures". Aucun rapport avec les animaux me direz vous... et vous auriez raison. Parler de la sensibilité des animaux n’a pas grand chose à voir avec la modernisation ou la simplification du droit... mais bon, l’essentiel n’est pas là !

Tout d’abord, ce texte n’a rien de nouveau puisque le Code rural indique déjà dans son article L. 214-1 que l’animal est "un être sensible". Contrairement à ce que vous annonçaient vos hebdomadaires préférés, il n’y a donc aucune nouveauté !

Ensuite, si ce texte entrait en vigueur un jour, il mériterait d’être décortiqué :

  • Premièrement, le texte vise tous les animaux. Il n’y a donc aucune distinction entre animal domestique, d’élevage ou sauvage. Donc, le chien, le cochon et le loup sont tous considérés comme des bébêtes sensibles ! Et puis, j’ai arbitrairement pris l’exemple de trois mammifères, mais j’aurais pu aussi bien parler de poissons, d’araignées, d’oiseaux ou d’insectes qui sont tous des animaux ... je frémis en pensant à la sensibilité d’une truite, d’une vipère, d’un pigeon ou d’un ver-de-terre !
  • Deuxièmement, le texte explique qu’un animal est un être vivant. Quelle révélation ! On se doute bien qu’un animal mort est beaucoup moins sensible.
  • Troisièmement, et c’est là l’essentiel semble-t-il, l’animal est considéré comme ayant une sensibilité. D’accord, mais cela signifie quoi ? Selon le Larousse, le terme "sensibilité" désigne aussi bien une "aptitude à réagir à des excitations externes ou internes" qu’une "aptitude à s’émouvoir, à éprouver des sentiments d’humanité, de compassion, de tendresse pour autrui". Alors de quoi parle-t-on ? De l’intelligence de l’animal, de sa capacité à avoir des sentiments ou seulement du fait qu’il peut capter un stimulus et y répondre. Pour le savoir ... passez votre chemin, le texte ne nous en dira pas plus !

Bref, un texte qui n’a rien de nouveau et qui apporte finalement aucun changement au statut de l’animal : on est bien loin de la révolution annoncée par les médias. Et puis, rappelons que pour l’instant le texte n’est pas définitivement adopté d’autant que parallèlement, fin avril 2014, un certain nombre de députés ont déposé une autre proposition de loi visant à accorder un statut juridique particulier à l’animal. Il est donc probable que des débats passionnés ne manqueront pas de se poursuivre à l’assemblée et au sénat.

Régis Rigault
ledroitderaler.blogspot.com

@MPhylou

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 13 septembre 2014 à 18:12
    par Tortuga , Le 10 septembre 2014 à 08:19

    Ce texte a pour but de faire passer la loi du code Rural au code Civil.
    Il ne change pas la Loi, mais cherche à peser sur l’interprétation qui en sera faite par les juges.

    Dans les faits, il est bien plus dur pour un avocat de faire valoir un article du code rural qu’un article du code civil.

    • par M. Phylou , Le 12 septembre 2014 à 11:52

      Bonjour Tortuga,

      A la lecture des débats parlementaires, il ne semble pas que l’intention du législateur ait été de rendre le "statut de l’animal" plus visible en l’intégrant au Code Civil.

      Quoi qu’il en soit, si cela avait été l’intention, alors autant supprimer l’article du Code rural pour éviter les répétitions ... il y a suffisamment de textes redondants !

      Le droit de râler, billets d’humeur sur le droit

    • par Tortuga , Le 13 septembre 2014 à 18:12

      On retrouve cette volonté de passer du code rural au code civil chez les défenseurs de la cause juridique des animaux.

      Exemple : http://www.bfmtv.com/societe/animaux-30-millions-damis-veut-un-statut-d-etre-vivant-631230.html

      Dans l’exposé des motifs de l’amendement, le code rural est explicitement mentionné. Le législateur avait donc conscience d’inscrire dans le code civil une disposition du code rural.

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