Sur le contenu de l’expression « activités humaines », on en sait un peu plus moyennent un retour sur le cours intitulé, l’air et les climats [3], des professeurs Jean-Marc Lavieille et Séverine Nadaud de la faculté de droit de l’Université de Limoges.
- Accord de Paris 2015.
Dans un esprit pragmatique, ces derniers ont non seulement fait état du contenu de cette expression, mais encore, ils n’ ont pas manqué de lier à chacune des activités humaines, le quota de son émission de gaz à effet de serre. Dès lors, sur le quota de 100 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines, on note 27 % pour le transport, 21 % pour l’industrie, 20 % pour le bâtiment, 16 % pour l’agriculture, 12 % pour l’énergie (production, transformation) et 4 % pour les déchets et autres.
Toutefois, ce sont les émissions issues du secteur du transport en général, qui retiendront notre attention ici. Ce secteur comprend en réalité, le transport terrestre, le transport maritime et le transport aérien. Sans méconnaître la pertinence de l’étude de ces professeurs sur ce sujet, il nous aurait été davantage intéressant d’en savoir sur le quota du gaz à effet de serre dégagé par chacune des subdivisions de ce secteur, et ce, d’une part, parce qu’il est vaste, et d’autre part, en raison de ce qu’il figure en première position des activés humaines qui favorisent le dérèglement climatique.
C’est dans cette logique que nous avons été emmenés à en savoir un peu plus sur la considération réservée aux secteurs du transport dans l’Accord de Paris de 2015.
I. De la preuve de l’exclusion des secteurs du transport aérien et maritime de l’Accord de Paris sur les changements climatiques.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, cet Accord de Paris qui aurait pu offrir une lueur d’espoir en ciblant les pollutions que le secteur des transports aérien et maritime engendre aussi, au regard de son souci d’atteindre les objectifs de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, ne l’a malheureusement pas pris en compte. D’où, l’expression de « no man’s land » [4], employée par certains pour qualifier précisément le secteur du transport aérien. Il en va de même du secteur du transport maritime.
Ces deux secteurs sus cités avaient pourtant été pris en compte dans le Protocole de Kyoto [5] à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques à travers son article 2, paragraphe 2, qui disposait que « les Parties visées l’annexe I cherchent limiter ou réduire les émissions de gaz effet de serre non réglementés par le Protocole de Montréal provenant des combustibles de soute utilisés dans les transports aériens et maritimes, en passant par l’intermédiaire de l’organisation de l’aviation civile internationale et de l’organisation maritime internationale, respectivement ».
C’est pourquoi, à propos de cet Accord de Paris, Maxime Combes, porte-parole d’Attac France réagissait à ce sujet en disant que « par la décision consistant à exempter les secteurs de l’aviation civile et du transport maritime, les États illustrent leur refus de contenir la globalisation économique et financière, le commerce international devant se poursuivre sans entraves, même sur une planète morte » [6].
Kevin Anderson, Directeur adjoint du Tyndall Centre pour la recherche sur le changement climatique, renchérissait lorsqu’il parlait de cet Accord de Paris en affirmant qu’il « est plus faible que celui de Copenhague. Le texte actuel n’est pas cohérent avec les dernières estimations de la science. En l’occurrence, le texte de Copenhague couvrait les émissions de l’aviation et des navires, qui, additionnées, sont aussi importantes que les émissions du Royaume-Uni et de l’Allemagne » [7]. Or, la responsabilité de ce secteur aérien dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre ne saurait être épargnée d’autant plus qu’il y contribue à hauteur de 2,8 % [8]. Quoique ce chiffre puisse, à certains égards, paraître moins significatif par rapport à ce que les différents autres secteurs des activités humaines peuvent produire, il n’en demeure pas moins qu’il est tout de même considérable. Dans la mesure où, la lutte contre les changements climatiques figure de plus en plus presque premier plan de la majorité des agendas politiques des gouvernements étatiques, si l’on se fie d’ailleurs au constat que l’actualité mondiale nous présente actuellement, il nous semble important de ne négliger aucune des sources des émissions de CO2, aussi petite qu’elle soit. D’ailleurs, ne dit-on pas souvent que c’est « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? ».
Cette absence de référence de l’Accord de Paris sur les changements climatiques causés par les émissions de gaz à effet de serre en provenance du secteur des transports aérien et maritime n’est pas loin de constituer un obstacle à sa taxation, et ce, même s’il existe quand même certains États qui n’ont pas voulu en rester là et qui, par conséquent, ont adopté ou proposent d’adopter des lois sur la taxation du transport aérien notamment [9].
À propos de ce secteur du transport aérien à proprement parler, la Convention relative à l’aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944, semble même avoir donné le droit aux compagnies aériennes de ne s’acquitter d’aucune taxe sur le kérosène qui, pourtant produit du CO2. Cette idée se déduit de son article 15, paragraphe b), qui porte qu’« […] aucun État contractant ne doit imposer de droits, taxes ou autres redevances uniquement pour le droit de transit, d’entrée ou de sortie de son territoire de tout aéronef d’un État contractant, ou de personnes ou biens se trouvant à bord ».
Tout ceci n’est pourtant pas loin d’avoir des conséquences sur la lutte internationale engagée contre le dérèglement climatique.
II. Les implications de l’exclusion du secteur des transports aérien et maritime de l’Accord de Paris sur les changements climatiques.
De prime abord, il nous semble quelque peu paradoxal pour les États parties à cet Accord de Paris, de se fixer un objectif ambitieux relatif à la normalisation de l’équilibre climatique, en limitant toutefois les marges de manœuvre qui pourraient contribuer à son atteinte. Sur ce, face à la réalité du réchauffement climatique qui représente « le plus grand défi environnemental auquel la planète n’ait jamais été confrontée » [10], il en fallait peu pour ces États de reconnaître « la nécessité d’une riposte efficace et progressive à la menace pressante des changements climatiques en se fondant sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles » [11]. Le terme « efficace », utilisé dans cette stipulation pour qualifier la riposte, doit cependant mériter une attention particulière. En clair, on aurait tout de même pu employer le mot « effectif », à sa place, et ce, sans compromettre l’idée de la phrase, d’autant plus que les deux termes concèdent le même sens, à en croire à leurs définitions puisées dans des dictionnaires en ligne.
Sur ce, lorsqu’on parle de « riposte efficace », cela suppose une riposte effective. En d’autres termes, une telle riposte est « totale ». Cela nous rappelle la raison pour laquelle, par exemple, à l’école primaire, nos instituteurs avaient l’habitude d’employer l’expression « effectif des élèves de la classe », ou « total des élèves de la classe », pour signifier la même réalité qui se résumait au nombre des élèves qui composaient la classe. En lieu et place de l’adjectif « total », on pourrait aussi employer celui de « global », au regard de ce qu’ils sont des synonymes.
En conséquence, une « riposte efficace » contre les changements climatiques telle que voulue par les États parties à l’Accord de Paris, doit supposer une riposte globale, c’est-à-dire, qui, non seulement englobe tous les moyens visant le maintien de l’équilibre climatique, mais également, cible toutes les sources d’émission de gaz à effet de serre.
C’est à partir de là que le paradoxe se comprend un peu plus aisément. Car, il nous semble incompréhensible pour les parties à cet Accord en question, d’avoir en perspective une riposte efficace [12]. contre les changements climatiques tout en épargnant de la lutte qui permettrait de leur venir à bout, certains secteurs qui représentent pourtant des sources d’émission de gaz à effet de serre.
Dès lors, l’idée selon laquelle, cet Accord de Paris « (… vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté » [13] en « contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C, par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C, par rapport aux niveaux préindustriels » [14], n’est pas loin d’apparaître comme une simple déclaration d’intention démunie d’une réelle volonté.
Les transports aérien et maritime représentent en réalité, 23 % du total des émissions de gaz à effet de serre issues du secteur du transport en général [15]. Ménager ceux-ci de l’Accord de Paris qui est aujourd’hui censé être le principal texte juridique international dans la lutte contre les changements climatiques au niveau mondial, ne peut qu’emporter des conséquences que nous situons à deux niveaux.
D’une part, on note l’insertion d’un déséquilibre dans les politiques et plans de lutte internationale contre les changements climatiques. En d’autres termes, pour rendre effective une telle lutte, il doit avoir lieu de s’attaquer à toutes les sources d’émissions de CO2 qui provoquent le phénomène du dérèglement climatique. Minimiser l’une de ces sources n’est rien d’autre qu’une manière d’inscrire une faille dans tout le dispositif juridique de cette lutte. Dès lors, elle ne tient pas sur tous les plans. En ce qui nous concerne, il n’y a rien à penser qu’à une ‘‘lutte internationale « boiteuse » contre les changements climatiques’’, que l’Accord de Paris semble mettre de l’avant.
D’autre part, voyons-en avec le paragraphe 3 du préambule, toujours de cet Accord de Paris, au travers duquel, les parties se disent « soucieuses d’atteindre l’objectif de la Convention, et guidées par ses principes, y compris le principe de l’équité et des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux contextes nationaux différents ».
Comme il en ressort, le principe de l’équité est censé régenter les États parties dans toutes les initiatives visant à contenir la température de la planète en dessous de 2°C (voir la note 11).
La référence à ce principe dans la lutte internationale contre les changements climatiques est le signe que les parties à l’Accord n’ont pas voulu être insensibles non seulement au niveau de développement de tous les États, mais aussi, à la situation économique des populations prises individuellement dans chacun de ces États, dans la conception des politiques et plans afférents à cette lutte. Or, si l’on en croit aux coûts des voyages en avion et en bateau par rapport à celui des voyages en voiture, il n’y a point de doute que les premiers soient individuellement plus élevés que le second. Sur ce, en termes d’expérience, ce sont généralement les populations riches qui se déplacent en avion ou en bateau, tandis que les populations pauvres sont souvent ceux qui se réservent les voyages en voiture.
Dès lors, l’absence d’une taxation des transports aérien et maritime, puisque l’Accord de Paris ne le prévoit pas, n’est pas loin d’instaurer une discrimination dans la lutte internationale contre les changements climatiques en faveur des riches au détriment des pauvres.