L'ajournement de la caducité des POS au 1er janvier 2016 : analyse du contexte juridique des « POS transitoires ». Par Augustin Tchaméni, Avocat.

L’ajournement de la caducité des POS au 1er janvier 2016 : analyse du contexte juridique des « POS transitoires ».

Par Augustin Tchaméni, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # pos transitoires # loi alur # densification

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 communément désignée par le sigle “ALUR”, a imposé au 1er janvier 2016 la caducité automatique des Plans d’occupation des sols (POS) qui n’auront pas été mis en forme de Plan local d’urbanisme (PLU), au plus tard le 31 décembre 2015 [1].

Comme on pouvait s’y attendre [2], cette mise à mort programmée n’a finalement pas eu lieu. Malgré la volonté de parachever une évolution amorcée depuis la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 dite « SRU », qui prescrivait déjà une mutation des POS en PLU, mais cela fut ralenti par les régimes transitoires instaurés dans la mise en œuvre. La date du 1er janvier 2016 retenue dans la loi ALUR est apparue à cet égard plus prescriptive [3] . L’enthousiasme qu’elle a suscité a aussitôt cédé à la patience, à défaut du désenchantement.

La fin définitive des POS étant encore lointaine, avec la survivance au 1er janvier 2016 de ce qu’on peut convenir d’appeler les « POS transitoires », du fait de leur maintien en vigueur circonstancié et limité dans la durée.

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Deux échéances restent à venir dans cette perspective : d’une part, celle du 27 mars 2017 relative aux systèmes projetant un PLU classique, et d’autre part celle du 20 janvier 2020 applicable en cas de projet de Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi).

La première est applicable lorsqu’une procédure de transformation du POS était déjà en cours au 31 décembre 2015, mais sans être achevée [4].
Quant à la seconde, elle ne procède pas de la loi ALUR mais d’une loi postérieure n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 qui la complète [5]. Elle s’applique lorsqu’une procédure d’élaboration d’un PLUi est en cours avant le 31 décembre 2015, et sous la réserve que le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) ait eu lieu avant le 27 mars 2017 [6]. A défaut, c’est cette dernière date déjà retenue en situation de PLU classique qui prévaudra.

S’écoule alors un intervalle de temps où il demeure admis que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale intervenant après le 31 décembre 2015, aurait toujours pour effet [7] de remettre en vigueur le cas échéant le POS immédiatement antérieur [8].

Ce contexte offre une période transitoire foisonnante, alimentée d’importants enjeux dans la pratique contentieuse. En particulier, à la survivance des « POS transitoires » se greffe celle tout aussi exceptionnelle des règles relatives au coefficient d’occupation des sols (COS) et aux surfaces minimales de construction dont le législateur avait tôt exprimé la volonté d’en finir, mais qui resteront encore applicables dans les systèmes de « POS transitoires » (I), avec pour conséquence, en tenant compte de leur effacement d’ores et déjà acquis des PLU, de fragmenter la base légale des autorisations d’urbanisme (II).

I/ La survivance des règles relatives au COS et aux surfaces minimales des terrains constructibles

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi ALUR, les PLU pouvaient disposer des COS et des règles relatives aux surfaces minimales des terrains constructibles [9]. La volonté de favoriser la densification des constructions au détriment de l’étalement urbain [10], s’est traduite par une non-reconduction dans le nouveau champ de réglementation défini par la loi [11].

Si au regard de la finalité désignée cette mesure est apparue hautement symbolique, c’est davantage le fait de rendre son application immédiate qui revêt le plus fort retentissement en ce qui concerne en particulier les dispositions du PLU. A rebours de cette radicalité cependant, la transformation planifiée des POS en PLU n’apparaît pas aussi autoritaire. Soumise à un calendrier plus flexible, elle retarde la suppression immédiate des COS et des surfaces minimales des terrains constructibles en la rendant parcimonieuse, sous l’effet du régime dérogatoire réservé aux systèmes régis par les « POS transitoires », dont les dispositions sont laissées entièrement indemnes, y comprises celles expressément ciblées par l’immédiateté de la suppression des dispositions du PLU.

La disparition des COS et des règles relatives aux surfaces minimales des terrains constructibles en demeure différée dans de nombreux systèmes, et pourrait l’être encore jusqu’au 1er janvier 2020. Cette projection soumet les usagers à un contexte juridique assez hétéroclite et fragmenté, dans lequel les PLU apparaissent par leur nouvelle vocation, favorables à une densification des constructions à l’opposé de laquelle, certains « POS transitoires » ne seraient pas prédisposés.

II/ La fragmentation de la base légale des autorisations d’urbanisme

En les supprimant définitivement des PLU, la loi ALUR n’a pas spécialement privé de base légale les superficies minimales des terrains constructibles et les coefficients d’occupation des sols contenus dans les POS. Chose qui apparaît paradoxale au regard de la finalité de densification et de modernisation qui la motive [12] .

Subséquemment, la révocation de la base légale établie sur les règles du COS et des surfaces minimales des terrains constructibles dans le cadre des PLU d’un côté, et leur maintien dans les hypothèses de « POS transitoires » de l’autre, est aujourd’hui une dichotomie certes conjoncturelle, mais réelle.

On aura d’une part, les règles relatives au COS et aux surfaces minimales des terrains constructibles applicables par endroits. D’autre part en revanche, hormis les situations régies par les « POS transitoires », lesdites règles ne pourraient davantage servir de base légale à l’appréciation d’une demande d’autorisation d’urbanisme.

S’il est vrai que dans la pratique, la réglementation matérielle des autorisations procède essentiellement des documents réglementaires élaborés en général dans le cadre local, l’autorisation elle-même doit être conforme à tous les textes réglementaires et législatifs (en l’occurrence l’article L 123-5-1 du Code de l’urbanisme), qui lui sont supérieurs. C’est d’ailleurs de cet ordre de hiérarchie que le contrôle de légalité tient son fondement.

Sont en particulier concernés, tous les PLU maintenant un COS et/ou des surfaces minimales des terrains constructibles, alors même que la circonstance d’être édictés par un plan local d’urbanisme, leur ôte toute vocation à constituer une source de légalité depuis le 27 mars 2014 [13].

Cette révocation de la base légale forgée sur le COS et les surfaces minimales des terrains constructibles est irréversible, quoiqu’on ne puisse directement l’opposer au permis de construire. C’est de l’inopposabilité des dispositions concernées du PLU vis-à-vis du permis dont il s’agira en effet, en cas de réglementations récalcitrantes.

Hypothèse qui n’est d’autant pas improbable, qu’il appartiendra aux pétitionnaires d’y veiller. Evidemment censurée par la jurisprudence, elle s’était déjà réalisée à la suite de la loi SRU, où l’administration avait manqué d’écarter une réglementation dépourvue de toute base légale, à propos des dispositions d’un document d’urbanisme fixant la superficie minimale du reliquat bâti dans une opération de division foncière, dépourvues de base légale depuis l’abrogation de l’article L. 111-5 du Code de l’urbanisme par la loi [14].

Il reste tout aussi vrai cependant que l’appréhension ainsi suscitée mérite des atténuations. Tenant d’une part au fait que bien avant la loi ALUR, un grand nombre de collectivités publiques tenaient déjà le PLU pour document d’urbanisme. Encore que les prescriptions de cette loi en sens de la mutation des POS en PLU, sont si largement suivies qu’il serait admis de relativiser dès lors l’ampleur des COS et des règles de surfaces minimales restant applicables.

D’autre part, le rythme actuel des réformes engagées en sens des transformations prescrites apparaît soutenu, au point où les chances qu’elles soient toutes achevées avant les termes d’ajournement retenus n’apparaissent pas vulnérables [15].

Augustin Tchaméni,
Docteur en droit, Avocat

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Notes de l'article:

[1L’article L 174-1 du Code de l’urbanisme réécrit à la suite de l’Ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015 dispose clairement en ce sens.

[2Au regard de cette formule contenue dans l’article L 174-1 du Code de l’urbanisme sus-indiqué : « sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5 ».

[3Ce d’autant que cet alinéa 2 de l’article L 174-1 du Code de l’urbanisme, est apparu radical : « La caducité du plan d’occupation des sols ne remet pas en vigueur le document d’urbanisme antérieur ».

[4Article L174-3 du nouveau Code de l’urbanisme.

[5Il s’agit de la loi relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.

[6Article L174-5 du nouveau Code de l’urbanisme.

[7En application de l’article L. 600-12 du Code de l’urbanisme.

[8Article L 174-6 du nouveau Code de l’urbanisme. Cette éventualité exclut bien évidemment les hypothèses où aucune procédure n’est en cours au 31 décembre 2015.

[9Voir à propos du COS notamment, J-B. AUBY, H. PERINET-MARQUET, R. NOGUELLOU, Droit de l’urbanisme et de la construction, LGDJ, 2015, pp.237-241

[10Sous dir. BAFFERT Ph., et PELRAS M-C, « Un règlement pour favoriser la densification », in, Les changements d’ALUR : Construire plus et loger mieux, les deux défis de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, Editions Législatives, DICTIONNAIRE PERMANENT Construction et urbanisme – Bulletin spécial, n° 452-1, Avril 2014, p. 14

[11Ces termes du 12° alinéa de l’ancien article L 123-1-5 du Code de l’urbanisme sont supprimés en conséquence :
i) « Fixer une superficie minimale des terrains constructibles lorsque cette règle est justifiée par des contraintes techniques relatives à la réalisation d’un dispositif d’assainissement non collectif ou lorsque cette règle est justifiée pour préserver l’urbanisation traditionnelle ou l’intérêt paysager de la zone considérée » ;
ii) ainsi que ceux-suivants du 13° alinéa : « Fixer un ou des coefficients d’occupation des sols qui déterminent la densité de construction admise » (Voir, Article 157 de la loi ALUR).

[12Il est à rappeler qu’avec la suppression du COS et des règles relatives aux surfaces minimales, les concepteurs du PLU disposent de mécanismes de limitation alternatifs comme le coefficient d’emprise au sol, les règles de limitation de la hauteur des constructions, les limites séparatives, la fixation des taxes en fonction d’un seuil de densité, ect... (Voir notamment à ce propos, J-B. AUBY, H. PERINET-MARQUET, R. NOGUELLOU, op.cit, pp.206-207).

[13Correspondant à la date de l’entrée en vigueur de la loi ALUR.

[14CE, 2 août 2011, 7ème et 2ème sous-sections réunies, n° 334287. Dans le même sens, les enseignements de cette autre jurisprudence plus récente sont édifiants (CE, 27 juill. 2012, n° 342908, Hoffmann : Juris Data n° 2012-016814)

[15Seulement 7500 POS étaient encore en vigueur au 1er janvier 2013, dont au moins 4000 faisaient déjà l’objet d’une prescription de mutation, avant même que la loi ALUR ne soit adoptée. Cette statique a pour source Le Ministère du logement et de l’habitat durable (http://www.territoires.gouv.fr/caducite-des-plans-d-occupation-des-sols-loi-alur)

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