1. Une hausse significative des contentieux.
Près de 500 000 OQTF (Obligation de quitter le territoire français) ont été prononcées entre 2019 et 2022, dont 135 000 pour cette dernière année.
40% d’entre elles le sont par les Préfectures d’Ile-de-France.
C’est une spécificité française, comme le démontre ce comparatif :
Conséquence logique, pour l’année 2022, près de 35 000 requêtes (pour les seules OQTF) ont été enregistrées auprès des tribunaux administratifs. Le contentieux des étrangers dans sa globalité représente 70 000 requêtes annuelles, c’est plus de 40% du contentieux des tribunaux administratifs et même 60% du contentieux des cours administratives d’appel.
Or - pour se concentrer sur ce seul sujet - il s’avère en pratique que 20% de ces OQTF sont annulées par les tribunaux administratifs (plus de 50% en Guyane !).
Autrement dit, sur les 500 000 prononcées entre 2019 et 2022, il est permis de considérer qu’au moins 100 000 sont illégales.
L’Etat fait donc prévaloir à dessein l’affichage politique sur la légalité de ses décisions administratives, dont il ne se soucie d’ailleurs guère puisque dans 90% des cas, il ne défendra pas sa décision.
Dans son rapport, la Cour des comptes invoque l’insuffisance des moyens de l’Etat pour présenter une défense devant les tribunaux. Il est aussi permis de croire que l’Etat n’a simplement aucune volonté de perdre du temps à démontrer la légalité d’un acte qu’il sait illégal.
Car l’Etat n’a ni le souci de la légalité, ni le souci d’exécuter les OQTF qu’il prononce : en 2022, 10% des mesures prononcées ont été exécutées.
2. Le coût d’une politique improductive.
Les dépenses exclusivement liées au contentieux flirtent avec les 200 millions d’euros par an, auxquels s’ajoutent 150 millions d’euros au titre des dépenses de rétention et d’éloignement
A ce coût strictement financier s’ajoute un coût humain, qui lui ne se chiffre pas.
Quel avenir est en effet réservé à tous ceux qui, sous le coup d’une OQTF et d’un refus de titre de séjour, resteront sur le territoire ?
Car ces refus et OQTF étant illégaux dans 1 cas sur 5, l’Etat condamne un nombre important d’étrangers à n’être « ni régularisables, ni expulsables ».
L’Etat fait donc le choix politique hautement contestable d’édicter massivement des OQTF dont une part substantielle est illégale, tout en ayant conscience que les étrangers visés resteront sur le territoire sans titre de séjour.
Autrement dit, il organise la clandestinité, sous couvert d’une politique d’éloignement motivée essentiellement par des considérations d’ordre public.
Cette politique du chiffre souligne l’urgence d’un changement profond dans la philosophie, par l’Etat, de sa politique migratoire, dans l’intérêt des étrangers concernés - et en particulier de ceux dont le droit au séjour n’est pas contestable - mais aussi dans l’intérêt général, pour réduire l’encombrement des juridictions administratives, préserver les deniers publics inutilement dilapidés dans ces contentieux et, surtout, pour respecter les droits et libertés fondamentales des étrangers en France.