La question de la crise sanitaire du Covid-19 demeure sans précédent et nul ne saurait écarter son impact grandissant dans tous les secteurs d’activités dans le monde. Cette situation incessante à caractère pandémique paralysant l’activité économique globale du pays est à l’origine de nombreux dégâts dont plusieurs pertes de vie.
A l’instar des autres domaines affectés par cette crise du Covid-19 et outre la menace que cela représente pour la santé publique, les bouleversements économiques et sociaux notons que cette situation admet une véritable portée juridique dans plusieurs domaines. Cette conséquence juridique se manifeste notamment dans le monde du travail à travers le risque de remettre en cause la continuité du contrat de travail de certains salariés et de provoquer de nombreuses défaillances aux entreprises. Ainsi, face à cette situation périlleuse, difficile liée au Covid-19, dans le sens des décisions prises par plusieurs Etats, l’Etat Ivoirien soucieux du bien-être des entreprises a décidé de mettre en place un certain nombre de mesures d’allègements (exonérations fiscales, réduction de l’imposition fiscale, fond de soutien etc.), mesures permettant aux entreprises de se relever bien que difficilement de cette crise.
Toutefois, bien que le gouvernement Ivoirien ait décidé d’adopter différentes mesures et plans de ripostes fiscales en faveur des entreprises pour éviter leur faillite et les successions de licenciements économiques, il n’en reste pas moins que cette situation a vu naitre à l’égard des employés et chefs d’entreprises plusieurs mesures dérogatoires (réduction des salariés, suspension du contrat de travail de façon partielle, télétravail etc.) permettant à ses entreprises d’affronter cette crise.
Ces mesures d’exceptions n’étant que temporaire au regard du déconfinement progressif (déjà existant dans les villes de l’intérieur du pays), plusieurs entreprises Ivoirienne ayant connu un répit, un tourment du fait de l’état d’urgence sanitaire se devront bientôt de reprendre bien que difficilement leurs activités professionnelles en procédant à des réorganisations et restructurations de leur entreprise.
De ce fait, suite à cette crise, le relèvement de ces entreprises pour la plupart en difficulté conduirait malheureusement certaines d’entre elles vers une cessation du contrat de travail de leurs salariés. Cette question ardue et problématique se devra d’être résolue pendant et après cette crise sanitaire, question liée la continuité du contrat de travail, plusieurs salariés pouvant être confrontés à un licenciement pour motif économique. A l’opposé, une seconde question se devra également d’être résolue suite à cette crise sanitaire, question liée à la situation d’insolvabilité des entreprises Ivoiriennes faisant basculer certaines d’entre elles vers une procédure collective, procédure organisée par l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
D’une part, au sens de l’approche définitionnelle, le licenciement pour motif économique se traduit comme un licenciement effectué par l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié qui résulte des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou sa cessation d’activité. Se référant à l’ordonnancement juridique interne, notons que l’Etat Ivoirien a également légiféré sur cette notion de licenciement économique. Ainsi, en vertu des dispositions de la loi N° 2015-532 du 20 Juillet 2015 portant code du Travail, Article 18.9 en son alinéa premier dispose que : « constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement opéré par un employeur en raison d’une suppression ou transformation d’emploi, consécutives notamment à des mutations technologiques, à une restructuration ou à des difficultés économiques de nature à compromettre l’équilibre financier de l’entreprise ».
En effet, considérant cette disposition du code du travail Ivoirien susmentionnée, le licenciement économique traduit toute sa légalité et sa légitimité. Cependant, considérant que le gouvernement Ivoirien a pu, tant bien que mal, gérer provisoirement cette situation, nous ne saurions ignorer que cette situation de crise conduirait certains employeurs en difficulté financière à faire recours au licenciement économique, une perte de leurs salariés.
Ainsi, au regard de cette situation ‘’d’après crise sanitaire’’, plusieurs questions méritent d’être résolues à l’égard des salariés ; la crise du Covid-19 ne pouvant être sans impact sur le monde du travail, quel sera le sort du contrat de travail des employés à la fin de cette situation ? Cette crise pouvant laisser des traces indélébiles dans l’économie des entreprises ; Comment devrait être appréhendée à l’égard des employés les modifications substantielles qui se réaliseront pendant l’exercice du contrat de travail ?
Ces modifications substantielles du fait de la crise du coronavirus conserve-t-elle leur légitimité ? Des lors, les mesures prises par le gouvernement Ivoirien pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 suffiront-elles pour soutenir l’emploi et éviter un maximum de licenciements ? L’employeur prend-il un risque à licencier sur ce motif économique en période de Covid-19 ?
Aussi, au sens de l’alinéa premier des dispositions de l’article 18.15 du code du travail, il est fait mention que : « Toute rupture abusive du contrat donne lieu à dommages-intérêts. Les licenciements effectués sans motif légitime ou en violation des dispositions de l’article 4 du présent Code ou les licenciements économiques collectifs, sans respect de la procédure requise ci-dessus ou pour faux motif, sont abusifs. La juridiction compétente constate l’abus par une enquête sur les causes et les circonstances de la rupture du contrat ». L’interprétation de cette disposition signifierait que le licenciement économique doit en principe résulter d’un motif légitime, motif d’ordre économique.
Toutefois, considérant que certains employeurs pourraient être tentés de profiter de cette situation au détriment de certains salariés, alors que leur situation économique ne serait pas si compromise, Il appartiendra alors à l’Etat Ivoirien par l’entremise de l’inspecteur du travail d’être regardant sur le motif de licenciement arguer par les entreprises.
Du fait du rendement de certains employés, d’autres licenciements pouvant intervenir suite à cette pandémie dont le licenciement pour motif personnel, est-ce que la période de Covid-19 pourrait être une circonstance atténuante pour minorer la faute du salarié ?
Notons toutefois que quelle qu’en soit les mesures de ripostes du gouvernement Ivoirien pour venir à bout de cette crise, cette situation aura pour conséquence la mise en place d’ajustements à l’égard des salariés dont : la modification des contrats, le non-renouvellement des contrats et pour certains cas, le licenciement pour motif économique afin de préserver la structure de l’entreprise. Pour éviter cependant que le salarié supporte la charge de conséquence de cette crise, Il appartiendra à l’Etat Ivoirien d’avoir un regard sur cette situation ‘’d’après crise sanitaire’’.
D’autre part, le droit des entreprises en difficultés sera fortement mobilisé après cette situation de crise. Plusieurs entreprises débitrices en cessation d’activités se trouvant dans une situation financière d’insolvabilité à l’égard de leurs créanciers plongeront dans une procédure collective en vue de résoudre leurs difficultés.
Au sens de l’approche définitionnelle, l’OHADA Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires s’est toujours donnée depuis sa création comme principal objectif d’assurer la sécurité juridique des entreprises. Cette sécurité tend à la garantie d’un climat de confiance concourant à faire de l’Afrique un pôle de développement. Ainsi, c’est dans la quête de cette sécurité juridique que se traduit l’existence d’un droit substantiel contenu dans plusieurs actes uniformes dont l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif. L’essence de cet acte uniforme étant la résolution des difficultés des entreprises, résolution qui au sens des dispositions de l’article Premier de l’acte Uniforme s’étend par des normes à caractère préventif dont la conciliation et le règlement préventif et des normes à caractère curatif dont le redressement judiciaire et la liquidation des biens.
Ainsi, en vue de se prémunir d’éventuelles difficultés qui occasionneraient des impacts significatifs sur la situation financière des entreprises et à l’exemple du système français dont l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire, le législateur OHADA devrait réfléchir à mettre en place un régime modificatif des dispositions de l’acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Passer outre ces modifications substantielles à l’égard de l’acte uniforme OHADA portant procédure collective, plusieurs questions devront être résolues après cette crise sanitaire. Le créancier titulaire légitime du droit de créance, désireux d’entrer en possession de sa créance, quelle attitude devra-il tenir en faveur des entreprises dont le statut est affecté par cette crise sanitaire ? Comment devrait être appréhendée cette situation en faveur des entreprises qui suite à l’extinction de cette pandémie décideront de se prévaloir comme motif légitime du non-paiement de leur droit de créance, la situation liée au covid-19, doit-on légitimer ce motif ? Ne serait-ce pas opportun que nos Etats membre de l’OHADA réfléchissent à mettre en place un régime juridique modificatif des règles en matière de procédures collectives ?
A titre de solution, au sens des dispositions de l’acte Uniforme la procédure préventive de conciliation ayant pour essence la restructuration financière de l’entreprise pour qu’elle puisse éviter une cessation de paiement, se déroulant en principe sur 4 mois maximum. Au regard de cette crise il apparait judicieux pour le législateur OHADA de proroger le délai de la procédure de conciliation à 6 mois. Ainsi, l’entreprise pourrait disposer de ce répit pour sa restructuration financière en vue de répondre aisément à ses obligations.
Au sens de l’article 6 du même acte uniforme, il est fait mention que : « le règlement préventif est ouvert au débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés financières ou économiques sérieuses ». L’appréciation des difficultés financières de l’entreprise au moment de l’action en règlement préventif étant l’apanage des juges, il demeure cependant important qu’à titre modificatif des dispositions en vigueurs, le législateur OHADA puisse retenir la crise sanitaire du Covid-19 comme fait justificatif pour le débiteur du non-paiement de sa créance. Par conséquent, ceux-ci pourront donc disposer d’une procédure judiciaire parsemée de souplesse.
In fine, au regard des conséquences de cette crise sanitaire et considérant la procédure curative de résolution des difficultés de l’entreprise, à titre modificatif des dispositions de l’article 40 alinéa 2 de l’acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif qui prévoyant la saisine d’office du juge, seul le débiteur en cessation de paiements devrait avoir la possibilité de déclencher la procédure en redressement judiciaire ou en liquidation des biens.
Constatant la situation actuelle liée au covid-19 et les conséquences qui adviendraient à la fin de cette crise, il apparait important que le législateur OHADA ainsi que l’Etat Ivoirien réfléchissent encore plus à la situation juridique des employés et des entreprises en vue de leur permettre d’éviter certaines difficultés quant à la continuité de leurs activités après la crise sanitaire du Coronavirus.