La Cour d’appel de Paris résiste au barème Macron.

Par Cécile Villié, Avocat et Valentine Boulon, Elève-Avocat.

1528 lectures 1re Parution: 3  /5

Explorer : # licenciement # indemnisation # barème macron # contrôle de conventionnalité

Les barèmes d’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dits « barèmes Macron », introduits par les ordonnances du 22 septembre 2017 sont toujours sujets à controverses.

-

Avant 2017, les salariés dont le licenciement était reconnu sans cause réelle et sérieuse ayant au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise de plus 11 salariés pouvaient bénéficier d’une indemnité d’au minimum 6 mois de salaire.

Depuis les barèmes Macron, l’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse doit être comprise entre un plancher et un plafond dépendant de l’ancienneté du salarié.

Ces barèmes ont fait l’objet d’une vague de contestation devant les conseils de prud’hommes. Il était demandé aux conseillers de réaliser un contrôle de conventionnalité afin d’écarter leur application.

Le contrôle de conventionnalité consiste à étudier la conformité d’un texte français à des textes européens ou internationaux. Si le juge estime que le texte français est contraire au texte supranational, il doit alors écarter son application.

Se posait ainsi la question de la conformité de l’article L1235-3 du Code du travail à deux textes :

- l’article 24 de la Charte sociale européenne prévoyant « le droit pour les travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une réparation appropriée » ;
- l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT prévoyant en cas de licenciement injustifié « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

Pour rappel, le 17 juillet 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait rendu deux avis dans lesquels les juges considéraient :
- d’une part que l’article 24 de la Charte sociale européenne n’était pas d’effet direct et ne permettait pas un contrôle de conventionnalité,
- d’autre part que le texte n’était pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT puisque les juges français disposaient d’une marge d’appréciation pour appliquer le minimum ou le maximum des barèmes, mais aussi d’écarter le barème en cas de nullité du licenciement.

La Cour d’appel de Paris dans deux arrêts l’un du 18 septembre 2019 (n° 17/06676) et l’autre du 30 octobre 2019 (n° 16/05602) se conformait aux avis de la Cour de cassation et jugeait que les barèmes étaient bien conventionnels.

Cependant, le 16 mars 2021 (n°19/08721), pour la première fois la Cour d’appel de Paris a écarté l’application du barème au terme d’un contrôle de conventionnalité in concreto.

En l’espèce, une salariée de 53 ans avait été licenciée pour motif économique. Le licenciement est d’abord reconnu sans cause réelle et sérieuse, puis les juges d’appel analysent concrètement le préjudice de l’appelante.

Ils relèvent d’abord que la salariée était prise en charge par pôle emploi depuis la rupture de son contrat de travail, soit d’octobre 2017 jusqu’au mois d’août 2019. La salariée apportait également la preuve de sa recherche d’emploi par diverses candidatures.

Puis, les juges apprécient concrètement le préjudice de la salariée qui avait subi une perte de salaire estimée à plus de 32 000 euros.

Ensuite, les juges relèvent que compte tenu de son ancienneté de 4 ans, la salariée aurait bénéficié d’une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire, soit 13 211,25 euros et 17 615 euros. Ainsi, si le barème était appliqué, le préjudice réellement subi par la salariée aurait été indemnisé qu’à hauteur de moitié.

Les juges concluent alors qu’en l’espèce, les barèmes ne permettent pas une indemnité ni adéquate ni proportionnée, et écartent in fine l’application du barème.

Cette décision est donc inédite. Néanmoins, il apparaît bien que la preuve du préjudice réel est nécessaire pour pouvoir écarter l’application des barèmes. A titre d’exemple, dans l’arrêt du 30 octobre 2019, les barèmes étaient appliqués parce qu’ils permettaient d’indemniser concrètement et entièrement le préjudice du salarié licencié.

Il est nécessaire de rappeler qu’il existe tout de même des solutions pour solliciter des indemnités au delà des barèmes, en effet, le salarié licencié peut toujours demander au juge des dommages et intérêts au titre d’un préjudice distinct, ou au titre d’une rupture brutale et vexatoire.

Cependant, cette décision est à prendre avec précaution puisqu’un pourvoi a été formé. Une position claire de la Cour de cassation est attendue à ce sujet.

Cécile Villié et Valentine Boulon
avocat - droit du travail
www.villie-avocat.com
contact chez villie-avocat.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

4 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27876 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs