La Cour de cassation retoque les restaurateurs.

Par Francine Summa, Avocate.

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Explorer : # assurance # pertes d'exploitation # clause d'exclusion # indemnisation

Par quatre arrêts du 1er décembre 2022 (Civ 2ème 1er décembre 2022 FS-B+R n°21-15.392, n° 21-19.341, n° 21-19.342,n° 21-19.943), la 1ère Chambre Civile a cassé - cassation partielle - les arrêts du 20 mai 2021 de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence (Ch 1-3).

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La Cour de Cassation a déclaré valable la clause d’exclusion de la garantie des pertes d’exploitation souscrite dans leur contrat multirisque par application de l’article L113-1 du Code des assurances pour être formelle et limitée (1).

La Cour de Cassation met fin aux polémiques très médiatisées à l’époque à l’encontre de l’assureur et recentre le débat sur le contrat d’assurance (2).

La spécificité de l’assurance : ce qui n’est pas prévu - guerres, attentats, épidémies, catastrophes climatiques sur tout une région ou un pays - est hors contrat. Dans d’autres domaines - maladie, décès - les critères de l’assurance sont différents de ceux de l’assurance maladie pour caractériser l’invalidité totale ou la mort accidentelle (3).

La responsabilité de l’Etat et la solidarité nationale restent les seuls moyens d’indemniser les victimes économiques de ces décisions ou de ces évènements (4).

1. La Cour de Cassation a cassé partiellement quatre arrêts de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence rendus le 20 mai 2021 qui avait condamné la société Axa France IARD au paiement d’une provision à valoir sur le préjudice de restaurateurs dont les restaurants, inclus dans la liste des commerces non essentiels, avaient été interdits d’accueillir du public, suivant plusieurs décrets successifs du 15 mars 2020 jusqu’au au 2 juin 2020,et même après jusqu’en octobre 2020.

La 1ère Chambre de la Cour de Cassation a mis fin aux errements de style journalistique et peu juridiques sur l’interprétation de la clause de garantie « protection financière » du contrat d’assurance « multirisques professionnels » :

« la garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1- La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à vous-même
2- La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication
 ».

Le terme « épidémie » a fait l’enjeu d’exégèse sur la définition de l’épidémie. La covid était-il une épidémie telle que prévue par la clause ?

Pourtant, les cas énumérés dans cette clause montraient bien le caractère unique des situations garanties : un meurtre, un suicide, une maladie contagieuse et une fermeture administrative.

Outre le caractère unique des situations prévues, la fermeture de l’établissement par une décision administrative : aucune fermeture n’a été ordonnée par l’autorité administrative, seule la réception du public était interdite mais pas l’activité - ce qui occasionna des contraventions quand les clients étaient trop près de l’entrée, ils devaient rester sur le trottoir avec leur café notamment ou manger assis par terre - quand il faisait beau ou se retrouver le long des quais avec leur verres à la main ou en pique-niques organisés le soir pendant les belles soirées de printemps.

Les restaurants se sont convertis en plats à emporter sur commandes internet et cette activité s’est bien maintenue même après la levée des restrictions.

L’interdiction gouvernementale n’était donc pas un arrêté individuel de fermeture administrative faite à un commerçant pour les motifs évoqués.

2. La clause d’exclusion de la garantie se suffit à elle seule comme l’a souligné la Cour de Cassation, Il n’était pas besoin d’une interprétation par rapport à la clause garantie financière distincte de la clause d’exclusion, et ce, contrairement à l’argumentation des assurés pour démontrer le caractère imprécis de la notion d’épidémie mentionnée dans la clause garanties financières et ne répondant pas aux critères de l’article L113-1 du Code des assurances qui exige que les clauses d’exclusion doivent être formelles et limitées.

La Cour de Cassation a déclaré que

« la garantie couvrait le risque de pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication, de sorte que l’exclusion considérée qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenues dans d’autres circonstances que celles prévues par la clause d’exclusion, n’avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance ».

Cette analyse est très claire et il n’est pas nécessaire d’aller plus avant dans les méandres d’interprétations confuses.

Faute d’une fermeture administrative unique de l’établissement dans un secteur départemental, la garantie ne s’applique pas. Rappelons qu’il n’y a eu qu’une interdiction de recevoir du public et non d’exploiter.

L’exclusion est donc formelle et limitée.

3) Ces arrêts sont un exemple de la spécificité de l’assurance dont les critères ne sont pas forcément les critères de droit civil.

Cette méconnaissance des assurés fait l’objet de contentieux en raison d’ une mauvaise analyse de la Loi du contrat et des principes de l’assurance. Toute garantie assurantielle a fait l’objet d’ études financières approfondies sur la garantie et sur la cotisation correspondante. C’est le travail des actuaires.

Ainsi, la crise cardiaque n’est pas une cause accidentelle, externe au décès de l’assuré et l’indemnité n’est pas doublée. Ce n’est pas un accident.

Ainsi, les degrés de l’invalidité permanente de l’assurance maladie sont beaucoup plus larges que ceux de l’assurance invalidité contractuelle. La notion d’invalidité totale est notamment très rarement reconnue par l’assurance.

Il y a bien d’autres exemples.

En droit immobilier, la garantie décennale, des vices cachés.

En droit de la consommation, le vol de votre smartphone doit entrer dans les critères du contrat et ne pas être garanti.

4) Pour la covid, l’Etat a indemnisé puisque c’est l’Etat qui a ordonné les interdictions. Indemnité fondée sur le chiffre d’affaires.

Un autre exemple, les catastrophes naturelles ont été indemnisées dans le cadre de la loi qui a créé un fonds de solidarité alimenté par les cotisations des assurés au nom de la solidarité nationale. Avant cette réforme, il n’y avait pas d’indemnisation des habitants sinistrés (maison, mobilier, etc). Et suivant la procédure de déclaration de catastrophe naturelle.

Avant, il n’y avait que les assurés ayant cotisé pour cette option du contrat multirisque.

Depuis cette réforme, la cotisation est incluse dans tous les contrats de base.

L’avenir est donc la solidarité nationale ou européenne pour indemniser les victimes des fléaux de demain : épidémies, catastrophes écologiques…,etc au niveau national et au niveau européen. pour lesquels nous cotiserons aussi.

Francine Summa, Avocate.
Barreau de Paris

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