Délai de péremption et prorogation judiciaire d’un commandement de payer valant saisie immobilière.

Par Denis Clément Bracka et Laurence Chemla Bracka Avocats.

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Explorer : # saisie immobilière # prorogation judiciaire # commandement de payer # péremption

Quel est le point de départ du délai de péremption en cas de prorogation judiciaire d’un commandement de payer valant saisie immobilière ? (Articles R321-20 et suivants CPCE.)

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A l’origine de la saisie immobilière, il y a un acte : la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière.
Les effets de cet acte sont importants. Il vaut mise en demeure : aucune aliénation, ni affectation du bien en garantie d’un droit n’est possible à compter de celui-ci ; il entraîne l’indisponibilité de l’immeuble et des fruits de ce dernier (loyers).

Puis vient la publication du commandement de payer au fichier immobilier qui rend les effets du commandement opposables aux tiers.

Une ou plusieurs prorogations des effets d’un commandement de payer valant saisie sont parfois nécessaires afin de préserver les effets dudit commandement, dans l’attente de l’issue de la procédure de saisie immobilière.
Depuis le 1er janvier 2021, les habitués des saisies immobilières se poseront moins souvent la question du risque de péremption du commandement de payer.

En effet, le législateur a allongé la durée de validité des effets du commandement de payer valant saisie immobilière de deux à cinq ans.

Cependant, il subsiste un contentieux relatif aux commandements de payer prorogés avant la nouvelle loi. L’exemple qui suit va éclairer le lecteur sur les raisons de la réforme.

Prenons l’exemple d’un commandement de payer signifié en septembre 2016 et publié moins d’un mois plus tard. Le créancier poursuivant a fait assigner le débiteur devant le JEX à l’audience d’orientation.

Comme c’est souvent le cas, l’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois et a finalement été renvoyée pour plaider en octobre 2018.
Quelques mois plus tôt, pour éviter la péremption, le créancier poursuivant fait assigner le débiteur à l’audience du JEX qui se tient quelques jours avant la péremption du commandement afin de proroger les effets de la publication du commandement de payer et dire que le jugement soit mentionné en marge de la publication initiale dudit commandement.

Le JEX proroge les effets du commandement un peu plus de 23 mois avant la date de publication du commandement. La publication du jugement de prorogation intervient quelques jours avant la date de péremption biennale.

Par jugement intervenu quelques semaines plus tard, le JEX déboute le débiteur de ses demandes et ordonne la vente aux enchères moins de quatre mois plus tard.

Comme c’est souvent le cas, appel est interjeté de cette décision par le débiteur.

Le créancier poursuivant sollicite alors une seconde fois la prorogation des effets du commandement craignant que l’arrêt n’intervienne après le délai de deux ans supplémentaire accordé par le JEX.

Ce dernier proroge une nouvelle fois les effets du commandement mais le second jugement de prorogation est publié deux ans et un jour après la publication du premier jugement de prorogation.

Le débiteur sollicite par la suite, par conclusions d’incident, que soit constatée la péremption du commandement. Selon lui, le jugement aurait dû être publié dans les deux ans de la publication du jugement de prorogation car ledit jugement indiquait expressément que les effets du commandement étaient prorogés pour une durée de deux ans à compter de la date de publication de ce jugement.

Faut-il prendre comme point de départ la publication du commandement initial et vérifier que la prorogation judiciaire intervienne bien à chaque fois dans les deux ans qui suivent cette date anniversaire ou faut-il se référer à la date de publication du jugement de prorogation qui intervient nécessairement avant la date anniversaire des deux, quatre, six ans suivants ?.

Le JEX a fait droit à la demande du débiteur, au visa de des articles R.321-20 et suivants du CPCE.

Selon le magistrat, les conditions de l’article R.321-20 sont remplies, à savoir plus de deux années se sont écoulés depuis la publication du jugement de prorogation sans qu’aucune vente ne soit publiée. Le magistrat prend donc comme point de départ la date de publication du jugement de prorogation et non la date initiale de publication augmentée de deux ans.

Or, le texte indique que les effets du commandement sont prorogés par la mention en marge dudit commandement publié d’un jugement qui ordonne la prorogation de ses effets. Il n’est nullement mentionné que le point de départ de cette prorogation débute à la date de publication du jugement de prorogation.
C’est pourtant ce qu’indique la plupart des JEX dans leur jugement, d’où l’interrogation des praticiens (cf. Jugement du JEX PARIS 6/01/20).

Alors les JEX ne respectent-ils pas, en l’occurrence, l’esprit du texte ?

Un arrêt de la Cour d’appel de Versailles (13/09/2018 n°16/04052) s’est opposé à cette interprétation.
Il retient que le délai de deux ans court à compter de la publication du commandement et non pas à compter de la mention en marge du jugement ordonnant ladite prorogation qui ne peut artificiellement réduire le délai de validité prévu à l’article R.321-20 du CPCE.

En effet, la première prorogation voire les suivantes interviendront forcément avant la date anniversaire de la publication du commandement de payer.
« lorsque le juge de l’exécution ordonne par jugement rendu en date du 4 juillet 2012 la prorogation des effets du commandement, il l’a fait pour une durée de deux ans, prorogeant les effets du commandement jusqu’au 27 août 2014 conformément à la durée de validité initiale des effets du commandements et le fait que le créancier poursuivant ait fait inscrire la mention de prorogation avant le 27 août 2012, soit le 13 juillet 2012, n’a pu avoir pour effet de réduire la durée de deux ans prévue par le texte » .

Si le contentieux relatif aux prorogations judiciaires antérieures à la nouvelle législation est amené à s’épuiser du fait de la nouvelle loi, nul doute que le contentieux de la péremption des effets du commandement de payer valant saisie immobilière a encore de beaux jours devant lui.

En effet, quels délais de péremption appliquer en ce qui concerne les commandements de payer antérieurs au 1er janvier 2021 ?

Quid des commandements publiés avant le 1er Janvier et en cours de validité après le 1er Janvier 2021 ?

Il semble que le nouveau délai s’applique également à ces commandements c’est-à-dire, par exemple, qu’un commandement publié le 29 Juillet 2019, qui aurait dû se périmer le 29 Juillet 2021, se périmera le 29 Juillet 2024.

Des décisions sont venues confirmer cette position.

D’autres questions restent en suspens.

Qu’en est-il des commandements de payer qui ont déjà été prorogés par une décision de justice et dont la prorogation a été publiée avant le 1er Janvier 2021 et toujours en cours de validité ?

Leur durée de validité reste-t-elle inchangée, à savoir deux ans à compter de la publication de cette prorogation ou est-elle soumise à un nouveau délai à compter de cette publication (trois ans à compter de la publication de la prorogation portant à cinq ans le délai de la validité du commandement par exemple ou cinq ans à compter de la publication de la prorogation) ?

Cette hypothèse nous amène à nous interroger sur la question même de la prorogation de la validité du commandement de cinq ans.

La durée initiale de cinq ans peut-elle être prorogée, comme l’était celle de deux ans, augmentant ainsi considérablement la durée de validité du commandement ?

Toutes ces questions en suspens seront l’occasion de débats passionnés devant ces juges spécialisés que sont les juges de l’exécution.

Laurence Chemla Bracka et Denis Bracka

Denis Clément Bracka et Laurence Chemla Bracka, Avocats
Avocat à la Cour
61, rue d’Auteuil 75016 Paris Courriel : bracka chez orange.fr
Site internet : www.bracka.fr

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