La profession de Conseiller en Investissements Financiers (CIF) a été intégrée à la catégorie des services d’investissements par l’ordonnance du 12 avril 2007 (n° 2007-544 du 12 avril 2007) relative au marché des instruments financiers.
Cette profession est réglementée pour garantir la protection des investisseurs, qui doivent être assurés de la liquidité des marchés financiers et des risques d’insolvabilité des sociétés.
L ’ordonnance du 12 avril 2007 a instauré de nombreuses conditions que doivent remplir toutes les personnes qui ont la prétention de prodiguer des conseils financiers à des entreprises ou des particuliers. Parmi ces conditions, il y a la souscription à une assurance responsabilité civile, l’immatriculation préalable auprès de l’ORIAS ou encore, une formation adaptée (Règlement général de l’AMF).
Dès lors que ces conditions ne sont pas remplies, l’exercice de conseil en investissements financiers devient illégal et constitue un délit pénal.
L’article L573-9 du Code monétaire et financier énonce que :
“Est puni des peines prévues à l’article 313-1 [escroquerie] du code pénal :
1° Le fait, pour toute personne, d’exercer l’activité de conseil en investissements financiers définie à l’article sans remplir les conditions prévues par les articles L541-2 à L. 541-5 ;
(2° Abrogé.)
3° Le fait, pour toute personne se livrant à l’activité de conseil en investissements financiers, de recevoir de ses clients des fonds en violation de l’interdiction prévue à l’article L. 541-6."
Toutefois, en l’absence d’un texte clair définissant la caractérisation du délit d’exercice de conseil en investissements financiers, la frontière semble fragile entre le simple conseil financier fourni à titre accessoire par un professionnel du monde des affaires (expert-comptable, avocat, agent immobilier, ...) et l’exercice du conseil financier exercé à titre principal.
C’est pour cela que la jurisprudence a encadré la qualification d’un tel délit.
I- La caractérisation du délit d’exercice illégal de conseil en investissements financiers.
1- Un conseil financier.
Le délit est constitué dès lors qu’en l’absence de l’agrément de l’AMF, un tiers exerce une activité de conseil en investissement.
D’une part, l’exercice de conseil en investissements financiers peut être dirigé vers les entreprises dans le cadre d’une restructuration de leur capital ou encore dans le cadre d’une opération de fusion acquisition [1].
D’autre part, le conseil en investissements financiers peut recouvrir toute recommandation personnalisée à un tiers sur des transactions portant sur des instruments financiers, que ce soit à sa demande ou à l’initiative de la structure qui entend fournir le conseil [2].
Dès lors que l’auteur a effectué des recommandations manifestement illégales le délit d’exercice illégal de conseil en investissement financier est caractérisé et tombe sous le joug de l’article 313-1 du Code pénal : l’escroquerie.
C’est en ce sens que la jurisprudence a considéré que le fait de contacter un client afin de proposer une opération d’investissement apparemment personnalisée relève du conseil en investissement illégal, peu importe que le client refuse la transaction [3].
2- Une activité habituelle.
Dans le cadre des infractions bancaires et financières, la jurisprudence s’accorde sur un point essentiel à la constitution d’un tel délit : la récurrence de l’activité.
Le délit d’exercice illégal de conseil en investissements financiers étant un délit d’habitude, l’exercice habituel ne renvoie pas à la multiplication de clients mais à des manipulations bancaires multiples, qu’importe que cela soit caractérisé auprès d’un seul et même client [4].
En ce sens, le fait de fournir à un client un conseil financier dans le cadre d’un ensemble d’autres prestations ne constitue pas aux yeux de la jurisprudence un quelconque délit : “le délit nécessite qu’il soit exercé de manière habituelle” [5].
En l’espèce, la Cour d’appel avait relevé que le mandat qui liait la société et le conseiller en investissements financiers dans le cadre d’une opération d’augmentation de capital, ne prévoyait qu’une rémunération unique et cela pour une seule opération.
L’objectif étant de ne pas annuler une opération à grande échelle et qui ne se veut pas récurrente.
II- Le préjudice de la victime.
Le délit de fourniture illégal de conseil en investissements financiers a vocation à être caractérisé quand bien même la partie civile n’a pas subi de perte financière.
Pour la jurisprudence, le préjudice résultant de la commission d’un tel délit n’est pas nécessairement “une perte financière due à un détournement punissable”, mais bel et bien l’exercice d’une fonction qui nécessite de démontrer bien plus de sécurité, et c’est pour cela que la qualification d’escroquerie est retenue [6].
Toutefois, les juges du fond acceptent que les demandes de réparation de la victime soient nuancées par son implication dans une telle manoeuvre.
Ainsi, la jurisprudence a considéré qu’une victime qui avait connaissance du caractère irrégulier du conseil en investissement et qui avait signé un contrat qui stipulait les risques de ladite opération, “a accepté en connaissance de cause une opération irrégulière”. Cette dernière pourra demander uniquement le remboursement de la somme prêtée ainsi que des intérêts et la réparation de son préjudice moral [7].
III- Sanctions.
L’article L573-9 du Code monétaire et financier prévoit que le délit d’exercice illégal de conseil en investissements financiers est réprimé comme le délit d’escroquerie [8].
1. Peine principale.
L’article 313-1 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de cinq ans ainsi que 375 000 euros d’amende.
L’article 313-2 du Code pénal prévoit une peine plus lourde de sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque l’escroquerie est commise avec des circonstances aggravantes :
par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission,
par une personne qui prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public,
par une personne qui fait appel au public en vue de l’émission de titres ou en vue de la collecte de fonds à des fins d’entraide humanitaire ou sociale,
au préjudice d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur,
au préjudice d’une personne publique ou d’un organisme de protection sociale ou d’un organisme chargé d’une mission de service public, pour l’obtention d’une allocation, d’une prestation, d’un paiement ou d’un avantage indu.
La peine est portée à dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende lorsque l’escroquerie est commise en bande organisée.
2. Peines complémentaires.
L’article 313-7 du Code pénal prévoit que les personnes physiques coupables d’escroquerie encourent les peines complémentaires suivantes :
l’interdiction des droits civiques, civils et de famille,
l’interdiction d’exercer une fonction ou une profession en lien avec l’infraction,
l’interdiction de gérer une entreprise,
la fermeture d’un établissement de l’entreprise ayant servi à commettre les faits,
la confiscation du produit de l’infraction ou de la chose qui servi à la commettre,
l’interdiction de séjour,
l’affichage de la décision.
L’article 313-8 du Code pénal ajoute l’exclusion des marchés publics, pour une durée maximum de 5 ans.
3. Personnes morales (sociétés, associations).
Au titre de l’article 313-9 du Code pénal, les personnes morales (sociétés, associations,...) encourent la peine d’amende prévue pour les personnes physiques, dont le montant est quintuplé.
Elles encourent également la dissolution, l’interdiction d’exercer certaines activités en lien avec l’infraction, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture d’un établissement, l’exclusion des marchés financiers, l’obligation d’afficher la décision [9].