1- Des délais de procédure plus courts
Tout d’abord, il convient de noter que depuis la réforme de la procédure prud’homale entrée en vigueur le 1er août 2016 (décret du 20 mai 2016, article R 1452-1 du Code du travail), les Conseils de Prud’hommes constatent une baisse du nombre de saisines (entre 15 et 40% selon les régions). En effet, la procédure est devenue plus technique et empreinte d’un formalisme certain dès le dépôt de la requête aux fins de saisine du Conseil de Prud’hommes.
Ainsi, les salariés non assistés notamment par un défenseur syndical ou un avocat n’osent plus franchir ce cap de saisine du Conseil et renoncent à toute procédure. Il en ressort automatiquement du fait de la baisse du nombre de dossiers, un raccourcissement des délais de procédure qui commence à se faire ressentir.
Par exemple, à Nanterre, le délai de procédure en section encadrement est passé de 2 ans à 8 mois en moyenne.
2- Un barème de conciliation plus avantageux
Une fois le Conseil saisi, a lieu la première audience dite de conciliation ayant pour objet de tenter de rapprocher les parties. Le décret n°2016-1582 du 23 novembre 2016 a augmenté les montants des indemnités forfaitaires de conciliation qui évoluent selon l’ancienneté des salariés et ne sont pas modulables selon la taille de l’entreprise (article D 1235-1 du Code du travail).
L’objectif de ce barème qui n’a qu’un caractère indicatif est de favoriser les conciliations. En effet le barème se révèle être plus avantageux voire même beaucoup plus pour les salariés des entreprises de moins de 11 salariés.
A titre d’exemple, un salarié ayant 5 ans d’ancienneté peut percevoir une indemnité forfaitaire de conciliation de 7 mois de salaires contre une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse évoluant entre 3 et 6 mois de salaires pour un salarié employé dans une entreprise d’au moins 11 salariés et une indemnité pour licenciement abusif de 1,5 mois de salaire pour un salarié employé dans une entreprise de moins de 11 salariés.
En outre, l’indemnité forfaitaire de conciliation (si elle correspond précisément au montant prévu par le barème) n’est pas imposable (art 80 duodecis CGI), bénéficie des conditions d’exonération sociale de l’indemnité transactionnelle et n’est pas prise en compte pour le calcul du délai de carence du Pôle Emploi.
Bien entendu, il convient de négocier avec l’employeur et de s’accorder pour aboutir à une issue amiable et à la signature d’un procès-verbal de conciliation sur cette base. Mais en cas de dossier solide et d’arguments sérieux, l’employeur, qui peut aussi être attaché au fait de ne pas avoir de décision prud’homale rendue à son encontre en terme de réputation et d’image, peut également disposer d’un avantage certain à concilier rapidement dès la première audience.
C’est là aussi que l’on mesure l’intérêt de la communication de pièces et d’une rédaction précise de la requête aux fins de saisine du Conseil de Prud’hommes en termes de demandes et de fondements juridiques afin d’amener la partie adverse à négocier.
3- De multiples pistes pour déjouer l’application des barèmes d’indemnisation en cas de licenciement jugé abusif ou sans cause réelle et sérieuse
En cas d’absence de conciliation, les barèmes d’indemnisation prévus par ordonnance fixent un plancher et un plafond selon l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise. Ces barèmes sont applicables en cas de licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse mais aussi en cas de prise d’acte et de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Néanmoins, ces barèmes ne s’appliquent pas « lorsque le juge constate que le licenciement est nul en application d’une disposition législative en vigueur ou qu’il est intervenu en violation d’une liberté fondamentale » (article L 1235-3-1 du Code du travail). Dans ces cas, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois et ce sans aucun plafond.
Ainsi, et pour mémoire, les cas de nullité du licenciement sont les suivants :
licenciement consécutif à des faits de harcèlement moral ou sexuel (articles L 1152-3 et L 1153-4),
licenciement discriminatoire (article L 1134-4) soit en raison du sexe, de l’âge, de l’origine, de l’orientation sexuelle...,
licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les conditions mentionnées à l’article L 1144-3 du Code du travail,
licenciement consécutif en matière de dénonciation de crimes et délits dans les conditions prévues à l’article L 1232-3-3 ou de l’exercice d’un mandat par un salarié ainsi que certains salariés protégés (en cas de maternité, accident du travail ou maladie professionnelle).
Par ailleurs, pour contester l’application du barème, une piste sérieuse est à explorer en ayant recours aux règles internationales et européennes.
En effet, l’article 24b) de la Charte sociale européenne (hors cadre UE) dispose que les parties signataires, dont la France, s’engagent à reconnaître « le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ». Le respect des engagements énoncés dans la Charte est soumis au contrôle du Comité européen des droits sociaux
De plus, il est à relever que le 17 novembre 2017, les États membres de l’UE ont adopté le socle européen des droits sociaux dont l’objectif est de conférer aux citoyens des droits nouveaux et plus efficaces sur la base de 20 principes clés dont : « Avant tout licenciement, les travailleurs ont le droit d’être informés des motifs du licenciement et de bénéficier d’un délai raisonnable de préavis. Ils doivent avoir accès à des mécanismes de résolution de litiges efficaces et impartiaux et, en cas de licenciement injustifié, bénéficier d’un droit de recours ainsi que d’une indemnisation adéquate ». (principe 7)
En outre, l’article 10 de la convention de l’Organisation internationale du travail n°158 du 22 juin 1982 dont la France est signataire dispose « si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Par le passé et à titre d’exemple, la convention de l’OIT 158 a été directement invoquée dans l’affaire du contrat nouvelle embauche : le contrat ayant été jugé non compatible avec la convention, il a été abrogé (Cass. soc. 1-7-2008 n° 07-44.124 FP-PBRI : RJS 10/08 n° 1016 ; Cass. soc. 15-12-2010 n° 08-45.242 F-PB, Sté d’exploitation Le Domaine de Valmont c/ R. et 29-1-2011 n° 09-40.028 F-D : RJS 4/11 n° 359).
Ces dispositions internationales et européennes pourront donc être invoquées par les salariés.
Enfin, il est fort probable que des demandes qui aboutissaient peu auparavant devant le Conseil de Prud’hommes fassent l’objet d’un regain d’intérêt et soient davantage accordées, à condition bien entendu de disposer d’éléments sérieux. L’on peut penser notamment aux demandes de rappels d’heures supplémentaires ou de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, remise en cause des forfait jours pour les salariés cadres...
Dans tous les cas, le salarié ne doit pas perdre à l’esprit qu’il dispose maintenant d’un délai d’un an pour contester son licenciement si celui-ci est intervenu depuis le 24 septembre 2017.
Discussion en cours :
Très bon article : clair et précis ! Bravo !