Discipline des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation : ce qui change avec la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bousbacher, Juriste.

2396 lectures 1re Parution: 4.83  /5

Explorer : # déontologie des avocats # discipline des avocats # réforme judiciaire # sanctions disciplinaires

La loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a apporté de nombreuses modifications portant sur la déontologie et la discipline des professions du droit, et plus particulièrement sur celles des officiers ministériels.
En effet, le titre V de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire contient dix-huit articles qui ont pour finalité de « renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du droit ».

-

Aucune disposition réformant la discipline des officiers ministériels n’a été censurée par le Conseil Constitutionnel, et une ordonnance n°2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels est venue compléter le nouveau régime.

1) Champ d’application.

En effet, l’article 31 de la loi du 22 décembre 2021 précise d’emblée le champ d’application qui concerne les officiers ministériels.

Ces derniers sont donc les « avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, aux commissaires de justice, aux greffiers des tribunaux de commerce et aux notaires ».

Toutefois, notre article se portera plus particulièrement sur les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

2) Un code de déontologie propre aux avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

L’article 32 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 prévoit que désormais les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, auront un « code de déontologie propre et préparé par [leur] instance nationale et édicté par décret en Conseil d’Etat ».

En outre, ce même article précise par ailleurs que « ce code énonce les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s’applique en toutes circonstances à ces professionnels dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions ».

Aussi, il est souligné que concernant les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, l’instance nationale mentionnée ci-dessus, est l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

L’article 2 de l’ordonnance n°2022-544 du 13 avril 2022 reprend ces dispositions législatives en n’apportant aucune précision autre que celle selon laquelle « les instances nationales précisent par voie de règlement les règles professionnelles propres à assurer le respect du code de déontologie. Pour les officiers publics et ministériels, ce règlement est approuvé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ».

Enfin, l’article 32 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire caractérise toute contravention au code de déontologie comme constituant un manquement disciplinaire entrainant irrémédiablement des sanctions.

Toutefois, ces sanctions sont prévues et élaborées par des collèges de déontologie, c’est-à-dire par des professionnels du droit « dont au moins un membre honoraire du Conseil d’Etat » précise l’article 33 de cette même loi ainsi que l’article 3 de l’ordonnance du 13 avril 2022.

En effet, l’article 33 de la loi n°2021-1729 pour la confiance dans l’institution judiciaire dispose que « des collèges de déontologie sont institués auprès des instances nationales de chacune des professions mentionnées à l’article 31. Ils participent à l’élaboration du code de déontologie de la profession et émettent des avis et des recommandations sur son application ».

Il convient de préciser que l’institution de ces collèges de déontologie ainsi que leur fonction est tout à fait nouvelle.

L’article 4 de l’ordonnance n°2022-544 du 13 avril 2022 précise la fonction de ces collèges de déontologie :

« la réclamation à l’encontre d’un professionnel est adressée à l’autorité de la profession mentionnée à l’article 6. Elle donne lieu à un accusé de réception conformément à l’article L112-3 du code des relations entre le public et l’administration. L’autorité en informe le professionnel mis en cause et l’invite à présenter ses observations.

Lorsque la nature de la réclamation le permet, et sous réserve des réclamations abusives ou manifestement mal fondées, l’autorité convoque les parties en vue d’une conciliation, à laquelle prend part un membre au moins de la profession concernée.

L’auteur de la réclamation et le professionnel mis en cause sont informés des suites réservées à la réclamation. En l’absence de conciliation ou en cas d’échec de celle-ci, ainsi qu’en l’absence de poursuite disciplinaire, l’auteur de la réclamation est informé sans délai de la possibilité de saisir les autorités mentionnées aux articles 8 et 9 ou de saisir directement la juridiction disciplinaire ».

3) Le contrôle et la discipline des officiers ministériels.

Ensuite, l’article 34 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 prévoit en son alinéa premier l’exercice par le procureur général de la « mission de surveillance de la déontologie et de la discipline des officiers publics et ministériels ».

A cet effet, « il peut saisir les services d’enquête de ces professions et demander toute explication à un professionnel ou aux instances représentatives de la profession. Il exerce l’action disciplinaire à l’encontre des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce et des notaires du ressort de la cour d’appel, concurremment avec les autorités de chacune de ces professions habilitées à l’exercer ».

Il est ainsi possible de souligner que la cour d’appel concentre et unifie désormais le contrôle de ces acteurs du droit, tout comme le procureur général dispose aussi désormais de compétences plus nombreuses pour ouvrir et conduire ce contrôle au bénéfice des justiciables.

De même, l’alinéa second de cet article porte plus particulièrement sur l’exercice de l’action disciplinaire à l’encontre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Il est précisé notamment que cette action « est exercée, concurremment avec le président de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, par le vice-président du Conseil d’Etat quand les faits en cause ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou les juridictions de l’ordre administratif et, dans les autres cas, par le premier président de la Cour de cassation ou le procureur général près la Cour de cassation ».

Par conséquent, pour les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, une disposition spécifique leur est réservée, qui n’accorde pas la compétence en matière de leur contrôle et de leur discipline au procureur général comme pour les autres officiers, mais au vice-président du Conseil d’Etat, au président de l’Ordre des avocats, au procureur général près la Cour de cassation et au premier président de la Cour de cassation.

4) Procédure disciplinaire.

Avant toute chose, l’article 7 de l’ordonnance n°2022-544 du 13 avril 2022 précise que « toute contravention aux lois et règlements, tout fait contraire au code de déontologie commis par un professionnel, même se rapportant à des faits commis en dehors de l’exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles constituent un manquement disciplinaire.

Le professionnel ayant cessé d’exercer, quelle qu’en soit la cause, y compris s’il est regardé démissionnaire d’office dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, peut être poursuivi et sanctionné si les faits qui lui sont reprochés ont été commis alors qu’il était encore en exercice ».

Par ailleurs, l’article 35 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire institue une procédure préalable à tout engagement éventuel de poursuites disciplinaires afin, non pas seulement de filtrer les procédures mais aussi, démontrer un certain respect et une certaine confiance envers la fonction des officiers publics et ministériels.

A cet effet, il est possible, et non pas obligatoire, pour l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, de demander des explications au professionnel.

Il est aussi possible de seulement lui adresser un rappel à l’ordre ou une injonction de mettre fin au manquement, à l’issue d’une simple procédure contradictoire, rappel à l’ordre étant néanmoins encadré dans un « délai de prescription de trois ans à compter du jour où l’autorité compétente a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits susceptibles de justifier de telles mesures ».

De même, l’article 36 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 confie à l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation la compétence pour traiter des réclamations à l’encontre d’un professionnel qui leur serait adressée.

En cas d’échec ou d’absence de la conciliation, l’article 36 prévoit la possibilité de transférer la procédure aux autorités mentionnées à l’article 34 ou bien de saisir directement la juridiction disciplinaire.

5) Une juridiction disciplinaire.

Le dernier alinéa de l’article 36 de la loi n°2021-1729 dispose que « le président de la juridiction disciplinaire de première instance ou son suppléant peut rejeter les plaintes irrecevables, manifestement infondées ou qui ne sont pas assorties des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ».

Par conséquent, l’article 37 de cette même loi consacre l’existence d’un service chargé de réaliser des enquêtes sur les agissements susceptibles de constituer un manquement disciplinaire, auprès de chaque juridiction disciplinaire de premier ressort.

Néanmoins, l’apport de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire tient surtout en l’institution de juridictions disciplinaires siégeant dans des formations échevinales, c’est-à-dire dans des formations composées de magistrats professionnels mais aussi de personnes n’étant pas des magistrats professionnels.

C’est l’article 38 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire qui institue cela, en plus que de préciser en détail la formation des chambres de discipline : « des chambres de discipline, instituées respectivement auprès des conseils régionaux des notaires et des chambres régionales des commissaires de justice désignés par arrêté du ministre de la justice, connaissent en premier ressort des poursuites disciplinaires contre ces professionnels. Elles sont composées d’un magistrat du siège de la cour d’appel, en activité ou honoraire, président, et de deux membres de la profession concernée ».

L’alinéa troisième de cet article s’intéresse plus particulièrement à la juridiction intéressant les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation :

« une cour nationale de discipline, instituée auprès de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, connaît des poursuites disciplinaires contre ces professionnels. Elle est composée d’un membre du Conseil d’Etat, d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, et de cinq membres de la profession.

La cour est présidée par le membre du Conseil d’Etat lorsque les faits en cause ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou devant les juridictions de l’ordre administratif. Dans les autres cas, elle est présidée par le magistrat du siège de la Cour de cassation.

Les arrêts de la cour peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat lorsque les faits en cause ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou les juridictions de l’ordre administratif ou devant la Cour de cassation dans les autres cas, qui statuent en fait et en droit ».

6) Des peines.

L’article 39 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021, ainsi que l’article 16 de l’ordonnance du 13 avril 2022, listent les peines disciplinaires pouvant être encourues par les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, telles que l’avertissement, le blâme, l’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de dix ans, la destitution ou bien le retrait de l’honorariat.

Il convient de remarquer ensuite que le régime disciplinaire applicable aux avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation est semblable à la réformation du régime disciplinaire des avocats.

Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

24 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27876 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs