Effet dévolutif de l’appel et demande implicite.

Par Romain Laffly, Avocat.

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Explorer : # effet dévolutif de l’appel # demande implicite # procédure civile # expertise génétique

L’appelant qui limite sa déclaration d’appel à une demande d’expertise afin de contester sa paternité critique implicitement le rejet par le premier juge de sa demande d’annulation de sa paternité.

Civ. 2e, 3 avr. 2019, F-P+B, n° 18-13.387

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Le 14 septembre 2017, la cour d’appel de Dijon déclare irrecevable une action en contestation de filiation dans la mesure où l’appelant avait limité son appel au rejet d’une demande d’expertise génétique aux fins de contester sa paternité, sans référence au rejet par le premier juge de sa demande d’annulation de la reconnaissance. Un pourvoi est formé contre l’arrêt et la deuxième chambre civile, au visa de l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour de Dijon motif pris qu’en statuant ainsi, alors qu’en déférant le chef du jugement rejetant sa demande d’expertise, l’appelant critiquait implicitement celui relatif à la demande d’annulation de sa paternité, la cour a violé le texte susvisé.

L’arrêt ni les moyens au soutien du pourvoi n’apportent de précision sur la date de l’appel mais, s’agissant d’un arrêt de cour d’appel du 14 septembre 2017, on en déduira volontiers que l’acte d’appel avait été formé avant l’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. Et cette précision est d’importance et éclaire bien sûr la portée de cette cassation.
En effet, dans sa version antérieure, l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile disposait que « l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent », tandis que pour tout appel interjeté à compter du 1er septembre 2017, le même alinéa précise que « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ». Plus de référence donc à la critique implicite avec le nouveau décret. Mais, en limitant sa déclaration d’appel, régularisée avant l’entrée en vigueur du décret, au rejet de la demande d’expertise, l’appelant pouvait encore, au sens de l’article 562 ancien, déférer un chef de jugement implicitement critiqué. Or la critique du rejet de la demande d’annulation de la reconnaissance de paternité était implicitement contenue, pour la haute juridiction, dans celle du rejet de la demande d’expertise génétique relative à la paternité.

Avant le 1er septembre 2017, l’effet dévolutif d’un acte d’appel mentionnant « appel total » s’opérait pour le tout, sauf lorsque l’appel était limité à certains chefs du jugement, et les conclusions permettaient alors de restreindre le champ de la déclaration d’appel total.

Après des valses-hésitations, la Cour de cassation avait aussi tranché, par un arrêt également publié, en faveur de la suprématie de l’acte d’appel sur les écritures [1], mais à condition que l’appelant ait interjeté appel total tandis qu’au cas présent, il avait bien limité la dévolution avec sa déclaration d’appel. Restait à l’intimée la possibilité d’étendre l’effet dévolutif par un appel incident contenu dans ses conclusions, mais, en l’espèce, l’intéressée n’avait bien évidemment pas entendu remettre en cause sur ce point la décision dont appel.

La cour d’appel, qui s’estimait donc saisie d’une seule demande d’expertise, en avait faussement déduit qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande d’expertise puisque cette mesure ne serait pas susceptible de permettre à l’appelant de contester utilement sa paternité.

Toutefois, s’il était possible de constater que l’appel avait été limité à un chef de jugement précis, en l’occurrence le rejet de l’expertise, la cour, saisie par un dispositif de conclusions qui lui demandait aussi de réformer le jugement en ce qu’il avait rejeté l’action en contestation de paternité, ne pouvait estimer que le rejet de cette dernière demande était devenu définitif sans se demander si cette demande d’annulation de paternité pouvait être implicitement contenue dans la prétention relative à l’expertise.
Et, bien que la Cour de cassation ait finalement très peu statué sur le caractère implicite d’une prétention et qu’il ne soit pas forcément aisé de savoir ce que recouvre cet adjectif – ce qui est implicite est ce qui est virtuellement contenu dans une proposition –, il n’est pas incongru de considérer que la demande d’expertise génétique puisse être considérée comme étroitement liée avec celle relative à l’annulation d’une paternité et contenue en elle.

Mais attention, la solution dégagée présente surtout un intérêt historique puisqu’elle n’est pas transposable à la nouvelle déclaration d’appel formée depuis le 1er septembre 2017. Plus aucune référence au caractère implicite de la demande à l’alinéa premier, et c’est assez logique puisque le nouvel alinéa second de l’article 562 précise désormais que « la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible », ce qui nécessite de viser « les chefs de jugement critiqués auxquels l’appel est limité » sur la déclaration d’appel conformément à l’article 901 du code de procédure civile, chefs de jugement qui devront encore être repris dans les conclusions par application de l’article 954, alinéa 2, du code de procédure civile.
Le principe est devenu l’exception.

Par Romain Laffly pour Dalloz Actualité

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Notes de l'article:

[1Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-25.799, Dalloz actualité, 19 oct. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 1919.

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