En France : enquête à charge et à décharge
À titre liminaire, rappelons que le système judiciaire français est un système mixte, inquisitoire lors de la phase d’enquête, c’est-à-dire secret, écrit et non contradictoire, et accusatoire lors du procès, c’est-à-dire public, oral et contradictoire. Une fois saisi, le juge d’instruction a le devoir d’instruire le dossier à charge et à décharge ce qui a pour objectif de rééquilibrer les pouvoirs d’enquête, notamment au profit de la défense. Cependant, la saisine du juge d’instruction n’est pas systématique. Obligatoire pour les crimes, elle dépend pour les délits soit d’un réquisitoire du Procureur de la République, soit d’une plainte avec constitution de partie civile. Selon les chiffres du Ministère de la Justice, cela représentait, en 2006, 2% des affaires pénales.
Aux Etats-Unis : enquête à charge
Aux Etats-Unis, comme l’a illustré l’affaire DSK, le Procureur dirige l’enquête publique en instruisant uniquement à charge. Les chefs d’inculpation basés sur les premiers éléments sont présentés à un jury populaire qui détermine le bien fondé ou non de l’inculpation. Après cette courte phase, le procès est très rapidement ouvert. La personne inculpée révèle alors sa stratégie de défense. Si elle plaide non coupable, la phase de discovery, c’est-à-dire d’enquête et de confrontation entre les parties, est initiée. C’est à ce stade que l’investigation va être la plus fouillée. Les échanges entre avocats, la fameuse cross-examination (interrogatoires et contre-interrogatoires à la barre par les avocats) peuvent se révéler d’une violence inouïe tant pour la défense, que pour la victime et les témoins. Ce système favorable aux droits de la victime est souvent critiqué pour sa propension à engendrer une justice à deux vitesses. La défense devant construire entièrement son dossier, le procès s’avère très coûteux (frais d’avocat, bataille d’experts…). L’affaire DSK en a une fois encore fourni une bonne illustration.
Vers une américanisation du système français ?
Souvent focalisés sur les paralysies et les défauts du système judiciaire français, l’affaire DSK, miroir grossissant de la procédure pénale américaine, nous conduit à porter un nouveau regard sur notre modèle. L’ensemble des critiques portées sur le système anglo-saxon a donné un nouveau souffle à la réflexion sur la suppression du juge d’instruction en France. Ce pas supplémentaire vers un modèle accusatoire risquerait de menacer les droits de la défense ou d’enterrer certains dossiers dans le cadre de saisine par plainte avec constitution de partie civile. Nombreux sont ceux qui redoutent que l’américanisation de système français, sans repenser des droits de la défense, conduise à leur anéantissement face à un Parquet tout puissant et alors même que la récente réforme de la garde à vue tend à les renforcer.
Les oppositions entre système français et américain doivent cependant être relativisées. En effet, en France, la dualité du juge d’instruction est souvent une illusion tant il est difficile pour un seul et même homme d’enquêter objectivement sur deux points de vue diamétralement opposés. De plus, les phases d’enquête peuvent durer très longtemps, ce qui peut engendrer de longues périodes de détention provisoire alors même que le procès n’a pas été initié. Enfin, la défense a également un coût en France que l’aide juridictionnelle n’arrive pas à compenser.
L’équilibre périlleux entre droits de la défense, droits de la victime et recherche de la vérité dépassera certainement à l’avenir l’opposition accusatoire/inquisitoire pour se tourner vers une régulation au travers du spectre des droits fondamentaux et libertés individuelles tels que définis par les cours européennes et tribunaux internationaux.