L'entreprise et la messagerie électronique au bureau… Je t'aime, moi non plus, par Karine Géronimi, Avocate

L’entreprise et la messagerie électronique au bureau... Je t’aime, moi non plus, par Karine Géronimi, Avocate

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Explorer : # usage abusif de la messagerie électronique # licenciement pour faute grave # respect de la vie privée # désorganisation du travail

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L’histoire n’est pas nouvelle et se répète au fil de la jurisprudence. Un employeur peut –il licencier pour usage abusif de mails professionnels ? « Oui » dit la Cour d’appel de Limoges, dans un arrêt du 23 février 2009. Elle a d’ailleurs, précisé la jurisprudence sur le sujet.

Quelles sont les limites de la messagerie électronique ?

Un salarié a diffusé à plusieurs reprises, à ses collègues des courriels dénigrant l’entreprise et les incitant à agir en justice contre l’employeur. La Cour confirme qu’il commet une faute grave de nature à conduire à son licenciement. Elle rappelle que la messagerie électronique professionnelle est mise à la disposition des salariés dans l’intérêt exclusif de l’entreprise et pour l’exécution des tâches qui leur sont confiées. L’employeur peut autoriser ou tout au moins tolérer son usage à des fins personnelles, mais la Cour affirme qu’un usage habituel ou systématique est en soi fautif.

Dans cette affaire, outre le nombre important de mails envoyés, c’est le contenu des messages qui a le plus pesé dans la balance. Les juges ont conclu à une violation caractérisée de l’obligation de loyauté du salarié vis-à-vis de son employeur. Le salarié critiquait la politique de gestion des sinistres menée par son employeur et incitait l’ensemble des autres conseillers commerciaux de l’entreprise à intenter des actions en justice et à signer une pétition contre l’employeur. La Cour a, au vu du contenu des messages envoyés, admis la légitimité de son licenciement pour faute grave.

Le salarié a développé une argumentation souvent évoquée dans ce type d’affaires. Il soutenait que son employeur avait violé le secret des correspondances en accédant à sa messagerie personnelle sans son autorisation. Les juges n’ont pas retenu ses développements car les messages litigieux avaient été transmis à l’employeur par plusieurs de leurs destinataires. L’employeur n’a donc pas eu à opérer d’investigations pour en prendre connaissance.

De manière plus générale, la question de l’usage de la messagerie électronique à des fins personnelles sur son lieu de travail est-elle un motif de licenciement ? « Il semble que les tribunaux répondent de plus en plus par l’affirmatif » souligne Karine Geronimi, avocate au Barreau de Paris.
Le Conseil Prud’hommes d’Angers (jugement du 30 janvier 2009) a considéré qu’il ne pouvait y avoir de violation de la vie privée puisque la découverte de l’envoi de mails privés était consécutive à une recherche de virus dans le système informatique, et qu’au surplus, les mails n’avaient pas été lus, mais simplement constatés. L’ancienne salariée estimait son licenciement abusif car les mails étaient rédigés pendant sa pause déjeuner, et qu’il y avait de la part de son ex-employeur, une violation de sa vie privée.La question de l’usage personnel des outils informatiques professionnels est une question qui perdure et qui ne trouve aucune solution satisfaisante. « C’est une question complexe à laquelle nous, avocats, tentons en fonction de nos clients, de trouver des solutions » explique Karine Géronimi. « Nos moyens légaux se trouvent dans le code du travail (article L 1121-1) mais surtout dans les jugements et décisions des tribunaux et cours ».

Le respect de la vie privée du salarié au sein de l’entreprise

Le salarié bénéficie comme l’ensemble des citoyens, du droit au respect de sa vie privée. Ce principe déjà codifié par le Code Pénal et le Code de Procédure Civile, a été réaffirmé en 2001 par la Cour de Cassation : « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à l’informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Soc. 2 octobre 2001 n° 99-42942).

Quel est le sort des fichiers créés sur le lieu et pendant le temps de travail, avec les outils mis à la disposition par employeur ? La Haute Cour a considéré que les dossiers et fichiers crées par un salarié grâce aux outils de travail, sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès sans la présence du salarié, à moins que celui-ci ait identifié ces dossiers comme étant personnels (Ch. mixte 18 mai 2007 – n°05-40803). « Il appartient donc au salarié d’identifier ses fichiers comme « personnel » ou « privé » » souligne Karine Géronimi. Il ne faut pas oublier que le salarié est soumis au droit du travail, et qu’en vertu du lien de subordination qui existe, l’employeur donne des instructions, et s’assure que ses employés remplissent les missions qui leur ont été confiées.

L’obligation de travail du salarié à l’égard de son employeur

« En tant que conseil de mes clients entrepreneurs, je considère que l’usage à des fins personnelles des outils mis à la disposition des salariés est une tolérance de l’employeur. Et cette tolérance a pour limite la désorganisation du travail » précise Karine Géronimi. Il apparaît clairement au travers de la jurisprudence que l’élément déterminant est la notion de désorganisation du travail. Cette notion est purement factuelle et sera appréciée au cas par cas. Si le temps passé à surfer sur Internet ou à envoyer des messages privés, réduit considérablement le temps consacré au travail, de façon à ce que l’organisation des missions confiées au salarié s’en trouve désorganisées, l’employeur pourra légitimement revoir la relation de travail avec son salarié et justifier le licenciement. En conclusion, il faut veiller à ne pas perturber la bonne marche de l’entreprise en utilisant les ressources informatiques à des fins personnelles. Tout est une question de degré.

Karine Géronimi, avocate au Barreau de Paris

karine.geronimi chez geronimi-avocats.fr

site : http://www.geronimi-avocats.fr

blog : http://www.avocats.fr/space/karine....

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