La suppression de la garantie légale de conformité pour les ventes d’équidés.

Par Elodie Kassem, Avocate.

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Explorer : # vente d'équidés # garantie légale de conformité # vices cachés # droits des consommateurs

L’ordonnance n°2121-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques a exclu l’application de la garantie légale de conformité pour les ventes d’animaux domestiques.

-

Cette exclusion redistribue les cartes de la vente d’équidés entre professionnels et consommateurs à compter du 1er janvier 2022.

Que prévoit la garantie légale de conformité ?

La garantie légale de conformité, introduite aux articles L217-1 et suivants du Code de la consommation par l’ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, est applicable aux vente conclues entre un vendeur professionnel (agissant au titre de son activité professionnelle ou commerciale) et un acquéreur consommateur (personne physique qui achète à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale).

Le vendeur professionnel doit ainsi livrer « un bien conforme au contrat » au consommateur et répond « des défauts de conformité existant lors de la délivrance » [1].

Le bien est conforme au contrat si « il est propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable » et le cas échéant si :
- « Il correspond à la description, au type, à la quantité et à la qualité, notamment en ce qui concerne la fonctionnalité, la compatibilité, l’interopérabilité, ou toute autre caractéristique prévues au contrat ;
- Il présente les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté
 ».

L’acquéreur d’un cheval dispose d’un délai de 2 ans à compter de la livraison du cheval pour agir sur le fondement de la garantie légale de conformité.

Il devra rapporter la preuve de la réunion de trois conditions :
- l’existence d’un défaut qui rend le cheval inapte à l’usage habituellement attendu ou qui ne présente pas les caractérisés définies par un commun accord entre les parties ;
- la méconnaissance de ce défaut lors de la vente ;
- l’antériorité du défaut à la vente.

L’acquéreur peut solliciter la résolution de la vente, mais aussi la conservation du cheval et la restitution d’une partie du prix.

A titre d’exemples, les tribunaux ont retenu l’application de la garantie légale de conformité à :
- une jument destinée à la compétition vendue pleine [2] ;
- un cheval de sport présentant des problèmes locomoteurs anciens [3] ;
- un cheval destiné à la compétition souffrant d’arthrose rachidienne thoracique incurable [4].

Que va-t-il se passer le 1er janvier 2022 ?

En application de l’article 21 de l’ordonnance n°2121-1247 du 29 septembre 2021, à partir du 1er janvier 2022, la garantie légale de conformité ne s’appliquera plus aux ventes d’animaux domestiques, et donc à la vente de chevaux.

D’autres recours, moins favorables à l’acquéreur consommateur, resteront toutefois possibles.

De quels recours l’acquéreur d’un cheval vendu par un professionnel disposera-t-il à compter du 1er janvier 2022 ?

A compter du 1er janvier 2022, l’acquéreur d’un cheval pourra exercer les recours suivants contre le vendeur :

- La garantie des vices rédhibitoires.

Elle est régie par les dispositions des articles L213-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime.

Sont réputés vices rédhibitoires :
- l’immobilité ;
- l’emphysème pulmonaire ;
- le cornage chronique ;
- le tic proprement dit avec ou sans usure des dents ;
- les boiteries anciennes intermittentes ;
- l’uvéite isolée ;
- l’anémie infectieuse.

L’acquéreur d’un équidé atteint d’un vice rédhibitoire a 10 jours, à compter de la livraison du cheval, pour agir à l’encontre du vendeur, à l’exception de l’uvéite isolée et de l’anémie infectieuse pour lesquelles il dispose d’un délai de 30 jours à compter de la livraison.

L’acquéreur devra solliciter la nomination d’un Expert judiciaire vétérinaire afin de constater contradictoirement l’existence du vice rédhibitoire.

Il pourra ensuite solliciter :
- la résolution du contrat c’est à dire l’anéantissement rétroactif du contrat, l’acheteur devant rendre le cheval et le vendeur le prix, ainsi que, pour le vendeur professionnel ou le vendeur particulier de mauvaise foi, les frais dépensés pour la conclusion de la vente ;
- la diminution du prix afin qu’il soit dans la situation où il se serait trouvé si le cheval vendu n’avait pas été atteint de vices cachés, si toutefois le vendeur ne sollicite pas la reprise du cheval.

Ce délai, extrêmement court, et la liste limitative des vices admis font que la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices rédhibitoires est peu admise par les tribunaux.

Il convient de lui préférer le fondement de la garantie des vices cachés lorsque cela est possible.

- La garantie des vices cachés.

En application de l’article L213-1 du Code rural, la garantie des vices cachés, régie par les articles 1641 à 1648 du Code civil, ne s’applique que si les parties ont exprimé leur volonté d’y recourir.

Cette expression de volonté peut être expresse (une clause stipulée dans l’acte de vente), ou implicite [5].

Ainsi, si les parties l’ont convenu, l’acquéreur pourra agir en garantie des vices cachés à l’encontre du vendeur dans les 2 ans suivant la découverte du vice affectant le cheval

Il devra alors rapporter la preuve de la réunion de trois conditions :
- le vice doit être caché ;
- le vice doit présenter une gravité telle qu’il rend le cheval vendu impropre à son usage ou diminue très fortement son usage ;
- le vice doit exister au jour de la vente.

Tout comme pour la garantie des vices rédhibitoires, l’acquéreur pourra solliciter la résolution de la vente ou la diminution du prix.

La difficulté réside dans la preuve de la volonté des parties de soumettre la vente à cette garantie légale en l’absence de clause contractuelle en ce sens.

- Les vices du consentement.

L’acquéreur d’un cheval peut également rechercher l’annulation de la vente sur le fondement de l’article 1130 du Code civil qui dispose que :

« l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».

L’article 1132 du Code civil précise que l’erreur doit porter sur une qualité essentielle du cheval, c’est-à-dire les qualités qui ont été convenues par les parties et en considération desquelles elles ont contracté.

L’action sur l’erreur n’est toutefois pas recevable lorsque l’erreur est la conséquence d’un défaut, l’action en garantie des vices cachés étant alors la seule action possible [6].

Par exemple, ont été retenus comme des erreurs sur les qualités essentielles du cheval :
- le fait pour une jument d’être vendue comme une Selle Française alors qu’elle n’était pas inscrite au studbook du SF [7] ;
- le fait pour un cheval d‘être vendu à la fois pour la pratique du dressage et comme étalon reproducteur de race lusitanienne alors qu’il n’a jamais été approuvé et qu’il présente en outre d’une malformation du dos qui le rend impropre à la pratique du dressage [8].

L’annulation de la vente peut également être prononcée si l’acquéreur parvient à démontrer l’existence d’un dol.

L’article 1137 du Code civil définit le dol comme suit :

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

La démonstration du dol nécessite la réunion de trois conditions :
- des manœuvres, mensonges ou la réticence dolosive (silence fautif) ;
- leur caractère déterminant pour la victime : sans ces manœuvres, mensonges, la victime n’aurait pas contracté dans ces conditions ;
- leur origine : ils doivent émaner du cocontractant ou d’un tiers de connivence.

En présence d’un dol, l’acquéreur peut solliciter l’annulation de la vente, mais aussi l’allocation de dommages et intérêts.

Exemple de dol :
- le fait pour un vendeur non professionnel de ne pas avoir révélé à l’acquéreur la présence d’une ancienne fourmilières dont les conséquences d’une éventuelle récidive étaient particulièrement graves [9] ;
- le fait, pour un vendeur professionnel, de ne pas avoir informé l’acquéreur de l’opération de l’intestin grêle (entérectomie) subie par le cheval 4 ans plus tôt. Le cheval a dû être euthanasié un an après la vente à la suite d’une paralysie intestinale qui était la conséquence directe de l’opération subie. Le cheval, acheté 55.000 € était destiné à l’équipe de France junior de saut d’obstacles [10].

L’exclusion de la garantie légale de conformité aux ventes équines, une source d’insécurité juridique ?

Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 29 septembre 2021 précise que :

« Les contrats de vente d’animaux domestiques restent couverts par les dispositions spécifiques du Code rural renvoyant sous certaines conditions à la garantie des vices cachés du Code civil ».

Toutefois, ainsi que rappelé précédemment la garantie légale des vices rédhibitoires est obsolète et les délais d’action restreignent de manière conséquente son application.

La garantie des vices cachés du Code civil, quant à elle, n’est applicable que si les parties en conviennent et cette preuve est difficile à rapporter en l’absence de contrat de vente le prévoyant explicitement.

Les droits des acquéreurs d’équidés souffrent ainsi de la perte de la garantie légale de conformité.

Par ailleurs, cette exclusion pourrait avoir des impacts pour la filière équine européenne en raison des disparités de régimes entre les Etats membres, tous n’ayant pas fait le choix de cette exclusion.

Ainsi, les vendeurs d’un Etat membre qui a exclu la vente des animaux domestiques de la garantie légale de conformité pourraient être pénalisés au profit des vendeurs des Etats membres qui ont conservé l’application de la garantie légale de conformité aux ventes d’animaux domestiques.

Elodie Kassem
Avocate au Barreau de Paris
Droit Immobilier et de la construction | Droit équin

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Notes de l'article:

[1Article L217-4 du Code de la consommation.

[2CA Rennes, 1re ch. B, 4 septembre 2008, n° 07/02121.

[3CA Angers, 16 mars 2010, n°08/01542.

[4CA Dijon, 5 juillet 2012, n° 11/00955.

[5Cass. 1re civ., 19 novembre 2019, n°08-17.797, en rapportant notamment la preuve d’un usage spécifique prévu entre les parties.

[6Cass., 1re civ, 14 mai 1996, n°94-13.921 ; Cass. 3e civ., 7 juin 2000, n°98-18.966.

[7CA Orléans, 12/01746, Prepin c/ Fleury.

[8CA Grenoble, 15 janvier 2015 n° 14/03486.

[9CA Dijon ch. 2e civ., 19 septembre 2019 n°17/01373.

[10CA Caen, 14 juin 2016, n° 14/03648, Tournaire c/ Lacour.

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