La faute de l’employeur peut rendre sans cause réelle ni sérieuse le licenciement du salarié.

Par Judith Bouhana, Avocat

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Explorer : # licenciement abusif # faute de l'employeur # droit du travail # preuve

En matière de licenciement pour cause personnelle, l’article L 1235-1 du Code du travail est sans ambiguïté : « En cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

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Ainsi, la charge de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs de licenciement appartient aux deux parties, salarié et employeur.

Néanmoins, dès l’instant où le juge ne parvient pas à former sa conviction sur la réalité du motif du licenciement malgré les mesures d’instruction dont il dispose, le doute qui persiste sur la réalité des motifs invoqués profite au salarié dont le licenciement sera jugé sans cause réelle ni sérieuse.

Cette règle est désormais établie et régulièrement réaffirmée par les juges.

Mais qu’en est-il lorsque coexistent un fait reproché au salarié et une faute de l’employeur ?

Comment les juges vont-il apprécier le fait fautif reproché au salarié à l’aune de la propre faute de l’employeur ?

C’est cette situation peu commune qui a été soumise au jugement de la Cour d’appel de Paris dans un très récent arrêt du 8 décembre 2011 (Cour d’appel de Paris Pôle 6 - Chambre 8 arrêt du 8 décembre 2011 n° S 10/03693).

Il s’agissait d’un chauffeur poids lourd licencié pour faute grave au motif notamment qu’il n’aurait pas effectué une livraison dans la nuit du 8 mai entre 3 h 15 et 3 h 45 du matin.

Or, les disques de contrôle produits par le salarié établissaient qu’il avait commencé son travail le 7 mai à 15h54 et qu’il l’avait terminé le 8 mai à 3h45, le salarié avait donc travaillé près de 12 heures d’affilée à la demande de son employeur.

Le salarié en concluait dès lors qu’il ne saurait dans ces conditions lui être reproché la moindre responsabilité pour absence de livraison alors que l’employeur n’avait pas de son côté respecté les règles d’ordre public sur la durée légale du travail.

La Cour d’appel a suivi ce raisonnement et jugé :

“Au surplus, l’employeur n’apporte aucun élément pour contredire l’affirmation du salarié selon laquelle il a, le 7 mai XXX, commencé son travail à 15h54 pour le terminer à 3h45, le 8 mai, et ce, en contravention avec la législation sur la durée quotidienne du travail effectif qui ne doit pas dépasser 10 heures sauf accord collectif dérogatoire et autorisation de l’inspection du travail.

Dans ces conditions, la défaillance ponctuelle du salarié pour assurer cette livraison dans la nuit du 7 au 8 mai XXX, alors que cette livraison devait intervenir au-delà de la durée légale du travail ne peut caractériser une cause sérieuse de licenciement (…).

En réalité, le véritable motif du licenciement résulte de ce défaut de livraison des exemplaires du XXX au cours de cette nuit du 7 au 8 mai XXX et dont il a été précédemment relevé qu’il n’est pas exclusivement imputable au salarié compte tenu des conditions de travail qui lui ont été réservées, ces conditions étant elle-même contraires aux dispositions d’ordre public applicables en matière de durée du travail."

Il ne suffit pas à l’employeur d’invoquer une faute du salarié même fondée pour justifier de la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Faut-il encore qu’aucune entorse par l’employeur aux règles d’ordre public ne vienne entacher sa démonstration juridique.

Judith Bouhana Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com

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