Fautes extraprofessionnelles et vie personnelle : quelles sont les limites ?

Par Nadia Rakib.

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Explorer : # licenciement # faute extraprofessionnelle # vie personnelle # obligation de loyauté

Tout d’abord, rappelons qu’en principe on ne peut être licencié que pour des fautes professionnelles c’est à dire pour des faits intervenus à l’occasion de l’exécution du contrat de travail. Il s’agit là d’un licenciement disciplinaire. Cependant, il peut arriver que l’on soit licencié pour des fautes extra-professionnelles intervenues dans le cadre de sa vie personnelle...

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En effet, le licenciement pour des faits relevant de la vie personnelle qui causent un trouble objectif à l’entreprise est tout à fait légitime.

Les conditions de validité d’un tel licenciement implique que le comportement du salarié, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, crée un trouble caractérisé au sein de l’entreprise.

Donc, quand la faute est extra professionnelle, les faits doivent avoir généré un trouble caractérisé dans l’entreprise pour donner lieu à un licenciement qui reposera sur une cause personnelle réelle et sérieuse. Attention à ne pas confondre avec un licenciement justifié par une faute grave qui est une sanction disciplinaire nécessitant une contravention au contrat de travail ou un texte contractuellement opposable au salarié.

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une société d’assurance en qualité de conseiller commercial pour occuper en dernier lieu les fonctions d’inspecteur principal. Il avait été convié à un voyage organisé de quelques jours par la société afin de récompenser les salariés lauréats d’un concours interne à l’entreprise. A la suite d’incidents survenus à l’occasion de ce séjour, il avait été rapatrié et licencié pour faute grave.

Les juges du fond avaient qualifié le licenciement de sans cause réelle et sérieuse en retenant que les faits reprochés au salarié, qui avaient été commis à l’occasion d’un séjour d’agrément en dehors du temps et du lieu de travail, relevaient de la vie privée.

Pour la Cour d’appel, quand bien même des supérieurs hiérarchiques et d’autres salariés étaient conviés à participer à ce séjour et que le salarié avait tenté de bénéficier de la législation professionnelle pour un accident dont il était prétendu qu’il était survenu à l’occasion de ce séjour, on n’observait aucun manquement de l’intéressé à une obligation contractuelle.

Quid juris : à partir de quand peut-on dire que des faits se rattachent à la vie de l’entreprise et qu’ils sont susceptibles d’être qualifiés de fautifs ?

La Haute juridiction infirma l’arrêt rendu par les juges en appel aux motifs que des faits de menaces, d’insultes et des comportements agressifs commis à l’occasion d’un séjour organisé par l’employeur dans le but de récompenser les salariés lauréats d’un « challenge » national interne à l’entreprise et à l’égard des collègues ou supérieurs hiérarchiques du salarié, se rattachaient à la vie de l’entreprise.

En clair, il n’y a pas d’immunité du salarié lorsqu’il commet des fautes extraprofessionnelles en lien avec son activité professionnelle. La Cour de cassation montre sa volonté de se saisir des liens les plus ténus avec la sphère professionnelle pour autoriser l’employeur à sanctionner des faits intervenus en dehors du temps de travail.

En l’espèce, le salarié qui s’était pourvu en cassation a été condamné aux dépens puisque le licenciement prononcé par l’employeur reposait sur bien sur une attitude extraprofessionnelle fautive de sa part.

Toutefois, on pourrait aussi se référer à l’obligation de loyauté du salarié envers son employeur et ses collègues puisqu’elle trouve à s’appliquer même en dehors du temps de travail lorsque cela impacte l’entreprise. Ici, le salarié n’a pas eu le comportement loyal qu’un employeur est en droit d’attendre de son personnel dans le cadre d’un rassemblement où les règles de bienséance sont le « b.a.-ba. ».

On pourrait aussi très bien se reporter au respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat quant à la santé physique et mentale de ses collaborateurs. Après tout, pourquoi serait-elle interrompue du fait de l’organisation d’activités extérieures en dehors du temps de travail ? Ici, le comportement agressif du salarié s’analyserait en une forme de violence verbale voire physique nécessitant l’application d’une sanction appropriée pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Reste tout de même à admettre que la distinction entre faute extra-professionnelle et faute professionnelle n’est pas forcément simple à effectuer...

Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, 8 octobre 2014, n° 13-16793
Cour d’appel de Rennes, arrêt du 27 février 2013
Vu les articles L. 1331-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail

Nadia RAKIB

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