Inventer de nouveaux dispositifs pour éviter la défaillance massive d’entreprises.

Par Patrick Roulette, Avocat.

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Explorer : # défaillance d'entreprises # redressement judiciaire # liquidation judiciaire # dispositifs économiques

En ce début d’année la situation économique et sociale nous préoccupe au plus haut point. Tous les professionnels de la gestion des difficultés des entreprises annoncent une vague sans précédent de défaillances d’entreprises. Face à cette catastrophe annoncée, les outils actuellement à notre disposition me paraissent insuffisants et je pense qu’il est indispensable d’en élaborer de nouveaux, pour sauver l’économie de notre pays. Il faut que le "quoi qu’il en coûte" de Monsieur le Président s’applique également dans la gestion de la défaillance éventuelle de nos entreprises.

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En cette période où nous nous présentons mutuellement nos meilleurs vœux, mes pensées vont plus particulièrement vers ces chefs d’entreprises qui voient arriver le moment où ils devront arrêter leur activité.

Remboursement des PGE, report des dates de reprise d’activité, baisse de la consommation, rupture de trésorerie, les causes des défaillances sont multiples, mais les conséquences seront les mêmes à savoir, la disparition d’un grand nombre d’entreprises.

Face à une situation de crise totalement inédite, nous pouvons avoir la crainte d’une inadéquation entre les dispositifs existants et la massification des défaillances.

Ainsi les procédures de sauvegarde ou même de redressement seront difficilement accessibles à des entreprises en rupture de trésorerie et sans garantie à court terme d’exploitation bénéficiaire.

Dans ces conditions la saisine du tribunal de Commerce, soit à l’initiative de l’entreprise, soit sur assignation d’un créancier, conduira quasi systématiquement à une décision de liquidation judiciaire immédiate.

Les conséquences de cette liquidation sont terribles, tant pour la société et/ou son dirigeant, que pour ses créanciers qui dans ces conditions perdront toute chance de se faire payer tout ou partie de leur créance.

Cette catastrophe économique annoncée risque de faire disparaître des pans entiers de notre économie et pas seulement pour les petites structures.

Nous devons refuser de nous résoudre à en faire un constat attristé et face à une situation exceptionnelle il faut réfléchir à la mise en œuvre de moyens exceptionnels.

Le « Quoi qu’il en coûte » de Monsieur le Président doit continuer à s’appliquer dans le cadre de la gestion des défaillances à intervenir.

Je mets en débat la mise en place de dispositions spécifiques, directement liées à la pandémie Covid 19 et qui concerneraient les procédures de redressement et de liquidation judiciaire.

Bien évidemment ces propositions ne sont ni fermées ni exhaustives et renvoient à une élaboration concertée de dispositifs innovants en direction de nos entreprises.

a/ Redressement Judiciaire.

- Exonération des charges sociales patronales pendant la période d’observation ;

- Prise en charge des frais de procédure (Administrateur et Mandataire Judiciaire) par un fonds spécifique ;

- Dans le cadre de l’élaboration d’un plan par poursuite d’activité donner la possibilité au Tribunal, sur demande de l’Admirateur Judiciaire, d’imposer à tous les créanciers, hors TVA, un abandon de créance à hauteur maximum de 50%, si un tel abandon est indispensable à l’équilibre financier du plan proposé ;

- Porter la durée du plan à un total de 15 années en reportant à la quatrième annuité l’obligation de remboursement de 5% du passif.

b/ Liquidation Judiciaire.

Création d’un Rétablissement Professionnel Spécifique. (RPS)

Le RPS aurait les mêmes effets que le rétablissement professionnel, mais serait ouvert à toutes les structures d’exploitation et donc y compris aux sociétés.

Les critères d’éligibilité pourraient être les suivants :

1. Tenue d’une comptabilité sincère et véritable.
2. Exercices 2018 et 2019 non-déficitaires.
3. Absence d’actifs autres que ceux nécessaires à l’activité ou possibilité de cession des seuls actifs non nécessaires à cette activité.
4. Situation irrémédiablement compromise au vu du rapport entre le passif estimé et la CAF prévisible de la structure.
5. Être de bonne foi.

L’éligibilité à ce dispositif serait appréciée par le Tribunal sur la base d’un rapport réalisé par une Expert-Comptable, désigné par Ordonnance du Président du Tribunal de Commerce.

En cas d’éligibilité au dispositif la RPS est prononcée par le Tribunal avec les effets suivants :
- Extinction de toutes les dettes nées antérieurement à la saisine du Tribunal, hormis pour la TVA et les créances fiscales faisant l’objet de procédures en cours ;
- Désignation d’un Mandataire Judiciaire chargé de réaliser les éléments d’actifs qui ne seraient pas nécessaires à l’activité de l’entreprise avec répartition conformément aux dispositions applicables en matière de liquidation judiciaire ;
- Possibilité pour le Mandataire Judiciaire, par assignation spécialement motivée et dans un délai de SIX (6) mois de la décision de RPS, de solliciter la résolution du RPS et sa conversion en liquidation Judiciaire ;
- Mention au RCS limitée dans le temps (à déterminer) ;
- Absence de disparition de la personne morale et poursuite de l’intégralité de son activité.

Une telle procédure permettrait le maintien de l’activité et de l’emploi et ne créerait pas plus de conséquences pour les créanciers qu’une liquidation judiciaire.

c/ Conclusion.

La mise en œuvre de tels dispositifs permettrait de protéger notre tissu économique et la poursuite sans interruption de l’activité, même dans des cas relevant habituellement de la Liquidation Judiciaire.

Cette activité préservée, permettrait de générer immédiatement de nouvelles recettes fiscales et la création de richesses au profit de la collectivité.

Cela permettrait également de sauver bon nombre d’entrepreneurs, aujourd’hui en pleine désespérance et que l’on ne doit pas laisser seuls, face à ce qu’ils vivent toujours comme un échec.

L’Humanisme et le bénéfice économique se rejoignent alors pour mettre en œuvre de telles procédures, nécessairement exceptionnelles et limitées dans le temps et ce, sous le contrôle des Tribunaux de Commerce.

Il y a urgence à concevoir et mettre en place de tels dispositifs car le premier tsunami des défaillances est prévu pour le mois de mars, bien avant la fin de la pandémie, et que nous savons qu’il sera suivi de plusieurs autre vagues, en fonction de la date de reprise des poursuites par les créanciers institutionnels.

J’en appelle donc au Gouvernement pour intervenir en ce sens, en concertation avec tous les professionnels du traitement des difficultés des entreprises et je me permets d’insister sur l’urgence à intervenir en la matière.

J’ai bon espoir que le sort des entreprises et des entrepreneurs soit pris en compte à la hauteur des enjeux.

Dans cette perspective, je vous souhaite une belle et bonne année 2021.

Patrick Roulette,
Avocat au Barreau de la Seine-Saint-Denis.
Président de la Commission Entreprises

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