1) Sur les modifications apportées aux pouvoirs du Juge aux Affaires Familiales dans le cadre de l’ordonnance de protection.
Initialement, le Juge aux affaires familiales pouvait aux termes d’une ordonnance de protection, et ce, en application de l’article 515-11 du Code civil :
1° Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
2° Interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au service de police ou de gendarmerie qu’il désigne les armes dont elle est détentrice en vue de leur dépôt au greffe ;
3° Statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences ;
4° Attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences et préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement ;
5° Se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ;
6° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l’exécution d’une décision de justice, l’huissier chargé de cette exécution doit avoir connaissance de l’adresse de cette personne, celle-ci lui est communiquée, sans qu’il puisse la révéler à son mandant ;
7° Prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la partie demanderesse en application du premier alinéa de l’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
La loi du 13 juin 2024 vient modifier l’article 515-11 du Code civil en y ajoutant un 3 bis ainsi rédigé
« 3 bis – Attribuer à la partie demanderesse la jouissance de l’animal de compagnie détenu au sein du foyer ».
Cet ajout mérite d’être salué au vu de l’accroissement des contentieux relatifs à la jouissance des animaux de compagnies, animaux qui peuvent par ailleurs être un moyen de pression et de chantage notamment sur les enfants.
L’ajout majeur de cette loi réside dans l’accroissement de la durée de l’ordonnance de protection.
En effet, avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 juin 2024, ces mesures étaient prises pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de l’ordonnance, durée qui pouvait être prorogée si durant ce délai une demande en divorce ou en séparation de corps était introduite ou si le juge aux affaires familiales était saisi d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale.
La loi du 13 juin 2024 vient ainsi modifier l’article 515-12 du Code civil puisque ce dernier allonge la durée des mesures de l’ordonnance de protection à un délai maximal de 12 mois à compter de la notification de l’ordonnance de protection.
La loi rappelle, par ailleurs, qu’une ordonnance de protection peut être délivrée même en l’absence de cohabitation du couple. L’appréciation du danger ne doit, en effet, pas être liée au critère de cohabitation.
2) Sur la création de l’ordonnance provisoire de protection immédiate.
Aux termes de l’article 515-13-1 du Code civil :
« Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d’une demande d’ordonnance de protection dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 515-10, le ministère public peut, avec l’accord de la personne en danger, demander également une ordonnance provisoire de protection immédiate.
L’ordonnance provisoire de protection immédiate est délivrée par le juge aux affaires familiales dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine s’il estime, au vu des seuls éléments joints à la requête, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.Le juge aux affaires familiales est compétent pour prononcer, à titre provisoire, les mesures mentionnées aux 1° à 2° bis de l’article 515-11, la suspension du droit de visite et d’hébergement mentionné au 5° du même article 515-11 et la dissimulation par la personne en danger de son domicile ou de sa résidence dans les conditions prévues aux 6° et 6° bis dudit article 515-11 ».
La loi crée ainsi une ordonnance provisoire de protection immédiate.
Cette ordonnance provisoire de protection immédiate vise à protéger les personnes en danger grave et imminent durant le délai de 6 jours nécessaire au juge aux affaires familiales pour se prononcer sur une demande d’ordonnance de protection "classique".
Cette Ordonnance est délivrée dans un délai de 24 heures.
Elle résulte d’une requête accessoire à la demande principale, à l’initiative du parquet avec le consentement de la victime, lors du traitement de l’ordonnance de protection classique dans le délai des 6 jours prévus par l’article 515-11 du Code civil.
Elle ne fait pas l’objet d’un débat contradictoire puisqu’elle intervient en cas de danger imminent pour protéger la victime et ses enfants.
Le contradictoire sera réintroduit lors des débats en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection classique
Le Juge aux Affaires Familiales pourra prononcer plusieurs mesures contre l’auteur présumé des violences et notamment celles énumérées à l’article 515- 11 du Code civil :
- interdiction d’entrer en contact avec la ou les victimes ;
- interdiction de paraître dans certains lieux (domicile, lieu de travail de la victime...) ;
- suspension du droit de visite et d’hébergement ;
- interdiction de détenir une arme et obligation de la remettre aux forces de l’ordre.
Le juge pourra, par ailleurs, autoriser la victime à dissimuler son adresse.
Ces mesures seront prononcées à titre provisoire, le temps que la décision statuant sur la demande d’ordonnance de protection soit prise.
Comme dans le cas d’une ordonnance de protection, le procureur de la République pourra octroyer à la victime un téléphone grave danger (TDG).
Cette ordonnance provisoire sera aussi applicable aux personnes menacées de mariage forcé.
Ces mesures prennent fin à compter de la décision statuant sur la demande d’ordonnance de protection ou qui accueille une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance.
3) Sur le renforcement des sanctions en cas de non respect de l’ordonnance de protection.
La loi du 13 juin 2024 augmente la peine en cas de non-respect d’une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une ordonnance de protection classique ou dans une ordonnance provisoire de protection immédiate qui est désormais puni de 3 ans de prison et de 45 000 € d’amende au lieu de 2 ans de prison et de 15 000 € d’amende actuellement (art. 3)