La maternité, naissance de plusieurs droits.

Par Yacine Zerrouk, Juriste.

2922 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # protection des salariées # congé maternité # discrimination # licenciement

« Un peuple qui prend ses enfants par la main est un peuple qui vivra longtemps » (Alain Gilot).

-

Le droit du travail français garantit aux salariées une protection en cas de maternité. Afin que la salariée puisse bénéficier de cette protection légale, elle doit :

- remettre à son employeur contre récépissé ou lui adresser par LRAR un certificat médical attestant son état de grossesse ;

- et l’informer de la date présumée de son accouchement ou de la date effective de celui-ci.

La jurisprudence précise que ces formalités ne sont que substantielles et que la salariée bénéficie quand même de la protection légale dès lors que l’employeur a / a eu connaissance de son état de grossesse (Cass. Soc, 09/07/2008, n° 07.41-927).

Dès lors, dans ce cas de figure, la salariée sera non seulement mère de son futur enfant mais aussi mère de plusieurs droits.

La violation de ces droits par l’employeur sera passible de sanctions pénales et civiles.

I) La maternité et les conditions d’emploi de la salariée :

L‘aménagement de poste :

Aux termes de l’article L.1225-7 du Code du travail,

« La salariée enceinte peut être affectée temporairement dans un autre emploi, à son initiative ou à celle de l’employeur, si son état de santé médicalement constaté l’exige.

En cas de désaccord entre l’employeur et la salariée ou lorsque le changement intervient à l’initiative de l’employeur, seul le médecin du travail peut établir la nécessité médicale du changement d’emploi et l’aptitude de la salariée à occuper le nouvel emploi envisagé.

L’affectation dans un autre établissement est subordonnée à l’accord de l’intéressée.

L’affectation temporaire ne peut excéder la durée de la grossesse et prend fin dès que l’état de santé de la femme lui permet de retrouver son emploi initial.

Le changement d’affectation n’entraîne aucune diminution de rémunération ».

Autrement formulé, une salariée étant en état de grossesse peut demander à être affectée à un autre emploi avant son départ en congé maternité, à son initiative ou à celle de son employeur, si son état de santé l’exige.

Si la mutation entraine un changement d’établissement, l’accord de la salariée est nécessaire. La salariée doit être réintégrée, au terme du congé de maternité, dans l’emploi occupé avant l’affectation temporaire.

Enfin, ce changement temporaire ne doit en aucun cas entrainer une diminution de rémunération pour la salariée.

Soulignons également que d’autres dispositions peuvent s’appliquer dans ce contexte pour la salariée enceinte, comme par exemple :

- des autorisations d’absences rémunérées et assimilées à des périodes de travail effectif pour se rendre aux examens médicaux obligatoires ;

- une obligation pour les employeurs de mettre en place des chambres d’allaitement sur les lieux et pendant le temps de travail (art. L. 1225-30 du Code du travail)

- des interdictions ponctuelles telles que le port de charges lourdes ou encore le travail extérieur par temps froid.

La protection contre les discriminations :

En vertu des articles L. 1225-1 et L.1225-3 du Code du travail,

« L’employeur ne doit pas prendre en considération l’état de grossesse d’une femme pour refuser de l’embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d’une période d’essai ou, sous réserve d’une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L. 1225-7, L. 1225-9 et L. 1225-12, pour prononcer une mutation d’emploi.

Il lui est en conséquence interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l’état de grossesse de l’intéressée ».

« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1225-1 et L. 1225-2, l’employeur communique au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision.
Lorsqu’un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte
 ».

A la lecture linéaire de ces deux articles, l’employeur ne peut prendre en considération l’état de grossesse de la salariée pour refuser de l’embaucher, pour lui résilier son contrat de travail lors de sa période d’essai ou pour une mutation d’emploi.
En cas de litige, il incombe à l’employeur de communiquer au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision et si un doute subsiste, alors il profitera à la salariée.

L’interdiction d’emploi pendant une période légale pré-natal et post-natal :

Selon l’article L. 1225-29 du Code du travail,

« Il est interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement.
Il est interdit d’employer la salariée dans les six semaines qui suivent son accouchement
 ».

Ainsi, l’employeur ne peut pas faire travailler une salariée enceinte, que ce soit en amont ou en aval de son congé maternité, et ce pendant une durée légale.

L’interdiction du travail de nuit :

La directive N° 92/85/CEE du 19.10.1992 prévoit l’interdiction de travail de nuit des femmes enceintes ou venant d’accoucher, sur prescription médicale.

II) La maternité et les congés :

Le congé maternité :

Aux termes des articles L. 1225-17 à L. 1225-24 du Code du travail, le législateur a mis en place un congé maternité pour la salariée enceinte.

Ce congé comprend une période prénatal, c’est-à-dire avant l’accouchement, et un congé post-natal, c’est-à-dire après l’accouchement.

Sa durée varie en fonction de plusieurs critères tels que par exemple :

- le nombre d’enfant vivant au domicile de la salariée enceinte ;
- une naissance multiple ;
- en cas d’hospitalisation de l’enfant.

Pour résumé :

o Lors d’une naissance unique portant le nombre d’enfant au sein du foyer à 1 ou 2, la salariée bénéficiera d’un congé prénatal de 6 semaines et d’un congé postnatal de 10 semaines ;

o Lors d’une naissance unique portant le nombre d’enfant au sein du foyer à 3 ou plus, la salariée bénéficiera d’un congé prénatal de 8 semaines et d’un congé postnatal de 18 semaines ;

o Lors de naissances multiples, plus particulièrement des jumeaux, la salariée bénéficiera d’un congé prénatal de 12 semaines et d’un congé postnatal de 22 semaines ;

o Lors de naissances multiples, plus particulièrement des triplés ou plus, la salariée bénéficiera d’un congé prénatal de 24 semaines et d’un congé postnatal de 22 semaines.

o Et si la salariée souffre d’une quelconque pathologie, elle pourra bénéficier en plus de ces congés, un congé prénatal de 2 semaines et d’un congé postnatal de 4 semaines.

Par exemple, si une salarié accouche de jumeaux et souffre d’une pathologie, elle bénéficiera d’un congé prénatal de 14 semaines (12 +2) et d’un congé postnatal de 26 semaines (22 + 4).

Le congé paternité :

Selon l’article L. 1225-35 et D. 1225-8 du Code du travail,

« Après la naissance de l’enfant et dans un délai déterminé par décret, le père salarié ainsi que, le cas échéant, le conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples.

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant entraîne la suspension du contrat de travail.

Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité et d’accueil de l’enfant avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin ».

« Le congé de paternité est pris dans les quatre mois suivant la naissance de l’enfant.

Le congé peut être reporté au-delà des quatre mois dans l’un des cas suivants :

1° L’hospitalisation de l’enfant. Le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin de l’hospitalisation ;

2° Le décès de la mère. Le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin du congé dont bénéficie le père en application de l’article L. 1225-28 ».

Autrement dit, le père salarié ou le cas échéant, le conjoint salarié de la mère, peut bénéficier d’un congé paternité de 11 jours consécutifs en cas de naissance unique et de 18 jours en cas de naissances multiples.

Ce congé doit être pris dans les 4 mois suivant la naissance sauf en cas d’hospitalisation de l’enfant ou de décès de la mère, où là, un report est envisageable.

Pour pouvoir en bénéficier, le salarié doit tout même en informer son employeur 1 mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date de son retour.

Situation des salariés pendant les différents congés :

Que ce soit pendant le congé maternité ou le congé paternité, le contrat de travail est considéré comme suspendu.

L’employeur n’est pas obliger de maintenir le salaire pendant cette période étant donné que ces congés ouvrent droit aux indemnités journalières de sécurité sociale.

III) La maternité et le contrat de travail :

Protection contre le licenciement :

En vertu de l’article L. 1225-4 alinéa 1 du Code du travail,

« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes ».

En d’autres termes, l’employeur est soumis à une interdiction de résilier le contrat de travail d’une salariée enceinte pendant :

- la période de son état de grossesse médicalement constaté jusqu’à la date de suspension de son contrat de travail ;

- la période de son congé prénatal et postnatal ;

- 4 semaines suivant l’expiration de son congé postnatal.

Dérogation à cette protection contre le licenciement :

Selon l’article L.1225-4 alinéa 2 du Code du travail,

« Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa  ».

Autrement dit, un employeur peut licencier s’il justifie :

- d’une faute grave de la salariée enceinte, mais il faut que la faute soit non liée à l’état de grossesse,

- ou s’il démontre de l’impossibilité de maintenir le contrat de la salariée pour un motif étranger à son état de grossesse, à l’accouchement.

Néanmoins, si l’employeur procède à un licenciement dans un des cas de figure précité, il devra tout de même respecter la période de suspension du contrat de travail de la salariée.

Possibilité de rupture du contrat à l’initiative de la salariée :

D’après l’article L. 1225-34 du Code du travail,

« La salariée en état de grossesse médicalement constaté peut rompre son contrat de travail sans préavis et sans devoir d’indemnité de rupture ».

Ainsi, si l’employeur ne peut rompre le contrat de la salariée enceinte, cette dernière est compétente pour le faire, sans préavis et sans devoir d’indemnité de rupture.

De plus, la salariée pourra même bénéficier d’une priorité de réembauchage en conservant tous les avantages qu’elle avait acquis au moment de son départ.

IV) La maternité et le non-respect de l’employeur :

o Sur le plan pénal :

Le non-respect par l’employeur des dispositions législatives et règlementaires relatives à la protection de la grossesse de la maternité et du congé paternité, est puni des amendes prévues pour les contraventions de la cinquième classe (article R. 1227-5 Code du travail).

Quant à l’inobservation de l’employeur des dispositions législatives relatives à l’interdiction d’emploi prénatal et postnatal, ce dernier sera passible des amendes prévues pour les contraventions de la cinquième classe (article R. 1227-6 Code du travail).

o Sur le plan civil :

« Toute convention contraire aux articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-69, relatifs à la maternité, la paternité, l’adoption et l’éducation des enfants est nulle » (article L.1225-70 du Code du travail) ;

« L’inobservation par l’employeur des dispositions des articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-69 peut donner lieu à l’attribution de dommages et intérêts au profit du bénéficiaire, en plus de l’indemnité de licenciement.

Lorsque, en application des dispositions du premier alinéa, le licenciement est nul, l’employeur verse le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité » (article L. 1225-71 du Code du travail).

Yacine Zerrouk
Responsable Relations Sociales

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

28 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs