Nouveau divorce par consentement mutuel : le juge nous manque !

Par Myriam Maynadier, Avocat.

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Explorer : # divorce amiable # accessibilité # procédure judiciaire # inégalités sociales

La réforme du divorce par consentement mutuel avait pour objectif premier de dessaisir le juge d’un contentieux qui n’en n’était pas un (aux yeux de certains). Inutile de voir le juge quand tout va bien dans le meilleur des Mondes.
Ainsi soit-il ! Un divorce plus simple, plus rapide… accessible à tous !
Vraiment ?
A l’usage – cette nouvelle procédure de divorce amiable « sans juge » présente ses limites… surtout pour les plus démunis.

-

Exemple 1 :
Monsieur X et Madame Y qui se sont séparés après 3 mois de mariage. Une erreur de jeunesse !
Toujours mariés, Monsieur X vit à Marseille, Madame Y à Lille.
Madame Y est aujourd’hui enceinte de son compagnon et souhaite divorcer avant la naissance de son enfant. Elle contacte Monsieur Y qui est également d’accord pour divorcer.

Les conséquences du divorce ne posent aucune difficulté : il n’y a pas de bien à partager, de prestation compensatoire à prévoir…
Situation parfaitement adaptée à un divorce amiable. Or cette procédure est impossible : aucun des deux époux n’a les moyens de financer le déplacement pour signer la convention de divorce.

Or, aux termes de l’article 1145 du code de procédure civile, alinéa 1 : la convention de divorce est signée par les époux et leurs avocats ensemble c’est-à-dire, dans la même ville, le même cabinet d’avocat, autour du même bureau et au même moment.

Lorsque le divorce amiable était judiciaire, l’un des époux pouvait être entendu par un juge sous commission rogatoire. Aujourd’hui impossible ! L’accès à la nouvelle procédure de divorce amiable est donc inaccessible au couple qui ne peut s’offrir le voyage pour aller signer la convention de divorce.

Exemple 2 :

Un couple décide de divorcer. Les deux époux sont d’accord sur toutes les conséquences du divorce notamment concernant leurs deux enfants mineurs : la résidence sera fixée au domicile maternel, le père exercera un droit de visite et d’hébergement une fin de semaine sur deux ainsi que la moitié des vacances scolaires en alternance. Concernant la pension alimentaire, force est de constater l’impossibilité actuelle pour le père d’en verser une, il est bénéficiaire du RSA.

Lorsque le débiteur d ‘une pension alimentaire est insolvable, c’est la C.A.F - ou la M.S.A - qui règle au parent ayant la charge des enfants communs l’A.S.F (Allocation de Soutien Familial).
Dans le cadre d’une procédure de divorce judiciaire, il suffit que le Juge constate l’insolvabilité du parent débiteur et la simple présentation de la décision judiciaire à la CAF - ou la MSA - suffit pour que l’autre parent perçoive l’ASF.
Dans le cas d’un divorce amiable, la CAF - ou la MSA - ne verse pas l’ASF lorsque l’insolvabilité du débiteur est mentionnée dans la convention de divorce. Fort légitimement, ces organismes sociaux ne se contentent pas d’une auto proclamation d’insolvabilité pour verser une allocation.

L’accès à la nouvelle procédure de divorce amiable est donc inaccessible au couple parental dont le débiteur de la pension alimentaire est insolvable.

Dès l’entrée en vigueur de la procédure de divorce par consentement mutuel par acte d’avocats, les praticiens ont mesuré les limites de cette réforme notamment en présence d’un élément d’extranéité au dossier.

Mais les avocats découvrent au fil du temps et des dossiers, des difficultés qui les contraignent à envisager une procédure de divorce judiciaire du seul fait de la situation matérielle de leurs clients.

A l’heure où se pose la question de l’accessibilité au juge - donc à la justice - une nouvelle question voit le jour : le nouveau divorce amiable est-il accessible aux plus démunis ?

Myriam MAYNADIER
AVOCAT

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 23 juillet 2024 à 11:22
    par Maud VdB , Le 3 janvier 2019 à 18:37

    Bravo pour cet article qui résume la réalité d’une procédure hâtivement adoptée.

    • par BECK Isabelle , Le 5 janvier 2019 à 08:46

      Les deux exemples que vous prenez sont caractéristiques de l’inutilité de ce prétendu divorce simple, qui a fait l’objet d’une annonce médiatique totalement fallacieuse vis à vis du public !

    • par JOSQUIN LOUVIER , Le 7 janvier 2019 à 18:11

      Cher confrère,

      Pour le cas 1, il me semble que vous pourriez faire signer votre convention de divorce par acte d’avocat dématérialisé, signé électroniquement sur la plateforme ebarreau. On m’a récemment montré cette possibilité, et je compte bien l’utiliser pour mes prochaines transactions, notamment.

      Vbd.

    • par Michel , Le 8 janvier 2019 à 16:58

      Avec mon ex-épouse nous avons opté pour un divorce selon les nouvelles dispositions que prévoit la loi. Je pense que ce type de procédure est intéressant pour des situations faciles à gérer. Nous étions séparés depuis de nombreuses années, nos enfants majeurs et pas de bien commun. Le problème de la prestation compensatoire ne se posait pas non plus.
      Mais pour des situations plus complexes, ça peut très vite se compliquer, donc il faut être extrêmement prudent.

    • par Leila , Le 23 juillet 2024 à 11:22

      Bonjour,
      Merci pour cet article très intéressant.
      Je suis en cours de procédure de divorce par consentement mutuel.
      J’ai la garde exclusive des trois enfants et le père à un droit de visite et d’hébergement classique. Une pension est prévue mais son montant sera complété par la CAF via l’Allocation de Soutien Familial différentielle.
      J’ai eu différents sons de cloches de la CAF au sujet du versement de l’Allocation de Soutien Familial.
      Semble-t-il le fait que le divorce soit sans juge ne serait pas suffisant pour la CAF pour ouvrir ce droit.
      Pourtant le divorce par consentement mutuel une fois prononcé et enregistré par le notaire a un caractère exécutoire.
      Avez-vous été confronté à cette difficulté ?
      D’avance merci.
      Cordialement,

  • Dernière réponse : 16 janvier 2019 à 08:53
    par Jean-François PETIGNY , Le 7 janvier 2019 à 19:45

    Dans le premier cas, l’acte d’avocat électronique n’est-il pas la solution, et la plus-value de notre profession ? Il peut être reçu par avocat unique, qui certifie l’identité des parties par leurs pièces d’identité, adresse mél. et numéro de mobile. La sécurité ultime est un entretien en visio-conférence (bref, skype, whatsapp, hang out and co, pour cela les clients ont toujours bien un smartphone compatible, et utilisent souvent plus et mieux que nous).

    • par MYRIAM MAYNADIER , Le 8 janvier 2019 à 09:23

      L’acte d’avocat me parait également être LA solution. mais attention ! Ce n’est pas l’avis du CNB !
      Et ce que CNB veut ...

    • par Me MARENDAZ , Le 16 janvier 2019 à 08:53

      1°) Je me permets de rappeler que, si la signature de l’acte d’avocat par voie électronique existe depuis de nombreuses années, elle est PROHIBEE en matière de droit de la famille (article 1175 1° du Code civil) (même s’il pourrait y avoir des évolutions législatives)

      2°) La convention de divorce doit être signée SIMULTANEMENT par les 2 avocats et les 2 époux (article 1145 alinéa 1 du CPC - futur article 7.2 du RIN) (pourquoi, 2 ans après la réforme, est-il encore nécessaire de le rappeler ?!)

      3°) Si le dispositif nécessiterait d’être amélioré (problème d’extranéité, date certaine et force exécutoire sans recourir au dépôt en une étude notariée, signature électronique PHYSIQUE), il fonctionne parfaitement et est une chance pour la profession.

      La convention de divorce par acte d’avocat est plus complexe dans sa rédaction que les traditionnelles conventions soumises à l’homologation du JAF, bien souvent de piètre qualité (mon dieux l’incompétence de nombre de nos confrères à réaliser une véritable liquidation et partage : "les époux ont vendu le domicile conjugal - Monsieur a touché X € - Madame Y € - les époux se déclarent remplis de leurs droits". Ce n’est pas ça une liquidation !), ce qui fait regretter à certain l’ancien système qui permettait toutes les approximations possibles.

      La profession se grandirait de manière générale à monter "en qualité".

  • par B. MAYZAUD , Le 12 janvier 2019 à 20:59

    Et c’est la même chose pour les divorces avec un élément d’extranéité !

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