De nombreux brevets basés sur des formulations comprenant un ingrédient extrait d’une plante endémique amazonienne, chinoise ou indienne, ont été délivrés par des offices de brevets de pays occidentaux, sans que ceux-ci aient eu les moyens d’étudier les formulations traditionnelles existantes.
En effet, jusqu’à très récemment, les informations sur ces formulations traditionnelles à partir de plantes originaires de pays émergents, tels que l’Inde, la Chine ou le Brésil, étaient difficiles à trouver.
Ainsi, le NISCAIR (Institut national des sciences de la communication et de la recherche d’information en Inde) avait constaté, dans une étude, que les offices nationaux et régionaux de brevets n’utilisaient quasiment pas de sources d’informations en provenance de pays émergents tels que la Chine, le Brésil ou l’Inde sur leurs savoirs traditionnels, notamment en matière de médecine et de plantes médicinales pour évaluer le critère de nouveauté, indispensable pour la délivrance d’un brevet dans le domaine de la médecine.
En 2003, cette lacune d’informations sur ces connaissances traditionnelles aurait permis la délivrance d’environ 15000 brevets américains ou européens. Selon le NISCAIR, plus de trois quarts des demandes de brevets américains concernant des médicaments à base d’extraits végétaux déposées en 2000 avaient un lien direct avec sept plantes médicinales d’origine indienne.
Des chercheurs indiens ont mis 8 ans pour élaborer une base de données sur les formulations traditionnelles issues des textes anciens de la thérapeutique indienne comme l’Ayuverda, l’Unani, le Siddha et le Yoga.
La bibliothèque virtuelle créée à partir de cette base de données, la TKDL (Traditional Knowledge Digital Library), dotée des logiciels de consultation les plus modernes, a été mise à disposition de l’OEB (Office Européen des Brevets) il y a quelques semaines.
Cette base de données constitue pour l’OEB une nouvelle source d’information pour évaluer la nouveauté des demandes de brevets européens se rapportant à des formulations de médicaments issues de plantes.
Pour protéger son savoir traditionnel du “bio-pillage“, l’Inde a dû intervenir par exemple dans des procédures de délivrance de brevets européens ou américains pour contester des demandes portant sur un antifongique issu du margousier (Azadirachta indica), et sur un médicament à base de curcuma. L’accès donné à l’OEB à la TKDL devrait éviter ce type d’intervention. La TDKL donne accès à près de 230000 formulations traditionnelles.
L’approche de l’Inde est très différente de celle de la Chine, qui a protégé 32000 formulations traditionnelles de la médecine chinoise ancestrale par des demandes de brevets comme s’il s’agissait de nouvelles technologies.
Selon les modalités d’accès à la base de données indiquées par le site Internet de la TDLK (www.tkdl.res.in), actuellement seuls les offices de brevets ayant signé l’accord d’accès à la base de données sont autorisés à la consulter. L’Inde a tout intérêt à sécuriser cet accès.
Sources :
Karine VILOTTA
Ingénieur Brevets
Cabinet Wagret, Conseils en Propriété Intellectuelle