Obligation vaccinale du personnel de santé contre la covid-19 : en attendant l'abrogation, suspendons. Par Patrick Lingibé, Avocat.

Extrait de : Jurisguyane

Obligation vaccinale du personnel de santé contre la covid-19 : en attendant l’abrogation, suspendons.

Par Patrick Lingibé, Avocat.

1352 lectures 1re Parution: 1 commentaire 5  /5

Explorer : # obligation vaccinale # réintégration des personnels de santé # suspension législative # pénurie de ressources humaines

Cet article commente le décret n° 2023-368 du 13 mai 2023 qui est venu suspendre l’obligation de vaccination contre la covid-19 pour les professionnels de santé.

-

Une proposition de loi portant obligation vaccinale contre la covid 19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d’aide à la personne et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus présentée par plusieurs députés, dont les députés guyanais Jean-Victor Castor et Davy Rimane, a été enregistré le 21 mars 2023 à la présidence de l’Assemblée nationale (Proposition de loi n° 991 portant obligation vaccinale contre la covid 19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d’aide à la personne et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus enregistrée le 31 mars 2023 à la présidence de l’Assemblée nationale).

Dans son rapport (Rapport n° 1084 fait au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale), le député Jean-Victor Castor met en exergue l’exception française dans la politique de réintégration par rapport aux pays :

« La France se singularise d’ailleurs par la persistance de la suspension des personnels non vaccinés, dont la réintégration fait l’objet d’une orientation partagée à travers le monde. Si certains pays ont mis en place, à différentes périodes et pour différentes catégories de professionnels, des obligations de vaccination contre la covid 19, la plupart de ces obligations ont été levées depuis. La France est aujourd’hui, avec la Hongrie, l’un des derniers pays européens à ne pas avoir abrogé l’obligation vaccinale contre la covid 19 » [1].

Il indique la conséquence de la non-réintégration des professionnels de santé face notamment à la pénurie de ressources humaines avec des structures de santé au fonctionnement dégradé :

« Dans un contexte de pénurie de ressources humaines, ces effectifs sont significatifs et leur absence accentue la difficile situation que connaissent nos établissements de santé et nos services de secours, alors que les personnels sont excessivement sollicités et insuffisamment nombreux. Des services entiers doivent parfois fermer faute de soignants. En septembre 2022, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) recensait 18% de lits fermés et un manque de 1 000 infirmiers, alors que les taux de fermeture des blocs opératoires se situaient entre 15% et 20% et pouvaient atteindre 50% sur certains sites. Les personnels restants subissent un accroissement de leur charge de travail et une dégradation de leurs conditions d’exercice, pouvant conduire à une fréquence accrue d’accidents de travail » [2].

Cette proposition de loi a été adoptée avec des amendements le 4 mai 2023 en première lecture par l’Assemblée nationale et transmise au Sénat.

Dans l’attente de son examen par les sénateurs, le Gouvernement a décidé d’anticiper la prochaine vraisemblable abrogation législative obligation vaccinale.

En effet, un décret n° 2023-368 du 13 mai 2023 relatif à la suspension de l’obligation de vaccination contre la covid-19 des professionnels et étudiants a été publié au Journal Officiel du dimanche 14 mai 2023.

Conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé du 29 mars 2023, ce décret suspend donc l’obligation de vaccination des professionnels et étudiants.

Il convient de préciser que ce texte de suspension est pris en application du IV de l’article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dans sa rédaction résultant de l’article 4 de la loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid-19 :

« I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 :

1° Les personnes exerçant leur activité dans :

a) Les établissements de santé mentionnés à l’article L6111-1 du Code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l’article L6147-7 du même code ;
b) Les centres de santé mentionnés à l’article L6323-1 dudit code ;
c) Les maisons de santé mentionnées à l’article L6323-3 du même code ;
d) Les centres et équipes mobiles de soins mentionnés à l’article L6325-1 du même code ;
e) Les centres médicaux et équipes de soins mobiles du service de santé des armées mentionnés à l’article L6326-1 du même code ;
f) Les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes mentionnés aux II et III de l’article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ;
g) Les centres de lutte contre la tuberculose mentionnés à l’article L3112-2 du Code de la santé publique ;
h) Les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic mentionnés à l’article L3121-2 du même code ;
i) Les services de médecine préventive et de promotion de la santé mentionnés à l’article L831-1 du Code de l’éducation ;
j) Les services de prévention et de santé au travail mentionnés à l’article L4622-1 du Code du travail et les services de prévention et de santé au travail interentreprises définis à l’article L4622-7 du même code ;
k) Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l’article L312-1 du Code de l’action sociale et des familles, à l’exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d’un contrat de soutien et d’aide par le travail mentionné au dernier alinéa de l’article L311-4 du même code ;
l) Les établissements mentionnés à l’article L633-1 du Code de la construction et de l’habitation, qui ne relèvent pas des établissements sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 6° et 7° du I de l’article L312-1 du Code de l’action sociale et des familles, destinés à l’accueil des personnes âgées ou handicapées ;
m) Les résidences-services destinées à l’accueil des personnes âgées ou handicapées mentionnées à l’article L631-13 du Code de la construction et de l’habitation ;
n) Les habitats inclusifs mentionnés à l’article L281-1 du Code de l’action sociale et des familles ;

2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du Code de la santé publique, lorsqu’ils ne relèvent pas du 1° du présent I ;

3° Les personnes, lorsqu’elles ne relèvent pas des 1° ou 2° du présent I, faisant usage :

a) Du titre de psychologue mentionné à l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social ;
b) Du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur mentionné à l’article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
c) Du titre de psychothérapeute mentionné à l’article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ;

4° Les étudiants ou élèves des établissements préparant à l’exercice des professions mentionnées aux 2° et 3° du présent I ainsi que les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels mentionnés au 2° ou que les personnes mentionnées au 3° ;

5° Les professionnels employés par un particulier employeur mentionné à l’article L7221-1 du Code du travail, effectuant des interventions au domicile des personnes attributaires des allocations définies aux articles L232-1 et L245-1 du Code de l’action sociale et des familles ;

6° Les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers des services d’incendie et de secours, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, les militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile mentionnés au premier alinéa de l’article L721-2 du Code de la sécurité intérieure ainsi que les membres des associations agréées de sécurité civile mentionnées à l’article L725-3 du même code participant, à la demande de l’autorité de police compétente ou lors du déclenchement du plan Orsec, aux opérations de secours et à l’encadrement des bénévoles dans le cadre des actions de soutien aux populations ou qui contribuent à la mise en place des dispositifs de sécurité civile dans le cadre de rassemblements de personnes ;

7° Les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire mentionnée à l’article L6312-1 du Code de la santé publique ainsi que celles assurant les transports pris en charge sur prescription médicale mentionnés à l’article L322-5 du Code de la sécurité sociale ;

8° Les prestataires de services et les distributeurs de matériels mentionnés à l’article L5232-3 du Code de la santé publique.

I bis. - Pour l’application des 2° et 3° du I et, en tant qu’il se réfère à ces dispositions, du 4° du même I, l’obligation vaccinale prévue au premier alinéa dudit I n’est applicable, dans les établissements d’accueil du jeune enfant, les établissements et services de soutien à la parentalité et les établissements et services de protection de l’enfance situés hors des structures mentionnées au 1° du même I, qu’aux professionnels et aux personnes dont l’activité comprend l’exercice effectif d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins attachés à leur statut ou à leur titre.

II. - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d’entre eux, le nombre de doses requises.

Ce décret fixe les éléments permettant d’établir un certificat de statut vaccinal pour les personnes mentionnées au même I et les modalités de présentation de ce certificat sous une forme ne permettant d’identifier que la nature de celui-ci et la satisfaction aux critères requis. Il détermine également les éléments permettant d’établir le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 et le certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19.

III. - Le I ne s’applique pas aux personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux dans lesquels les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4° du même I exercent ou travaillent.

IV.- Lorsque, au regard de l’évolution de la situation épidémiologique ou des connaissances médicales et scientifiques, telles que constatées par la Haute Autorité de santé, l’obligation prévue au I n’est plus justifiée, celle-ci est suspendue par décret, pour tout ou partie des catégories de personnes mentionnées au même I.

La Haute Autorité de santé évalue les éléments mentionnés au premier alinéa du présent IV de sa propre initiative ou sur saisine du ministre chargé de la santé, du Comité de contrôle et de liaison covid-19 prévu au VIII de l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions ou de la commission permanente chargée des affaires sociales de l’Assemblée nationale ou du Sénat ».

L’article 1er du décret du 13 mai 2023 dispose sans aucune ambiguïté :

« L’obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l’article 12 de la loi du 5 août 2021 susvisée est suspendue ».

Il s’en suit que l’obligation vaccinale cesse donc d’être pour les employeurs une condition d’interdiction de recrutement ou de maintien des professionnels de santé au sens large dans leurs emplois.

Les personnels de santé concernés pourraient être réintégrés consécutivement à cette suspension de l’obligation vaccinale.

Cependant, la situation notamment au niveau de la carrière de ces personnels réintégrés ne pourra être réglée qu’à la suite de l’adoption définitive par le Parlement de la proposition de loi précitée..

En effet, si l’article 1er de la proposition de la loi adoptée par l’Assemblée nationale abroge le chapitre II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et de l’obligation vaccinale, son article 2 prévoit que les agents du service public concernés conservent l’état d’avancement qu’ils possédaient avant leur suspension dans leur carrière.

Dans l’attente de son abrogation législative, la suspension de l’obligation vaccinale contre la Covid-19 est donc prononcée par voie règlementaire.

Les dispositions de ce décret de suspension sont entrées en vigueur le lundi 15 mai 2023.

Patrick Lingibé
Membre du Conseil National des barreaux
Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France
Avocat associé Cabinet Jurisguyane
Spécialiste en droit public
Diplômé en droit routier
Médiateur Professionnel
Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)
www.jurisguyane.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

5 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Rapport n° 1084, page 13.

[2Rapport n° 1084, page 8.

Commenter cet article

Discussion en cours :

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs