Le législateur a mis à la disposition des associés la possibilité d’opter pour une transformation de leur société. En effet, la transformation se manifeste comme une technique de restructuration à laquelle la société peut avoir recours pour réorganiser sa structure.
Dans ces conditions, la transformation peut être assimilée à la fusion dans la mesure où elle donne lieu à la continuité d’activité de la société amenée à transformer et à la modification des statuts, mais elle n’affecte pas la personnalité juridique de celle-ci.
Cependant, ce procédé ne doit pas être confondu avec la fusion. Le concours de qualification entre les deux techniques est apparu en droit français suite à fusion absorption d’une société anonyme classique par une société par actions simplifiée. En conséquence, la question se pose de savoir si l’absorption d’une société anonyme par société par actions simplifiée peut-elle entraîner transformation de la société absorbée.
En d’autres termes, la fusion de la société anonyme doit-elle être approuvée par une décision unanime des associés, laquelle est imposée par le législateur en cas de transformation en société par actions simplifiée. Il est acquis que la transformation entraîne la continuation de la personnalité juridique de la société amenée à transformer (II). Or, l’assimilation de la fusion à la transformation peut être critiquée (I).
I/ De l’assimilation de la fusion à la transformation : une critique bien fondée
A priori, l’article L. 227-3 du Code de commerce dispose que « la décision de transformation en société par actions simplifiée est prise à l’unanimité des associés ». Cela signifie que la transformation d’une société en SAS doit être approuvée par un vote unanime des associés.
Néanmoins, lorsqu’une société est partie dans une opération de fusion, l’opération est décidée, par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts. Par conséquent, la fusion d’une société est prise à la majorité des deux tiers des associés. De ce fait, lorsque la SA se fait absorber par une SAS, l’opération est-elle qualifiée de transformation et, en conséquence, la fusion doit être approuvée par l’unanimité des associés.
La jurisprudence a eu l’occasion de se pencher sur cette question. Dans un arrêt rendu, le 27 janvier 2005 en confirmant le jugement rendu le 18 mars 2003 par le tribunal de commerce de Nanterre , la cour d’appel de Versailles rendu a jugé que « une absorption n’emporte pas transformation de la société absorbée qui se trouve, au contraire, dissoute dès la décision de fusion ». Elle explique que « considérant que la simple constatation qu’une telle opération revient à faire passer les actionnaires d’une société anonyme de type classique à une société par actions simplifiée sans leur consentement n’est pas de nature à rendre applicable les dispositions de l’article L. 227-3 du Code de commerce qui ne visent que la transformation et à rendre exigible, sur le fondement de ce texte, un vote unanime, ajoutant par là au pacte social de l’absorbée une condition supplémentaire que ne prévoit pas le texte auquel les appelants se réfèrent ; qu’il suit de là qu’une opération de fusion ne peut encourir la nullité en application de l’article L. 227-3 du Code de commerce ».
Cet arrêt confirme que la fusion ne peut pas être assimilée à la transformation et, par conséquent, la règle de l’unanimité ne trouve pas application en matière de fusion. Comme précisent certains auteurs, « si on l’estime que l’unanimité est souhaitable en cas d’absorption d’une société par une SAS, c’est à la loi et non aux juges qu’il revient de poser la règle ». La fusion et la transformation sont donc deux procédés juridiquement distincts ; la règle de l’unanimité est requise uniquement en cas de transformation en SAS. Il n’y a pas un texte analogue en matière de fusion.
L’article 227-3 du Code de commerce ne peut pas être considéré comme règle générale selon laquelle « nul ne pourrait devenir associé d’une SAS sans y avoir consenti ». Or, la transformation est une opération de restructuration qui aboutit au changement de la forme juridique de la société concernée. Si la fusion conduit au changement de la forme juridique de la société absorbée, ce changement n’est qu’un effet parmi les autres conséquences de cette opération. La société absorbée n’est pas donc transformée, mais dissoute sans liquidation du fait de la fusion et son patrimoine est intégralement transmis à la société absorbante. A contrario, la transformation n’entraîne aucun effet à titre particulier, ni constitution d’une nouvelle personne morale.
Cependant, l’arrêt de la cour d’appel a été cassé par la Cour de cassation. Cette dernière a apporté une solution entièrement opposée à celle retenue par la cour d’appel de Versailles. Elle étend l’exigence de la règle de l’unanimité à la fusion-absorption par une SAS.
Dans son arrêt rendu le 19 décembre 2006, la Cour de cassation juge que « attendu qu’aux termes de ce texte (l’article L. 227-3 du Code de commerce), la décision de transformation d’une société en société par actions simplifiée est prise à l’unanimité des associés, qu’il en est de même en cas de fusion-absorption d’une société par une société par actions simplifiée ».
La décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation vient transformer la règle spéciale d’une décision unanime en principe général et obligatoire d’une SAS qui doit prédominer sur toutes les autres règles juridiques concurrentes. L’arrêt paraît à double tranchant. S’il vise à protéger les associés minoritaires, peu importe que cette qualité résulte d’une opération de transformation ou de fusion, il s’avère dissuasif pour plusieurs raisons.
La solution assimile la fusion à la transformation quant à l’approbation de l’opération par les associés , alors que l’article L. 236-2 du Code de commerce énonce un principe général applicable à toutes les sociétés commerciales. Cela revient à dire que la décision de fusion d’une société anonyme doit être approuvée à la majorité des deux tiers des associés. Par voie de conséquence, en l’espèce, la Cour de cassation a donné à la fusion les mêmes effets pour les associés que la transformation. L’arrêt du 19 décembre 2006 reprend l’article L. 227-3 du Code de commerce, alors que les dispositions de cet article portent uniquement sur l’opération de transformation. Il fait de l’exception de la règle de l’unanimité un principe incontournable qui régit les opérations de restructuration à destination d’une SAS. De la même manière, devenir un associé d’une SAS, par l’effet de fusion, n’emporte pas nécessairement une augmentation des engagements de celui-ci. Dans de nombreuses hypothèses, les statuts d’une SAS ne contiennent pas des clauses pouvant aggraver les engagements des associés . Comme relève Alain Couret, « le recours à l’alternative de la fusion n’était sans doute pas une bonne voie pour desserrer la contrainte légale ».
En résumé, la fusion et la transformation sont deux techniques différentes non assimilables : la première porte sur deux ou plusieurs sociétés, alors que la deuxième ne vise qu’une seule société. Dans l’hypothèse de la fusion, la société amenée à absorber n’a pas d’existence juridique au jour de sa dissolution et ne peut pas changer sa forme juridique. En revanche, la transformation exige la continuité de la personnalité morale de la société amenée à transformer. La continuation de la personnalité juridique de la société d’origine se distingue donc fondamentalement de la fusion absorption qui se manifeste par la disparition de la société absorbée.
II/ De la continuation de la personnalité morale de la société transformée : l’absence de la liquidation
L’opération de transformation s’analyse en une simple modification des statuts de la société amenée à transformer ainsi que le maintien de la personnalité morale de cette dernière. La personnalité morale de la société transformée survit après la réalisation de l’opération et reste toujours la même.
Traditionnellement, le législateur n’avait pas énoncé que la transformation pouvait être effectuée sans perte de la personnalité morale de la société. Puisque la technique de transformation emportait des bouleversements importants des statuts, elle équivalait à une dissolution suivie d’une reconstitution.
Toutefois, la jurisprudence a admis que cette opération a pour effet de subsister la personnalité morale de la société amenée à transformer dans la mesure où elle est autorisée par la loi ou prévue par les statuts. Dès lors, la continuation de la personnalité juridique de la société amenée à transformer est envisagée par loi.
L’article 1844-3 du Code civil consacre ce principe. Il confirme que la transformation d’une société en société d’une autre forme n’emporte pas la création d’une personne morale nouvelle. Les dispositions de cet article s’appliquent à toutes les transformations intéressant les sociétés commerciales ou civiles. Autrement formulé, le passage s’opère lorsqu’une société civile se transforme en société commerciale ou l’inverse, ou bien lorsqu’une société commerciale prend la forme d’une autre société commerciale. La Cour de cassation, dans ses arrêts du 7 mars et du 16 octobre 1984, a annulé les jugements favorables à l’administration fiscale en décidant que, conformément aux dispositions de l’article 1844-3 du Code civil, « la transformation régulière d’une société en une société d’une autre forme, quelle soit civile ou commerciale, n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle ».
Par voie de conséquence, la transformation est un procédé de restructuration qui a pour effet de changer la forme juridique de la société transformée. Cette technique n’emporte pas la dissolution de la société transformée qui demeure après la réalisation de l’opération. Cette opération n’entraîne aucun effet à titre particulier, ni constitution d’une personne morale nouvelle. Cette conséquence ne trouve pas son application dans le cadre de la fusion. La société absorbée n’est pas transformée mais dissoute sans liquidation du fait de la fusion et son patrimoine est transmis à titre universel à la société absorbante. Cette dernière continue la personne de la société absorbée en recevant l’universalité de son patrimoine.
Dans ce sens, la cour de Versailles relève que « une opération de fusion-absorption a pour effet la transmission universelle du patrimoine de l’absorbée qui se trouve dissoute, sans liquidation, dès la plus tardive des assemblées générales extraordinaires approuvant la fusion, et qui est consécutivement radiée du registre du commerce ». Il en résulte que l’opération de fusion est une cause de dissolution des sociétés, alors que le procédé de la transformation ne l’est pas. Cela accrédite l’idée de la continuation de la personnalité juridique de la société transformée et approuve que la fusion n’est pas transformation de la société en cause.