Ordonnances Travail : l’employeur peut-il imposer une convention de forfait jours à un cadre ?

Par Mathieu Lajoinie, Avocat.

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Explorer : # accord de performance collective # forfait annuel # consentement du salarié # licenciement

Le projet de loi de ratification des ordonnances définitivement adopté le 14 février 2018 apporte une modification aux ordonnances du 22 septembre 2017 concernant l’accord de performance collective. Cet accord qui s’impose aux clauses plus favorables du contrat de travail permet d’aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition « afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise », et permet donc la mise en place ou la modification d’une convention de forfait annuel en jours ou en heures.

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Dans le cadre des ordonnances travail, le gouvernement a mis en place un nouvel accord de compétitivité, nommé « accord de performance collective ». Conformément à l’article L 2254-2 du Code du travail, cet accord permet d’aménager « la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition », dans l’objectif « de préserver, ou de développer l’emploi », mais aussi, plus largement, pour « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ». Il peut donc prévoir la mise en place d’un régime de forfait annuel ou apporter des modifications aux régimes existants dans l’entreprise.

Pour être valable, l’accord doit être majoritaire, c’est-à-dire être signé par des syndicats représentant plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations syndicales représentatives au premier tour des dernières élections.

Toutefois, il convient ici de garder à l’esprit que si l’accord de performance collective met en place un dispositif de forfait annuel, l’ensemble des articles du Code du travail relatifs aux conventions de forfait semblent toujours s’appliquer. Ainsi :
- L’accord de performance collective autorisant le recours aux forfaits doit déterminer les salariés susceptibles d’être concernés ainsi que les caractéristiques principales des conventions individuelles de forfait qui doivent impérativement être établies par écrit et signées entre l’employeur et le salarié (articles L. 3121-55 et L. 3121-64 du Code du travail) ;
- La forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit, conformément à l’article L. 3121-55 du Code du travail. Un régime de forfait annuel en heures ou en jours ne peut donc être institué par accord de performance collective sans requérir le consentement du salarié.

Conformément au projet de loi de ratification des ordonnances définitivement adopté le 14 février 2018, les dispositions de l’accord de performance collective régulièrement conclu se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Il convient cependant de garder à l’esprit que le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord, conformément à l’article L. 2254-2 du Code du travail. Il peut donc s’opposer à ce qu’un forfait annuel lui soit appliqué.

Conformément à l’article L. 2254-2 du Code du travail, le salarié dispose ainsi d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur. Ce délai court à compter de la date à laquelle l’employeur a informé les salariés de l’existence et du contenu de l’accord ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de son accord.

Si l’accord de performance collective modifie un dispositif de forfait annuel existant, le projet de loi de ratification adapte les règles applicables concernant l’acceptation du salarié, mais l’accord de ce dernier demeure obligatoire.

Ainsi, les ordonnances, dans leur version modifiée issue du projet de loi de ratification définitivement adopté le 14 février 2018, ne permettent pas à l’employeur d’imposer ou même modifier une convention de forfait annuel en jours ou en heures sans le consentement du salarié.

Si le consentement du salarié reste dans tous les cas nécessaire, les conséquences de son refus sont très différentes selon que le régime de forfait annuel est mis en place dans le cadre d’un accord de droit commun ou d’un accord de performance collective.

En effet, conformément à l’article L. 2254-2 du Code du travail, dans le cadre d’un accord de performance collective, le licenciement du salarié consécutif à son refus sera réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Dans le cadre d’un accord de droit commun, le refus du salarié pourra justifier son licenciement pour motif économique uniquement et ne sera justifié que si l’employeur a décidé de mettre en place le régime de forfait pour un motif économique au sens de l’article L. 1233-3 du Code du travail.

Mathieu Lajoinie
Avocat au barreau de Paris
www.avocat-lajoinie.fr
contact chez avocat-lajoinie.fr

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