La période d’essai.

Par Cathy Neubauer, Avocat.

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Explorer : # période d'essai # contrat de travail # réglementation # durée

La période d’essai est souvent mal connue par les employeurs et les salariés.
Or, contrairement à ce que pensent souvent les différents protagonistes, la période d’essai fait l’objet d’un encadrement très strict.

-

La période d’essai
Existence et durée

Observations sur l’évolution de la période d’essai.

La période d’essai qui est cette période qui précède l’embauche définitive dans une entreprise est bien connue des différents partenaires du contrat de travail, mais très peu savent, y compris les employeurs que la période d’essai est très réglementée.
Cette phase du contrat qui a donné lieu à bien des abus dès lors qu’à l’origine et durant tout le laps de temps que durait cette période, tant l’employeur que le salarié pouvaient rompre la période d’essai du jour au lendemain sans donner la moindre explication, et qui de l’autre côté avait parfois des durées abusives, allant souvent jusqu’à une année dans le cas des cadres, a petit à petit été réglementé afin de parvenir à un régime juridique, qui sans trahir l’esprit de la période d’essai, mettait néanmoins quelques principes en place afin d’empêcher les abus trop criants.
Les textes en vigueur aujourd’hui datent de 2008, ce qui ne rend pas la jurisprudence datant d’avant 2008 caduque, elle est toujours valable sur les points sur lesquels il n’a pas été légiféré.

Il faut garder à l’esprit le fait que la période d’essai n’est pas prévue par la loi, mais elle n’est pas interdite non plus.
De ce fait elle est conventionnelle.
Elle ne peut cependant pas résulter d’un usage ; néanmoins l’usage peut en aménager les modalités.
 [1]

Les textes actuels

Le texte de base régissant aujourd’hui la période d’essai est l’article L.2221-20 du Code du travail, dans sa version datant de la loi N°2008-596 du 25 juin 2008 et qui dispose que

« La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. »

Ce texte permet de comprendre la philosophie de la période d’essai qui est en fait un laps de temps pendant lequel chacun des deux partenaires d’un contrat de travail peut rompre son engagement sans avoir à mettre en branle d’un côté la procédure de licenciement et de l’autre, celle de la démission avec tous les délais que les deux procédures comportent.

La loi, du fait des nombreux abus qui ont eu lieu dans le passé, a posé un certain nombre de garde-fous afin d’éviter que la période d’essai ne soit détournée de son but

Pour ce qui concerne la durée de la période d’essai il convient de définir tout d’abord le contrat auquel on a affaire.

En matière de contrat à durée indéterminée

En cas de contrat à durée indéterminée, la durée de la période est fixée par la loi, selon la catégorie de salariés à laquelle on a affaire, mais la loi encadre également son renouvellement.

L’article Article L.1221-19 du Code du travail, qui a été créé par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, fixe la durée dans le temps de cette période d’essai
« Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d’essai dont la durée maximale est :
1° Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;
2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;
3° Pour les cadres, de quatre mois.
 »

Il faut cependant de suite tempérer cet article, dès lors que l’article L1221-21, créé par la même loi prévoit une possibilité de renouvellement.

« La période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
3° Huit mois pour les cadres
 »

L’article L1221-22, lui met un bémol aux possibilités de renouvellement en disposant que :

« Les durées des périodes d’essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l’exception :
- de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ;
- de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 précitée ;
- de durées plus courtes fixées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
 »

Il convient cependant de rappeler que l’article L1221-23, toujours créé par la même loi de 2008, dispose que le renouvellement éventuel de la période d’essai doit être prévu dès la signature du contrat.

« La période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail. »

En matière de contrat à durée déterminée

La période d’essai en matière de contrat à durée déterminée se base sur d’autres textes.
En effet, le contrat à durée déterminée pouvant être très court, il fallait adapter la période d’essai en utilisant un système de proportionnalité.

A cet effet, l’article L1242-10 dispose que :
« Le contrat de travail à durée déterminée peut comporter une période d’essai.
Sauf si des usages ou des stipulations conventionnelles prévoient des durées moindres, cette période d’essai ne peut excéder une durée calculée à raison d’un jour par semaine, dans la limite de deux semaines lorsque la durée initialement prévue au contrat est au plus égale à six mois et d’un mois dans les autres cas.
Lorsque le contrat ne comporte pas de terme précis, la période d’essai est calculée par rapport à la durée minimale du contrat.
 »

Afin d’éviter toute difficulté notamment sur des règles spécifiques au contrat à durée déterminée, une rupture du contrat à durée déterminée en période d’essai, l’article L1242-11 du Code du travail exclu ainsi un certain nombre de règles qui seraient sans cela applicables puisqu’elles sont applicables au contrat à durée déterminée lors de sa cessation.

« Ne sont pas applicables pendant la période d’essai les dispositions relatives :
1° A la prise d’effet du contrat prévue à l’article L. 1242-9 ;
2° A la rupture anticipée du contrat prévue aux articles L. 1243-1 à L. 1243-4 ;
3° Au report du terme du contrat prévu à l’article L. 1243-7 ;
4° A l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.
 »

Il convient d’ores et déjà de préciser le mode de décompte de la période d’essai.
La chambre sociale de la Cour de cassation est très claire sur ce point. Elle estime que sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, toute période d’essai, qu’elle soit exprimée en jours, en semaines ou en mois se décompte de manière calendaire
 [2]

Leur application pratique

De l’existence de la période d’essai

La période d’essai n’est pas obligatoire, mais elle n’est pas interdite non plus. Néanmoins lorsqu’elle existe, elle est strictement réglementée.

Comme l’indique l’article L1221-23, la période d’essai ne se présume pas et s’il est possible d’en mettre une en place, il faut qu’elle soit expressément prévue dans le contrat de travail ou dans la lettre d’engagement.
 [3]

Néanmoins, la seule référence, dans la lettre d’embauche à la Convention Collective Nationale qui prévoit la possibilité d’une période d’essai au contrat de travail ne suffit pas à apporter la preuve que les parties sont convenues d’une période d’essai.
 [4]

De la durée de la période d’essai

Au quotidien, dans certains cas précis, la durée de la période d’essai peut soit être plus longue, soit plus courte que les durées prévues par les articles ci-dessus cités.

Dans quels cas peut-on raccourcir la période d’essai du contrat à durée indéterminée ?

1) A titre facultatif

Dès lors que la période d’essai n’est pas imposée par la loi il est toujours possible de raccourcir la période d’essai soit de ne pas en prévoir du tout.
Il est également rappelé que l’existence de la période d’essai ne se présumant point et qu’il convient qu’elle soit constatée par écrit, il n’y a bien entendu aucune période d’essai en cas d’embauche verbale.

2) A titre obligatoire

En cas de stage
L’article L.1221-24 du code du travail prévoit que
« En cas d’embauche dans l’entreprise dans les trois mois suivant l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables. Lorsque cette embauche est effectuée dans un emploi en correspondance avec les activités qui avaient été confiées au stagiaire, la durée du stage est déduite intégralement de la période d’essai.
Lorsque le stagiaire est embauché par l’entreprise à l’issue d’un stage d’une durée supérieure à deux mois, au sens de l’article L 124-6 du code de l’éducation, la durée de ce stage est prise en compte pour l’ouverture et le calcul des droits liés à l’ancienneté
 ».

Il en résulte que lorsqu’un stagiaire répondant à cette définition est embauché à la suite du stage, sa période d’essai est considérablement réduite voire réduite à néant en fonction de la durée du stage l’ayant précédé.

Par ailleurs, la convention collective applicable peut elle aussi prévoir une période d’essai plus courte que celle prévue par la loi.

Dans quels cas peut-on rallonger la période d’essai du contrat à durée indéterminée ?

1) Par contrat ou commun accord

Il est impossible de rallonger la période d’essai que ce soit à titre contractuel ou à titre d’usage, exception faite bien entendu de la possibilité de renouvellement de la période d’essai évoquée auparavant.

A ce titre il faut néanmoins rappeler que le renouvellement de la période d’essai prévue dans le contrat de travail doit être expressément prévu par la convention collective applicable au salarié.
A défaut, la clause de renouvellement de la période d’essai prévue dans le contrat de travail, en contradiction avec la convention collective est nulle.
 [5]

De surcroît, l’employeur doit recueillir son accord exprès.
 [6]

Par contre, et même en cas d’accord du salarié, aucune période d’essai ne peut être renouvelée lorsque la Convention Collective applicable ne le prévoit pas.

Néanmoins la loi de 2008 a accepté de valider des durées plus longues, prévues par des conventions collectives signées avant son entrée en vigueur. Bien entendu les durées plus courtes sont acceptées.
Par ailleurs la Chambre sociale de la Cour de cassation a gardé un droit de regard sur la durée de la période d’essai qu’elle peut juger excessive.

2) En cas de suspension du contrat de travail

Bien que la Cour de cassation (voir ci-dessus) a clairement posé le principe qu’à défaut de toute autre disposition, la période d’essai se décompte en jours calendaires, la suspension du contrat de travail suspend bien entendu la période d’essai.
Il en résulte que le salarié, qui entre au service d’une entreprise et est victime d’une maladie ou d’un accident du travail, verra sa période d’essai suspendue pendant la période où il se trouve ne indisponibilité.
Il en va de même à l’occasion du congé maternité qui va lui aussi suspendra la période d’essai.
La même règle s’applique lorsque l’entreprise ferme pour une période de congés. Durant ces congés, et cela arrive souvent lors des fêtes de fin d’années lorsque l’entreprise ferme, la période d’essai du salarié concerné est suspendue.

Par contre, si le salarié travaille, même tout seul, à son poste pendant la durée de fermeture de l’entreprise, sa période d’essai continue bien entendu de se décompter.

La mise en place d’une nouvelle période d’essai

L’employeur pourrait être tenté de mettre en place une nouvelle période d’essai en cas de survenance d’un élément nouveau dans le cadre de sa relation contractuelle avec le salarié.
La Haute Cour l’interdit et dispose qu’un employeur ne saurait imposer une nouvelle période d’essai à un salarié rétrogradé pour une faute disciplinaire.
 [7]

Le point de départ de la période d’essai

L’employeur ne saurait contourner les durées de la période d’essai en en décalant le début par exemple, et ceci même s’il a l’accord de son salarié.
En effet, la Cour de Cassation s’est prononcée dès 1997 en rappelant que le point de départ de la période d’essai commençait dès l’entrée en fonction du salarié.
 [8]

Les cas particuliers

En tout premier lieu il faut rappeler que les périodes d’essai des salariés à temps partiels ne peuvent être plus longues que celle des salariés à temps complet.
En effet, il est strictement interdit de prolonger la période d’essai pour parvenir à une égalité horaire avec les salariés à temps complets. Concrètement cela signifie qu’on ne saurait imposer une période d’essai deux fois plus longue à un titulaire d’un contrat à mi-temps par rapport à son homologue qui exerce les mêmes fonctions mais à temps complet.

Néanmoins, il existe un certain nombre de cas particuliers en matière de période d’essai.
Il est par exemple interdit de prévoir une période d’essai de plus de 3 mois dans la cadre des voyageurs-représentants-placiers (VRP)
De même la période d’essai est de deux mois pour les apprentis.

Enfin, et à titre de conclusion, il convient de ne pas confondre la période d’essai avec un test professionnel qui lui n’est pas forcément rémunéré, qui se situe en amont de la formation de la relation contractuelle et qui n’a pas lieu dans les conditions normales dans lesquelles se déroulera la relation de travail, selon la définition de l’arrêt de principe du 4 janvier 2000.
 [9]

Enfin, il convient de rappeler que la rupture du contrat en période d’essai est assortie d’un délai de prévenance.

Cathy Neubauer
Avocate

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Notes de l'article:

[1Cour de Cassation, chambre sociale 23 novembre 1999, n° 97-43.022

[2Cour de Cassation Chambre Sociale, 28 avril 2011 N°09-40.464

[3Cour de Cassation Chambre Sociale 11 juin 2003 N°01-41.333

[4Cour de Cassation Chambre Sociale 18 mars 1992 N°88-44.518

[5Cour de Cassation, chambre sociale 25 février 2009 N° 07-40.155

[6Cour de Cassation Chambre Sociale 23 janvier 1997, N° 94-44-357

[7Cour de cassation Chambre sociale 9 mars 1988 N°88-45.539

[8Cour de Cassation, Chambre Sociale 25 février 1997, N° 93-44923

[9Cour de Cassation, chambre sociale 4 janvier 2000 N°97-41.154

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