"Acceptez-là. C’est une faveur que l’on vous fait" ou encore "Vous avez vraiment envie d’aller devant le tribunal correctionnel pour prendre deux fois plus ?" sans oublier le fameux "Regardez. Il n’y a pas de perte de points" ! Pour faire accepter une composition pénale, tout est bon. Même le mensonge.
La composition pénale fait partie des alternatives aux poursuites. Cela veut dire que le prévenu qui l’accepte met fin à l’action publique. Il ne peut donc plus être poursuivi devant le tribunal correctionnel tant redouté. Par ailleurs, la composition pénale n’est pas un premier terme de récidive et la condamnation n’est pas inscrite sur le bulletin n°2 du casier judiciaire. Voilà pour les avantages.
Est-ce une faveur ?
En droit pénal général, elle peut être vue comme une faveur. Les conséquences sont limitées. Mais en droit pénal routier, cela peut vite tourner au piège, pour deux raisons :
- La première est la perte de points automatique pour certaines infractions (6 points pour les délits). Or, le PV de composition pénale ne contient jamais la moindre mention de cette perte. C’est normal. La chute des points n’est pas une peine au sens du droit pénal, mais une sanction automatique qui se greffe à une condamnation. Il n’est pas rare - c’est le retour obtenu de nombre de clients - que les personnes qui vous incitent à signer ces alternatives ne vous disent rien de ce retrait. Pire, il arrive même que l’inverse soit promis. Pour le jeune permis de moins d’un an, c’est une catastrophe. La composition pénale rime donc avec invalidation du permis de conduire. 6 mois sans pouvoir conduire. Code et conduite à repasser. Assurance qui explose. Le piège se referme. Le raisonnement vaut également pour toute personne qui n’aurait pas assez de points sur son permis, et qui n’aurait pas la possibilité de passer un stage de récupération de points.
- La seconde est la peine proposée. Si elle est de plusieurs mois de suspension, quel est l’intérêt de l’accepter. Une peine alternative doit présenter un intérêt quant à la sanction proposée. Un mois de suspension pour une conduite sous alcool ou stupéfiant, c’est intéressant. Mais prendre 6 mois ? Quel est l’intérêt. Autant se défendre devant le tribunal correctionnel.
Faut-il avoir peur d’aller devant le tribunal correctionnel ?
Non. Non. Non. Quand vous refusez une composition pénale, vous êtes convoqué devant le tribunal correctionnel. Cette comparution présente plusieurs avantages :
- Cela permet de faire durer la procédure. C’est très important pour les jeunes conducteurs, ou ceux qui n’ont pas assez de points. Tout le temps du procès - souvent plusieurs mois quand ce n’est pas deux ans -, les points ne tombent pas, et la récupération automatique prévue par les textes se fait. Celui qui n’avait que 6 points en a donc 8, voire 10 au moment de passer devant le tribunal. S’il est condamné, il sauve son permis quand il l’aurait perdu à accepter.
- Cela permet de se défendre. Cela n’a l’air de rien mais, aller devant le tribunal, c’est d’abord se défendre. Qui aimerait être jugé sans se défendre ? Qui aimerait perdre son permis de conduire sans avoir pu présenter ses observations ? Qui n’a pas envie de convaincre son juge, soit de l’innocenter, soit d’accorder sa clémence ? Tout est fait pour vous faire croire que vous prendrez plus en allant devant le tribunal. Ceux qui vous disent cela n’en savent rien. Ils ne sont jamais aux audiences. On leur a demandé de vendre de la composition pénale. Pourquoi ? Une composition pénale, pour celui qui poursuit, c’est "0 risque d’une relaxe pour vice de forme" et c’est "un dossier classé en 2 minutes quand, plaidé devant le tribunal, il en prend 20". Oui, la gestion des flux est une préoccupation importante de la justice. Prendre plus donc ? Non. Cela ne se vérifie pas. Dans la très grande majorité des cas, au contraire, le tribunal punit moins sévèrement. Parce le temps a passé - et c’est un argument quand il est long sans avoir commis une nouvelle infraction. Parce qu’être défendu par un avocat, cela peut aider.
Accepter une composition pénale, en droit routier, nécessite donc de faire un large point sur votre situation. Si vous avez 12 points et que la peine proposée correspond à la suspension préfectorale que vous avez déjà faîte ou que vous purgez, alors acceptez la. Si vous n’avez pas assez de points, refusez là. Au moins, vous gagnerez sur un plan stratégique en sauvant votre permis de conduire.
En règle générale, en droit routier, quand votre adversaire - celui qui vous poursuit ou qui le représente - vous incite à aller dans un sens, interrogez vous. Quand un adversaire vous donne un conseil, il est rarement en votre faveur.
