Depuis des années, les associations de victimes réclamaient que les homicides involontaires soient dénommés "homicides routiers". Cette demande est tellement légitime. Pour les victimes de la route, il est impossible que la mort d’un proche, ou les blessures subies, puissent être expliquées par un fait qui n’a rien d’involontaire.
Oui, la mort n’est pas donnée intentionnellement. Mais, non, l’auteur ne peut pas dire qu’il n’a pas fait exprès lorsqu’il roule à tombeau ouvert, ou après avoir consommé des substances qui abolissent et diminuent ses capacités. La modification de terminologie était donc nécessaire. C’est chose faite.
Pour soigner les maux, il fallait changer les mots.
A l’annonce de ce changement, beaucoup d’associations étaient déçues. Et pour cause. Très rapidement, chacun a compris que cette modification avait tout d’un coup de communication. En accordant ce changement de terminologie, qui ne répare pas les drames d’hier et ne prévient pas ceux de demain, le pouvoir laisse penser qu’il a écouté les demandes, faisant ainsi croire qu’il avait entendu les souffrances. Nul doute qu’il saura s’en souvenir lorsque nous lui demanderons des réformes, des vraies. Celles qui contraindront les assureurs. Celles qui exigeront de dépenser. Celles qui démontreront une vraie considération des victimes.
Aussi, lorsqu’il s’agira de demander des réformes d’ampleur, qui permettent réellement aux victimes de mieux être accompagnées, ou de prévenir les accidents, nous opposera-t-il cette main tendue, pour mieux la claquer au nez de ceux qui souffrent.
Si les victimes réclamaient cette reconnaissance, c’est surtout d’accompagnement dont elles ont besoin. De considération. D’aide. Elles attendent des cellules psychologiques. Elles attendent les moyens de contrer les assureurs qui leur opposent leurs prétendues fautes. Elles attendent, aussi, de la répression. Rien de tout cela n’a été donné. Même la répression, réponse la plus courante, et tellement facile à donner quand on ne veut pas réformer en profondeur, n’a pas été envisagée. Non, les homicides routiers ne deviendront pas des crimes. Non, les homicides routiers ne seront pas sanctionnés de 10 ans de prison dès la première circonstance aggravante.
Le symbole est beau. Il était attendu. Les associations ont été entendues. Cependant, à se contenter de cela, nous prenons le risque de n’avoir rien d’autre.
Et quand bien même l’avenir aggraverait les sanctions, à quoi bon ? Les auteurs n’ont pas peur de 7 ans de prison. Pourquoi 3 années de plus les arrêteraient ? Les tribunaux ne prononcent jamais les maxima. En quoi les augmenter changerait-il les choses ? Seule la criminalisation : avec 15 ans de réclusion à la clé, une détention provisoire bien plus facile à prononcer, et la Cour d’Assises, pourrait faire peur.
Cependant, est-ce possible ? Pas certain. Est-ce souhaitable ? Chacun son avis. Quant à la prévention de la mesure... rien. Accompagnement 0. Prévention 0. Répression. Considération 0. Communication 1.
Homicide routier : #Coquillevide.
A ce jour, la création de l’homicide routier est une coquille vide. Dès le 17 février 2023, c’est l’expression que j’utilisais sur le plateau de BFM TV, quelques heures après l’annonce du ministre de l’Intérieur.
Certains m’ont accusé d’être un rabat-joie. Ne pouvais-je pas me réjouir de cette avancée ? Si, évidemment. Mais je n’ai pas l’habitude de faire la danse de la joie lorsque je présume que le pas en avant annoncé précède trois pas en arrière. Je ne suis pas de ceux qui se courbent devant le bon roi pour le remercier de m’avoir accordé son attention. Je ne suis pas de ceux qui se réjouissent de remporter une bataille quand la guerre vient à peine de commencer.
La montagne a accouché d’une souris. Les véritables projets de réforme de l’accompagnement et de la considération des victimes ne sont même pas évoqués. Ils nous seront renvoyés au visage lorsque nous aurons l’outrecuidance de les soutenir. La main tendue d’hier, présentée comme une caresse soignant une plaie, ne doit pas être la claque de demain.
Le changement de mots pour apaiser les maux, c’est bien. Mais cela ne répare pas les drames d’hier, et n’empêche en rien ceux de demain.