Plateformes et sites de mise en relation : quels usages par les avocats ?

Plateformes et sites de mise en relation : quels usages par les avocats ?

A. Dorange
Rédaction du Village de la Justice

4438 lectures 1re Parution: Modifié: 4.75  /5

Explorer : # mise en relation # plateformes en ligne # développement de clientèle # déontologie

On le sait, l’expertise juridique est nécessaire (indispensable même !), mais n’est pas suffisante au développement de clientèle par les avocats. Qu’il s’agisse de trouver de nouveaux dossiers ou de développer une clientèle personnelle par les avocats collaborateurs, il faut non seulement savoir faire, mais aussi faire savoir. Deux décisions du Conseil d’État récentes [1], passées relativement inaperçues, étant susceptibles de modifier l’équilibre de l’écosystème des annuaires et plateformes de mise en relation, nous nous sommes à nouveau penchés sur le sujet [2], côté utilisateurs cette fois. De quoi animer vivement notre Tablée de la loi, dîner-débat pour avocats, sur le sujet [3] !

[Enquête du Journal du Village de la Justice n° 98 : Avocats et plateformes de mise en relation, des relations compliquées]

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Au-delà des compétences juridico-techniques, la mise en œuvre de compétences commerciales – ou plutôt « entrepreneuriales » – permet de définir et connaître sa clientèle idéale, de construire son offre de services. Le développement d’un réseau professionnel et la communication permettent ensuite de lui donner de la visibilité. Dans ce contexte, les plateformes de mise en relation ont une place à part. Tantôt considérées comme une opportunité, tantôt décriées comme un vecteur d’ubérisation, les prestations juridiques en ligne sont une réalité reconnue par la profession : le titre 5 (art. 19) du Règlement intérieur national et un Guide du CBN leur sont d’ailleurs désormais dédiés.

Quelle connaissance de l’écosystème et quel usage de l’offre par les avocats ?

Le « marché » des services en ligne de mise en relation à la disposition des avocats est aujourd’hui structuré de la façon suivante :

Dans le cadre de notre petite enquête [4], nous avons d’abord demandé aux répondants s’ils étaient, ou non, inscrits sur un site ou une plateforme de mise en relation, si oui, la- ou lesquelles.
Trois avocats sur cinq de notre panel ont répondu par l’affirmative (62 %), avec la répartition suivante :

  • 31 % utilisent seulement avocat.fr ;
  • 18 % utilisent avocat.fr et au moins une autre solution ;
  • 13 % utilisent seulement une ou plusieurs solutions du secteur privé ;
  • 38 % n’utilisent pas ou plus de site ou plateforme de mise en relation.

À cet égard, l’un des constats marquants des retours faits dans le cadre de l’enquête et lors de notre dîner-débat est une relative méconnaissance de l’offre et de son ouverture déontologique. Rappelons donc deux éléments, à toutes fins utiles :

  1. L’utilisation de ces outils est permise par la déontologie, le Guide du CNB donnant d’ailleurs les pistes d’une utilisation en pleine conformité et des recommandations de vigilance ;
  2. Le site avocat.fr (CNB), sur lequel les avocats en exercice inscrits à un barreau français peuvent s’inscrire gratuitement, a nécessairement l’aval de la profession et des Ordres. Il propose plusieurs services la prise de rendez-vous, la consultation en ligne, la demande de rappel, etc.

Services en ligne de mise en relation : intérêts et ressenti des utilisateurs et des non-utilisateurs

Les intérêts des sites et plateformes pour le développement de clientèle, mis en avant notamment par les éditeurs desdites solutions sont multiples :

  • Visibilité en ligne ;
  • Leads qualifiés [5] ;
  • Proximité géographique et consultations à distance ;
  • Gestion du temps (et de la tranquillité !) grâce à la planification de la disponibilité ;
  • Mise en valeur des spécialités et activités dominantes.

Les utilisateurs sont assez mitigés, avec des réponses variant assez sensiblement selon la solution utilisée :

  • Globalement, 30 à 40 % des répondants utilisateurs sont contents, voire très contents des services proposés ;
  • 43 % des utilisateurs de solutions du privé (contre 12 % pour avocat.fr) trouvent le service correct : ils et elles estiment que cela fonctionne plutôt bien, mais que cela pourrait être amélioré ;
  • 20 % des utilisateurs sont moyennement convaincus par la qualité de ce qui est proposé ;
  • Du côté des mécontents, la variation est assez grande également : 31 % du côté d’avocat.fr et 7 % du côté des autres solutions.

La majorité des critiques des utilisateurs porte sur la clientèle apportée par les services en ligne de mise en relation. Trois points sont particulièrement invoqués ; ils concernent les fameux leads qualifiés :

  • Un nombre insuffisant de réponses ;
  • Beaucoup de demandes non pertinentes ;
  • Une rentabilité (coût/temps) à améliorer.

Du côté de ceux qui n’utilisent pas ou qui n’utilisent plus ces sites et plateformes, les observations sont similaires, avec un point particulièrement notable : beaucoup des répondants de notre panel ne connaissent pas la solution mise à disposition par le CNB (avocat.fr).

Des reproches qui témoignent d’abord, indépendamment de toute analyse de la pertinence de cette volonté au regard du prix de l’expertise et de la réalité économique des cabinets, du besoin des particuliers d’accéder au Droit et de leur souhait de bénéficier de conseils gratuits.
Des griefs qui sonnent ensuite comme un appel aux éditeurs des solutions numériques de mise en relation, afin :

  1. Qu’ils agissent pour faire connaître leurs solutions auprès des particuliers et, surtout, des entreprises ;
  2. Qu’ils envisagent des possibilités techniques de « filtrer » les sollicitations, peut-être en guidant davantage leurs utilisateurs grand public dans l’orientation de leurs demandes (avec d’éventuelles problématiques de respect du secret professionnel, ainsi que l’évoque le Guide du CNB) ;
  3. Qu’ils accompagnement peut-être aussi davantage leurs utilisateurs avocats dans l’exploitation efficiente des solutions (comment s’en servir, que faire pour améliorer sa visibilité, quels outils complémentaires, etc.).

Un dernier point a particulièrement suscité la discussion, lors de notre Tablée de la loi du 13 décembre 2022 : celui du coût de ces solutions, le plus souvent forfaitaire et, partant, le lien entre ces services et la rémunération de l’apport d’affaires, qui, rappelons-le, n’a pas (encore ?) été autorisée par la profession [6].

Certains praticiens semblent en effet refuser d’utiliser ces services en ligne pour cette raison de principe. D’un autre point de vue, le paiement d’une somme forfaitaire, indépendamment donc du nombre de retours qualifiés et de dossiers obtenus, semble permettre de « contourner le problème ». En revanche, si les offres du secteur privé venaient à évoluer en passant par une facturation au lead qualifié, qui conviendrait à bon nombre d’utilisateurs, nul doute que la question de la levée de l’interdiction de l’apport d’affaires rémunéré reviendrait sur le devant de la scène...

A. Dorange
Rédaction du Village de la Justice

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Notes de l'article:

[1Par deux décisions du 27 septembre 2022 (n° 450737 et n° 450739), le Conseil d’État a enjoint le Conseil National des Barreaux et l’Ordre des avocats de Paris de mettre en ligne les documents demandés, notamment l’annuaire national des avocats, dans des standards ouverts, aisément réutilisables et exploitables par un traitement automatisé, dans un délai d’un mois à compter desdites décisions.

[3Tablée de la loi du 13 décembre 2022, coanimé par LEGI TEAM et les équipes de Kiplaid.

[4Sondage en ligne, réalisé à la mi-septembre 2022, pendant une dizaine de jours et ayant récolté une centaine de réponses. Les répondants exercent majoritairement en région métropolitaine (65 % ; 33 % en Île-de-France ; 2 % en Outre-mer).

[5Contact avec un « prospect », susceptible de devenir un client.

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