Dans cette affaire, deux prêts immobiliers ont été consentis à une société civile immobilière par un établissement bancaire. ces prêts étaient garantis par le cautionnement solidaire d’une personne physique.
La société débitrice principale n’ayant pas honoré sa dette, la déchéance du terme a été prononcée par la banque et la vente forcée de l’immeuble de l’emprunteur, ordonnée en justice par jugement d’adjudication en date du 17 décembre 2010.
L’année précédant le jugement, le 9 décembre 2009, la banque avait mis en demeure la caution, par courrier recommandé avec accusé de réception, de payer la dette garantie. Or, ce courrier n’a jamais été réclamé par la caution. Quelques années plus trad, le 15 juin 2015, la banque lui signifia un commandement de saisie vente de l’immeuble détenu en propriété par la SCI, débitrice principale.
Le 2 décembre 2016, la caution assigna la banque en caducité de ses engagements et en paiement de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde.
Reconventionnellement, la banque sollicita le paiement des sommes restant dues au titre du cautionnement.
Par un arrêt du 7 septembre 2021, la Cour d’appel de Besançon déclara l’action en responsabilité engagée par la caution recevable, au motif que la banque n’avait pas été en mesure de communiquer l’accusé de réception de la mise en demeure envoyée le 9 décembre 2009, et qu’elle succombait à établir que le délai de prescription ait pu valablement courir à compter de cette date. la juridiction d’appel jugera donc les créances prescrites et la banque irrecevable à agir en paiement contre la caution.
La banque a formé un pourvoi contre l’arrêt de la 1ere chambre civile commerciale de la Cour d’appel de Besançon et fait valoir dans son pourvoi que, tandis que l’action de la caution était nécessairement prescrite, la sienne demeurait susceptible d’être engagée, le délai de prescription ayant été interrompu par la procédure d’exécution forcée diligentée à l’égard de la débitrice principale.
En ce sens, la banque soutenait d’une part la règle selon laquelle le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité pour défaut de mise en garde exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution prend connaissance, par la mise en demeure qui lui était adressée, du fait que ses obligations vont être mises à exécution en raison de la défaillance du débiteur principal, et que la carence de la caution à réclamer le courrier recommandé contenant la mise en demeure n’a pas pour effet de différer le point de départ de la prescription à une date postérieure.
D’autre part, elle soutenait que sa propre action en paiement contre la caution n’avait pas encore excédé le délai pour agir, ayant été interrompu par la mesure d’exécution forcée prise à l’encontre de la débitrice principale.
La Cour de cassation apporte un double éclairage sur le point de départ de l’action de la caution et sur l’interruption de la prescription de l’action de la banque.
- Sur le point de départ de l’action de la caution
Au visa de l’article 1139 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et de l’article 2224 du même code, approuve le moyen du pourvoi selon lequel la carence de la caution à réclamer le courrier recommandé contenant la mise en demeure ne permet pas de reporter le point de départ du délai de prescription : c’est au jour de l’envoi du courrier recommandé que la prescription commence à courir, conformément à l’article 2224 du Code civil dont il se déduit, en matière de cautionnement personnel, que l’action en responsabilité de la caution contre la banque se prescrit par cinq ans à compter du jour où la mise en demeure de payer les sommes dues par l’emprunteur défaillant a permis à la caution d’appréhender l’existence éventuelle d’une disproportion de ses engagements, ou un manquement de banque à ses obligations d’information et de mise en garde.
- Sur l’interruption de la prescription de l’action de la banque
Au visa des articles 2241 et 2246 du Code civil, la première chambre reproche au Juges d’appel de ne pas avoir recherché, comme il leur était demandé, si la mesure d’exécution forcée prise par la banque à l’égard de la débitrice principale, soit la délivrance du commandement de payer valant saisie -immobilière, n’avait pas eu pour effet d’interrompre le délai de prescription.
En effet, les juges d’appel avaient déclaré prescrite l’action de la banque contre la caution, estimant que les paiements qu’elle avait effectués n’étaient pas antérieurs au 10 décembre 2014, date à laquelle la prescription était acquise, la banque arguant que le délai avait été interrompu par la mesure d’exécution forcée prise à la débitrice principale.
Il appartiendra donc à la cour d’appel de renvoi de vérifier l’existence, que la banque aura la charge de démontrer, de cet acte interruptif du délai : ce qui permettra aux banques comme aux cautions de distinguer les règles de prescriptions applicables à chacune de leurs actions en matière de droit du cautionnement personnel.