À partir de ces données, plusieurs attitudes peuvent être envisageables : soit considérer que l’URSSAF a raison (ce qui est souvent le cas) et négocier avec elle des délais de paiement et une réduction des majorations de retard, soit au contraire se battre et ne pas subir. Dans ce second cas, outre des arguments sur le fond du redressement, le cotisant sera immanquablement amené à évoquer des arguments de procédure, sachant que le moindre manquement, peut entraîner la nullité de la procédure.
Quels peuvent être ces manquements ? Nous allons rapidement tenter de les évoquer en suivant le cours du contrôle et du contentieux
1. L’avis de contrôle.
Sauf en cas de travail dissimulé, tout contrôle est précédé au moins trente jours avant la date de première visite de l’inspecteur, de l’envoi d’un avis de contrôle [2].
Cet avis fait état de l’existence d’un document intitulé "Charte du cotisant contrôlé" présentant à la personne contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose pendant son déroulement et à son issue [3].
En outre, il est fait mention dans cet avis de la possibilité pour le cotisant se faire assister du conseil de son choix [4].
Malgré ces mentions lapidaires, le cotisant et son conseil devront vérifier plusieurs éléments :
- L’existence des mentions relatives à la « Charte du cotisant contrôlé » et à la possibilité de se faire assister d’un conseil (avocat) [5] ; l’absence d’une seule de ces mentions entraîne la nullité de la procédure de contrôle [6] ;
- L’adresse d’envoi du document. Cet avis doit être adressé : pour une personne morale, à l’attention de son représentant légal, soit au siège social de l’entreprise soit à l’établissement principal ; pour une personne physique, à son domicile ou à défaut à son adresse professionnelle.
- Sauf précision contraire, cet avis vaut pour l’ensemble des établissements de la personne contrôlée [7].
En revanche, si l’URSSAF a indiqué les établissements concernés par le contrôle, la vérification ne pourra de dérouler que dans les établissements indiqués.
- Le respect de la date de première visite [8].
Est en revanche sans importance la mention, sur l’avis de contrôle, de la liste des documents à présenter, même si cela est toujours le cas en pratique. Plus encore, l’URSSAF n’est même pas liée par cette liste de documents. En effet, le cotisant est tenu de mettre à disposition des inspecteurs tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés comme nécessaires à l’exercice du contrôle [9].
2. Le déroulement du contrôle.
L’URSSAF dispose en la matière de prérogatives importantes, exorbitantes du droit commun.
Ainsi, les employeurs doivent présenter « tout » document et permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par les agents dès lors que ceux-ci sont nécessaires à l’exercice du contrôle [10].
Les termes « présenter » et « qui leur sont demandés », impliquent que les employeurs montrent volontairement, aux agents, les documents permettant de vérifier les déclarations. En sens inverse donc, les inspecteurs ne peuvent pas contraindre un salarié, en l’absence du dirigeant, à ouvrir les tiroirs et les armoires des bureaux [11].
Le contrôle nécessite donc la collaboration du chef d’entreprise [12].
De même, suivant l’article R243-59 II, al. 4 et 5, les inspecteurs peuvent interroger les personnes rémunérées, notamment pour connaître leurs noms et adresses ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature. Les agents outrepasseraient leurs droits en interrogeant les conjoints des salariés à leur domicile [13].
De même, ils ne pourraient entendre les salariés que dans l’entreprise ou sur les lieux du travail [14].
Enfin, l’interrogatoire ne peut être qu’oral ; un inspecteur ne saurait donc envoyer des questionnaires au domicile des intéressés [15].
Aucune disposition spécifique n’est prévue dans le Code de la sécurité sociale en matière de durée du contrôle [16] sauf pour les entités de moins de vingt salariés [17].
Enfin, on relèvera qu’est proposé au cotisant au terme du contrôle (sauf en cas de travail dissimulé) un entretien afin de présenter au cotisant les constats susceptibles de faire l’objet d’une observation ou d’un redressement.
Toutefois, tous ces pouvoirs importants ne conférent cependant pas aux URSSAF l’impunité.
Ainsi, dans le cadre de contrôles sur place, la jurisprudence a eu à se positionner sur certaines pratiques fréquentes des organismes de recouvrement.
Par exemple :
- L’emport de documents : l’article R243-59 II alinéa 3 précise que :
« sauf autorisation de la personne contrôlée, seules des copies des documents remis peuvent être exploitées hors de ses locaux ».
L’emport de documents originaux nécessite donc l’accord de l’employeur et seules des copies de documents confiées par le cotisant (et non pris de force), peuvent être emportées…
- La copie de documents numériques sur clé USB : certes, la remise d’une clé USB n’est pas en soi, signe d’aucune contravention aux règles de la procédure de contrôle. Encore faut-il toutefois que cette clé ne soit pas emportée hors de l’entreprise et que le contenu du disque dur figure sur la liste des « documents consultés » [18], au risque d’entraîner la nullité de la lettre d’observations [19].
- La demande de pièces par mail : cette pratique courante (car plus rapide et plus simple rapide pour les URSSAF) risque de transformer un contrôle sur place en un contrôle sur pièces, dès lors que les documents sont analysés en dehors des locaux de l’entreprise. Il a ainsi été décidé que la demande d’envoi par mail formulée de manière comminatoire à un salarié dont il n’est pas prouvé qu’il a le pouvoir d’engager l’employeur contribue à rendre le contrôle irrégulier [20].
- L’existence d’un débat contradictoire pendant le contrôle [21] : pour s’assurer de l’existence de ce débat, un parallèle pourrait être fait avec le contrôle fiscal.
Ainsi, dans le domaine du droit fiscal, ont été considérées comme insuffisantes et révélateur d’une absence de débat contradictoire : l’absence d’intervention ou de visite dans les locaux de l’entreprise [22] une seule entrevue sur place avec le vérificateur [23], deux interventions brèves (la première pour emporter les documents et la seconde seulement pour les restituer) [24], trois interventions brèves (une pour emporter les documents, la seconde pour examiner succinctement un problème ponctuel, la dernière pour restituer les documents et informer le contribuable des résultats de la vérification) [25].
3. Le respect de la procédure contradictoire postérieure au contrôle.
Celle-ci est elle-même divisée en trois parties : les observations de l’organisme, la réponse du cotisant, la réponse de l’URSSAF aux arguments du cotisant [26].
En ce qui concerne les observations de l’organisme, il appartient au cotisant de vérifier :
- Que le document ait bien été envoyé au siège de la société (et non à un de ses établissements, par exemple) ;
- Que celui-ci comporte l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. En outre, ces observations doivent contenir les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l’indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l’indication du mode de calcul et du montant des redressements [27] ;
- Qu’apparait la mention d’un délai de trente jours (éventuellement renouvelable) pour que le cotisant puisse répondre à ces observations [28] ;
- Qu’est indiquée la faculté pour le cotisant de se faire assister d’un conseil de son choix [29] ;
- Que la lettre est bien signée par l’ensemble des inspecteurs ayant diligenté le contrôle [30].
La réponse du cotisant ne constitue pas une obligation [31]. Dans sa réponse, la personne contrôlée peut indiquer toute précision ou tout complément qu’elle juge nécessaire notamment en proposant des ajouts à la liste des documents consultés.
Enfin, l’URSSAF ne pourra mettre en œuvre le recouvrement des cotisations, majorations et pénalités faisant l’objet du redressement avant d’avoir adressé au cotisant la réponse à ses éventuelles observations [32].
Lorsque la personne contrôlée répond avant la fin du délai imparti, l’agent chargé du contrôle est tenu de répondre. Chaque observation exprimée de manière circonstanciée par la personne contrôlée fait l’objet d’une réponse motivée [33].
Il appartient donc de vérifier qu’à l’ensemble des éléments soulevés de manière « circonstanciée », une réponse « motivée » a été apportée.
Aucune disposition n’impose aux inspecteurs qui ont procédé au contrôle initial de cosigner par la suite tous les courriers subséquents [34].
4. La mise en demeure.
Suivant l’article L244-2 du Code de la sécurité sociale, toute action ou poursuite est obligatoirement précédée, par une mise en demeure qui constitue non un acte de procédure mais une simple « invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti ».
Cette mise en demeure doit :
- Inviter l’employeur à régulariser sa situation dans le mois [35] ;
- Préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent [36] ;
- Mentionner au titre des différentes périodes annuelles contrôlées les montants notifiés par la lettre d’observations corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre la personne contrôlée et l’agent chargé du contrôle. La référence et les dates de la lettre d’observations et le cas échéant du dernier courrier établi par l’agent en charge du contrôle lors des échanges entre l’URSSAF et le cotisant figurent sur le document. Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées par la personne contrôlée [37] ;
- Mentionner les possibilités de recours (voies et délais) ;
- Être adressée à la personne physique ou morale à qui incombe le paiement des cotisations de sécurité sociale [38] ;
- Respecter le délai de prescription des cotisations [39] ; la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l’année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l’année de leur envoi.
En pratique, cela veut dire que pour une mise en demeure qui a été envoyée en novembre 2023, le contrôle et le redressement peuvent concerner les années 2020, 2021, 2022 et 2023.
La loi ne prévoit pas de délai de notification particulier après le respect de la procédure contradictoire.
5. Comment contester un redressement URSSAF ?
Selon l’article R142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations formées contre les décisions prises par les organismes de Sécurité sociale sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme. Cette commission n’est pas une juridiction. Elle n’est qu’une émanation du conseil d’administration de chaque organisme de Sécurité sociale.
La commission (qui est au siège de l’organisme) doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la mise en demeure [40].
La manière dont la commission a été saisie est primordiale : si le cotisant a limité son recours à un ou plusieurs chefs de redressement, il ne pourra plus contester les autres points de redressement devant la juridiction contentieuse [41]. Il est donc conseillé de saisir la commission de manière très large par des formulations telles : « Je conteste l’ensemble des redressements opérés, notamment pour les motifs suivants… » [42].
A la suite de la saisine de la commission, deux hypothèses doivent être retenues :
- Soit le cotisant laisse la commission statuer sur sa réclamation. Dans ce cas, il attendra la notification de la décision ;
- Soit il fera application des dispositions de l’article R142-6 al 1 du Code de la Sécurité sociale suivant lequel lorsque la décision du conseil d’administration ou de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l’intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le Tribunal (ce délai de deux mois court à compter de la réception de la réclamation par l’organisme de Sécurité sociale ; toutefois, si des documents sont produits par le réclamant après le dépôt de la réclamation, le délai ne court qu’à compter de la réception de ces documents).
Ainsi, le cotisant dispose d’un choix : soit laisser la commission statuer sur son différend, soit accélérer la procédure en saisissant le Tribunal en l’absence de décision de la commission deux mois après sa saisine.
Au terme de ce bref exposé, force est de constater qu’outre le fond d’un redressement, les points de vigilance du cotisant et de son avocat en matière de procédure, sont nombreux. Il n’est donc pas inutile de s’intéresser de près au respect du processus de vérification.