Les règles impératives des délais de paiement, par Paul Buisson et Anne-Laure Corroyer Hennard, Avocats

Les règles impératives des délais de paiement, par Paul Buisson et Anne-Laure Corroyer Hennard, Avocats

Rédaction du village

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Explorer : # délais de paiement # pénalités de retard # liberté contractuelle # sanctions économiques

Dans la conjoncture économique actuelle bon nombre d’entreprises pourraient être tentées de faire entrer dans la négociation de leurs contrats et de leurs marchés de larges délais de paiement.

Afin de contrer ces pratiques et de relancer la concurrence, la loi sur la modernisation de l’économie (Loi LME) du 4 août 2008 entrée en vigueur au 1er janvier 2009, a modifié les règles posées aux articles L441-6 et suivants du Code de Commerce.

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Instauration de nouveaux délais de paiement impératifs

Les contrôles de la DGCCRF, effectués sur l’année 2009, ont montré que les nouveaux délais de paiement ont été respectés dans la très grande majorité des entreprises. Dans 10% des entreprises contrôlées des manquements à la loi ont cependant été constatés.

Ces nouveaux délais de paiement s’imposent aux grosses entreprises ainsi qu’aux PME.

Ainsi, le nouveau délai maximal de règlement est de :
- 45 jours, fin de mois

Ou de
- 60 jours, date d’émission de facture.

Ce choix entre 60 jours calendaires et 45 jours fin de mois relève de la liberté contractuelle des opérateurs.

LA PRATIQUE

La pratique la plus répandue consiste à comptabiliser les 45 jours à compter de la date d’émission de la facture, la limite de paiement intervenant à la fin du mois civil au cours duquel expirent ces 45 jours.

Les délais peuvent également être comptabilisés différemment, soit en ajoutant 45 jours à la fin du mois de l’émission de la facture.

Ce nouveau plafond légal s’applique à tous produits ou services, sans distinction.

Les professionnels d’un secteur, clients et fournisseurs, peuvent toutefois décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement.

La date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de services demandée peut également être considérée comme le point de départ du délai de paiement.

Des accords sont conclus à cet effet par les organisations professionnelles. Il convient cependant d’être vigilant car des accords interprofessionnels d’un secteur donné peuvent avoir convenu de délais de paiement supérieurs ou, le cas échéant, avoir validé un autre mode de computation des délais.

Ces accords de branche peuvent faire exception à ces délais de paiement sous certaines conditions :
- Cette possibilité de dérogation n’est valide que jusqu’en 2012,
- La dérogation doit être motivée par des raisons économiques objectives,
- L’accord doit prévoir une réduction progressive des délais.

Ces accords concernent différents secteurs d’activités, tels que les jouets, le bricolage, la papeterie, l’horlogerie-bijouterie, le bâtiment et les travaux publics…) et sont opposables, dès lors que l’une des parties au contrat (ou à la transaction) est signataire dudit accord. Il est donc très difficile pour un acteur économique de savoir si les délais de paiement imposés par la loi LME lui sont réellement applicables.

Il est donc très important de se tenir informé auprès des syndicats professionnels dont dépend votre société.

LES DELAIS DE PAIEMENT DANS LE CADRE DES CONTRATS INTERNATIONAUX

La jurisprudence a d’ores et déjà considéré que les dispositions de l’Article L. 442-6 du code de commerce sont des dispositions impératives relevant de l’ordre public économique et comme telle, constitutives d’une loi de police.

De ce fait, si le fournisseur est français, le droit français sera applicable dans la très grande majorité des cas. Les dispositions de l’Art. L. 442-6-I-7 du Code de Commerce s’appliquent donc et la possibilité subséquente, pour le vendeur français, d’engager la responsabilité de son client lorsque ce dernier ne respecte pas les délais de paiement posés par la loi LME.

A cet égard, la DGCCRF a promis de veiller à ce que des créanciers français ne se voient pas imposer des délais de paiement anormalement longs par leurs débiteurs. Cette vigilance concerne plus particulièrement les débiteurs qui, pour échapper aux dispositions nationales, seraient tentés d’utiliser des centrales de paiement à l’étranger.

La DGCCRF devrait également veiller à ce que les débiteurs établis en France règlent leurs créanciers résidant à l’étranger sans entraîner de distorsions de concurrence vis-à-vis d’opérateurs résidant en France.

Modification du régime des pénalités de retard

La LME a également durci le régime d’application des pénalités de retard. Celles-ci sont désormais égales au taux d’intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne (BCE), au taux du refinancement bancaire plus 10% de majoration.

En cas de négociation d’un taux différent par les entreprises, celui-ci ne peut être inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, contre une fois et demie précédemment.

Les pénalités de retard sont obligatoirement exigibles dès le jour suivant le jour de l’échéance de paiement, sans qu’un rappel soit nécessaire.

Le non-respect des délais de paiement fait automatiquement naître une créance certaine qui doit être prise en compte dans le bénéfice imposable de l’exercice au cours duquel le délai de paiement est dépassé.

Le non respect des délais maximaux prévus par la loi LME n’entraîne pas directement des sanctions pénales, une sanction civile existe néanmoins telle, que prévue par l’Article L.442-6-I-7.

Le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l’Art. L. 441-6 ou qui sont manifestement abusives engage, aux termes de cet article, la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé.

Le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d’émission de la facture est considéré comme abusif et peut être sanctionné par une amende civile qui peut atteindre la somme de 2 millions d’euros…

Ces différentes sanctions devraient convaincre l’ensemble des opérateurs économiques de se soumettre aux délais de paiement imposés par la loi LME.

En conclusion, attention aux contrôles de la DGGCRF ou d’un juge.

Toute entreprise créancière doit obligatoirement exiger le règlement de sa facture dans les délais prévus et solliciter, une fois le délai écoulé, le paiement des pénalités de retard. En l’absence, celle-ci s’expose à une amende civile pouvant atteindre 2 Millions d’Euros.

L’entreprise débitrice, doit quant à elle régler ses factures dans les délais imposés, dans le cas contraire, elle se verra dans l’obligation de régler des pénalités de retard extrêmement lourdes, auxquelles s’ajoute le risque d’une forte amende civile.

Paul Buisson
Avocat associé
BUISSON & ASSOCIES

Et
Anne-Laure Corroyer Hennard
Avocat collaborateur

BUISSON & ASSOCIES
www.buissonavocats.com

Rédaction du village

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