I/Le principe
Le harcèlement moral est évoqué à l’article L1152-1 du Code du travail qui dispose qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Pour que le harcèlement moral soit constitué il est nécessaire d’être en présence d’agissements répétés. Autrement dit un acte isolé, aussi grave soit il, ne peut suffire pour que le harcèlement moral soit constitué.
Les actes répétés sont très divers il peut s’agir ainsi de sanctionner de manière non pertinente un salarié, de le surveiller de manière incessante, d’augmenter fortement sa charge de travail…
II/ L’application jurisprudentielle
A/ L’exigence constante d’une pluralité d’actes
Dans ses arrêts la chambre sociale de la Cour de cassation prend le soin de lister les différents faits permettant d’établir l’existence du harcèlement moral.
Ainsi la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 10 novembre 2009, a considéré que le harcèlement moral était caractérisé en raison du fait qu’un directeur d’établissement soumettait ses salariés à une pression continuelle, faisait des reproches incessants au personnel, donnait des ordres et des contre-ordres dans l’objectif de diviser l’équipe, affichait son mépris à l’égard d’un salarié, ne dialoguait pas oralement mais uniquement par l’intermédiaire d’un tableau. ( pourvoi numéro 07-45 321)
Dans un arrêt rendu le 23 mars 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation estime que le harcèlement moral ressort du fait de téléphoner à de multiples reprises aux salariés à toute heure de week-end ou de la nuit, de soumettre ces derniers à une pression constante, d’avoir mis en place d’un système informatique de contrôle des véhicules.
Quelques mois plus tard, par un arrêt en date du 23 juin 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que, appeler un salarié à toute heure du week-end ou de la nuit, le soumettre à une pression constante dans le but d’obtenir le maximum de travail, mettre au point un système de contrôle des voitures constituent des faits de harcèlement moral. (pourvoi numéro 08-45140)
Dans un arrêt en date du 8 novembre 2011, cette même juridiction a considéré que le harcèlement moral était constitué car la salariée victime a vu ses tâches de travail s’accroître fortement, a été contrainte d’assister à des réunions de plus en plus fréquentes, a reçu de multiples mails donnant des ordres et des contre-ordres et a vu ses conditions matérielles de travail se dégrader. (pourvoi numéro 10-15834)
Dans un arrêt récent rendu le 17 janvier 2013 la chambre sociale de la Cour de cassation considère que le harcèlement moral résulte du fait de sanctionner en particulier une salariée, de lui faire de nombreux reproches, de ne lui laisser aucune initiative dans l’organisation de son travail, de la surveiller en permanence et de la surcharger de travail. (pourvoi n° 11-24696)
B/ L’insuffisance d’un acte prolongé
A la lecture de certains arrêts de la Cour de cassation nous remarquons aisément que cette dernière est très stricte quant à l’exigence de pluralité d’actes.
Ainsi dans certains arrêts la chambre sociale a eu l’opportunité d’expliquer qu’un acte prolongé dans le temps n’est pas un acte répété, et que par conséquent cet acte prolongé ne peut être constitutif d’un harcèlement moral.
Par exemple dans un arrêt en date du 9 décembre 2009 la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que rétrograder une salariée et ne pas la réintégrer dans ses fonctions antérieures en dépit des nombreuses lettres de sa part et des courriers de l’inspecteur du travail n’est pas constitutif de harcèlement. (pourvoi numéro 07-45.521)
La Cour de cassation justifie sa position au motif que la Cour d’appel n’a pas « constaté d’autres agissements que la décision maintenue de rétrogradation. »
Qu’il convient toutefois de signaler qu’en cas de rétrogradation non acceptée par le salarié ce dernier, même s’il ne peut invoquer de manière pertinente le harcèlement moral, a d’autres moyens de se défendre. Il peut en effet demander au Conseil de prud’hommes la résiliation judiciaire de son contrat de travail ou faire une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.
Très récemment, dans un arrêt en date du 13 février 2013, la Haute Juridiction a considéré que le fait de laisser un salarié travailler pendant deux mois dans un local difficile d’accès, désaffecté et dépourvu de matériel informatique et de téléphone n’est pas constitutif d’un harcèlement moral. (pourvoi numéro 11-25828)
Pour arriver à cette solution la Cour de cassation explique que l’agissement de l’employeur, qui a perduré pendant deux mois, constitue un seul et unique fait.