Résolution d’AG contestée : comment obtenir sa suspension et protéger vos intérêts ?

Par Maxime Hardouin, Avocat.

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Explorer : # suspension résolution ag # référé # urgence juridique # cadre légal

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La suspension d'une résolution d'assemblée générale nécessite de respecter des critères stricts d'urgence et de recevabilité. Les articles 834 et 835 du Code de procédure civile autorisent cette action, mais elle doit prouver soit l'absence de contestation sérieuse, soit le risque de préjudice immédiat.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans la vie des affaires, les décisions collectives prises en assemblée générale (AG) peuvent parfois être contestées, que ce soit pour des raisons de régularité, de conformité aux statuts, ou parce qu’elles portent une atteinte grave aux intérêts d’un associé ou d’un tiers.

Idéalement, une résolution amiable est toujours préférable pour préserver la dynamique entrepreneuriale et éviter les aléas d’un contentieux.

Toutefois, lorsque l’amiable échoue ou que l’exécution d’une décision risque d’engendrer un préjudice irréparable, il devient nécessaire d’envisager une action en justice.

Dans ce contexte, la saisine du juge peut constituer une manœuvre stratégique, permettant non seulement de faire pression dans une négociation mais surtout de prévenir les conséquences dommageables d’une décision sociale litigieuse.

La question se pose alors : dans quelles conditions peut-on suspendre une résolution d’AG ?

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Pour y répondre, nous verrons d’abord le cadre juridique qui encadre cette procédure (I), avant d’examiner les conditions précises de recevabilité de la demande (II) et de nous pencher sur la jurisprudence récente qui en délimite les contours (III).

I. Un cadre juridique strict encadrant la suspension d’une résolution d’AG.

Avant d’envisager une action en justice, il est essentiel de comprendre le cadre légal qui permet, dans certaines circonstances, de suspendre une décision d’assemblée générale.

Cette possibilité repose sur les articles 834 et 835 du Code de procédure civile, qui définissent les prérogatives du juge des référés.

D’une part, l’article 834 dispose que le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé

« toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

Cela signifie que la suspension d’une résolution d’AG peut être obtenue si elle ne fait l’objet d’aucun débat juridique sérieux ou si la seule existence du différend justifie une intervention d’urgence.

D’autre part, l’article 835 élargit les pouvoirs du juge des référés, lui permettant de statuer même en présence d’une contestation sérieuse, à condition que la mesure sollicitée soit nécessaire pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Ainsi, pour obtenir la suspension d’une résolution d’AG, deux voies sont envisageables :

  • Soit le demandeur prouve que la résolution est manifestement irrégulière et qu’il n’existe aucune contestation sérieuse sur son illégalité.
  • Soit il démontre qu’elle entraîne un risque de préjudice immédiat et irréversible, nécessitant une mesure conservatoire.

Ce cadre juridique offre donc une ouverture, mais encore faut-il répondre aux critères de recevabilité pour espérer obtenir une suspension.

II. Les conditions de recevabilité de la demande de suspension.

Obtenir une suspension en référé ne repose pas sur une simple contestation d’une décision sociale, mais sur le respect de plusieurs conditions strictes.

Parmi elles, l’urgence constitue le premier critère incontournable (A), tandis que la nécessité de prouver l’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend joue un rôle déterminant dans l’issue de la procédure (B).

A. L’urgence, une condition essentielle pour saisir le juge des référés.

La notion d’urgence est au cœur de l’intervention du juge des référés.

En matière de suspension d’une résolution d’AG, elle suppose de démontrer que la décision contestée risque d’avoir des effets immédiats et irréversibles.

Il ne suffit pas d’invoquer un désaccord entre associés ou une éventuelle atteinte aux intérêts financiers d’un actionnaire minoritaire.

Il faut prouver que la mise en œuvre de la résolution entraînera des conséquences graves et immédiates, qu’une action au fond, souvent plus longue, ne permettrait pas de prévenir à temps.

Concrètement, l’urgence pourrait être retenue, par exemple, si la résolution d’AG :

  • entraîne une modification des statuts affectant directement les droits des associés,
  • aboutit à la révocation d’un dirigeant dans des conditions contestables,
  • met en péril la viabilité financière immédiate de la société.

Toutefois, une simple insatisfaction vis-à-vis d’une décision majoritaire ou une crainte hypothétique ne suffisent pas.

Le juge appréciera l’urgence au cas par cas, en fonction des éléments de preuves apportés par le demandeur.

B. L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend.

Si la condition d’urgence est remplie, il reste à examiner la nature du litige.

Deux scénarios sont envisageables :

  • L’absence de contestation sérieuse [1].

Pour obtenir une suspension en référé sur ce fondement, il faut démontrer que la résolution d’AG est manifestement illégale et qu’aucun argument sérieux ne permettrait de la justifier.

Cela peut être le cas si :

  • l’AG n’a pas respecté les formalités de convocation,
  • l’ordre du jour voté ne correspond pas aux décisions annoncées,
  • la résolution est contraire aux statuts de la société.

Par essence, il nous semble délicat d’initier un référé-suspension d’AG sur le (seul) fondement de l’article 834 du CPC, tant il est parfois difficultueux de rapporter la preuve d’une absence de contestation sérieuse, et à l’inverse, parfois trop aisé, de démontrer que des contestations sérieuses sont présentes.

  • L’existence d’un différend justifiant une mesure provisoire [2].

Ici, la suspension peut être obtenue même en présence d’une contestation sérieuse, à condition qu’un dommage imminent soit démontré.

Par exemple, une révocation brutale et irrégulière d’un dirigeant pourrait être suspendue si elle entraîne une perte de confiance immédiate des investisseurs ou des partenaires financiers, compromettant la pérennité de la société ; encore faut-il le démontrer.

Une fois ces critères examinés, il est intéressant d’analyser comment la jurisprudence applique ces principes.

III. La jurisprudence encadrant la suspension des résolutions d’AG.

La Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la suspension des résolutions d’AG dans un arrêt publié au bulletin du 13 janvier 2021.

Elle y a confirmé que la suspension d’une résolution d’assemblée générale peut être justifiée en cas de risque de dommage imminent​.

Dans cette affaire, une assemblée générale avait adopté une résolution modifiant la gouvernance de la société en révoquant un président dans un contexte de restructuration.

Le juge des référés a suspendu cette décision, estimant qu’elle risquait de compromettre la confiance des créanciers et donc d’aggraver la situation financière de l’entreprise.

La Cour de cassation a validé cette approche, considérant que le référé était justifié par l’urgence et le risque de dommage imminent.

Toutefois, la haute juridiction rappelle aussi que le juge des référés ne peut pas annuler une résolution, mais uniquement en suspendre l’exécution provisoire lorsque les conditions sont réunies.

Un outil à manier avec précaution.

La suspension d’une résolution d’AG par référé est un levier juridique puissant, mais elle ne doit pas être perçue comme un moyen automatique de contester une décision.

Elle doit répondre à des critères stricts d’urgence et de recevabilité, sous peine d’être rejetée.

Si cette procédure peut s’avérer stratégiquement utile dans une négociation tendue, elle ne remplace pas un contentieux au fond, qui reste nécessaire pour obtenir l’annulation définitive d’une résolution litigieuse, d’autant qu’il faudra analyser le succès d’une annulation, à la lumière de l’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés, applicable à compter du 1ᵉʳ octobre 25.

En définitive, elle doit être manœuvrée avec prudence, dans une logique d’anticipation et de protection des intérêts des parties concernées.

Maxime Hardouin
Avocat associé au Barreau de Poitiers
https://www.linkedin.com/in/maxime-hardouin/
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Notes de l'article:

[1Article 834 du Code de procédure civile.

[2Article 835 du Code de procédure civile.

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