Saisie de données informatiques en cas de soupçons de fraude fiscale.

Par Arnaud Soton, Avocat.

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Explorer : # fraude fiscale # saisie de données informatiques # vie privée # conseil constitutionnel

Dans sa décision Cass. com. QPC n° 21-40.022 du 15/12/2021, la Cour de cassation avait saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionalité portant sur les dispositions de l’article L16 B du LPF permettant la saisie de données informatiques appartenant à des tiers, stockées hors des lieux où la visite a été autorisée.

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En effet, le I de l’article L16 B du LPF dispose que

« lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support ».

Ainsi, lorsqu’il existe des présomptions d’agissements frauduleux en matière d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices ou de taxes sur le chiffre d’affaires, l’autorité judiciaire peut autoriser l’administration à effectuer des visites en tous lieux, même privés, où des pièces et documents se rapportant aux agissements présumés sont susceptibles d’être matériellement détenus ou d’être accessibles ou disponibles et à procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support.

La Cour de cassation avait renvoyé au Conseil constitutionnel la question de savoir si ces dispositions méconnaissent le droit au respect de la vie privée en ce qu’elles permettent la saisie de données informatiques stockées à l’extérieur des lieux où la visite a été autorisée, appartenant à des tiers.

Pour la Cour de cassation, la question présentait un caractère sérieux, au regard du droit au respect de la vie privée, en ce que les dispositions, qui permettent à l’autorité judiciaire d’autoriser les agents de l’administration fiscale à procéder à des visites en tous lieux, même privés, où des pièces et documents se rapportant aux agissements de fraude présumés sont susceptibles d’être matériellement détenus, prévoient aussi la possibilité de visiter les lieux depuis lesquels de tels éléments sont susceptibles d’être accessibles ou disponibles et de procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support, ce qui permet notamment la saisie de données informatiques stockées à l’extérieur des lieux où la visite a été autorisée et appartenant à des tiers [1].

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur cette QPC et estime que ces dispositions sont conformes à la constitution.

En effet, pour les Sages, d’une part, l’article L16 B du LPF procède à une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée ; et d’autre part, les recours contre l’ordonnance autorisant la visite ou contre le déroulement des opérations peuvent être formés non seulement par la personne visée par l’ordonnance et l’occupant des lieux visités, mais aussi par toute personne ayant qualité et intérêt à contester la régularité de la saisie d’un document.

De même, la saisie ne peut intervenir qu’à l’occasion d’une visite autorisée par le juge des libertés et de la détention, qui doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise comporte tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite. Sa décision doit être motivée par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.

Pour toutes ces raisons, les dispositions de l’article L16 B du LPF sont conformes à la constitution.

Cons. const. 11/03/2022 n° 2021-980 QPC.

Arnaud Soton, Avocat Fiscaliste
Professeur de droit fiscal
http://www.soton-avocat.com/

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Notes de l'article:

[1Cass. com. QPC 15-12-2021 n° 21-40.022.

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