Peut-on saisir le juge le plus proche de chez soi pour sanctionner des faits de contrefaçon dans toute l’Europe ?

Par Eric Le Quellenec, Avocat.

887 lectures 1re Parution: Modifié: 4.53  /5

Explorer : # contrefaçon # compétence judiciaire # cjue # dommage transfrontalier

Sans forcément chercher à faire du « forum shopping » ou choisir le juge qui sera à même de mieux indemniser la victime de contrefaçon, pouvoir saisir son juge national est évidemment un atout en termes de proximité, coût et suivi de la procédure.

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Depuis l’an 2000 et le règlement communautaire dit de « Bruxelles » (n°44/2001), le demandeur peut aller « en matière délictuelle ou quasi délictuelle devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire  » [1].

Si la contrefaçon concerne directement son territoire national, il est facile de rattacher le litige à son juge. Si la contrefaçon ne concerne que des pays extérieurs au sien, les choses sont plus complexes et c’est ce à quoi, à la demande la Cour de cassation (voir l’arrêt ici ) la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après CJUE) a dû répondre le 3 octobre 2013 (la décision ici).
Dans l’affaire dont la CJUE a eu à connaître, il s’agissait d’un auteur-compositeur-interprète français qui a avait remarqué que ses chansons avaient été utilisées sans son autorisation par une société autrichienne pour en faire un CD, lequel était ensuite vendu par une société britannique par l’intermédiaire notamment d’un site internet.

Même si la motivation de la CJUE est très complexe, on peut en retenir les principaux enseignements suivants pour trouver le juge « le mieux placé » pour sanctionner la contrefaçon :
- il n’est pas nécessaire que l’activité dommageable ait été dirigée vers l’État membre de la victime ;
- mais il faut prouver que le dommage subi par la victime existe dans le ressort du juge qu’elle a saisi : donc dans l’affaire étudiée, le CD devait pouvoir être livré en France.

Concrètement, dans l’affaire étudiée par la CJUE, l’auteur-composition-interprète ne va pas pouvoir se contenter de montrer que le site internet de vente du CD en litige lui était accessible depuis la France. Il va falloir prouver que le CD peut bien être livré en France. Suite à cet arrêt fondamental de la CJUE, il faudra suivre de près comment il sera « réceptionné » par les juridictions nationales. La tendance actuelle des juges français est bien souvent d’exiger non seulement la livraison du produit contrefaisant en France mais aussi un contenu du site ciblé vers le marché français (voir encore cet arrêt du 12 février 2013 de la chambre commerciale de la cour de cassation ici).

La question de la compétence du juge en Europe reste délicate et une étude minutieuse du dossier est indispensable avant de saisir trop rapidement un juge qui risque de se déclarer incompétent.

Eric Le Quellenec
Avocat spécialiste en droit des nouvelles technologies, de l’informatique et de la communication.
http://www.lamon-associes.com/

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