Toutefois, cette position doit être nuancée car il n’est pas rare qu’un geste violent d’un salarié trouve sa source dans une nécessité de se défendre.
N’importe quel salarié peut un jour être confronté à une agression de la part d’un collègue ou d’un client.
En raison de l’effet de surprise et de l’impossibilité de fuir, la victime ne peut compter que sur l’usage de la force pour se défendre.
On peut donc se demander si le droit du travail n’admet pas une forme de légitime défense.
La question mérite d’être posée car il est inconcevable pour un salarié de perdre son emploi alors qu’il n’a fait que se protéger.
Lorsqu’un salarié s’est battu, il est nécessaire d’analyser le comportement des différents protagonistes ainsi que les circonstances ayant conduit à la rixe.
Chaque affaire est unique et recèle une histoire parfois complexe à juger d’un premier coup d’œil. De nombreux paramètres peuvent aggraver ou excuser le comportement du salarié qui a frappé son agresseur.
Il ressort de certaines décisions que les juges apprécient l’existence ou non d’une légitime défense (Cass. soc., 14 juin 1990, n° 88-43.019, Cour d’appel de Dijon, 21 mars 2013, n° 12/00534 et Cour d’appel de Douai, 26 février 2016, n° 15/00653).
Un licenciement pour faute grave a même été validé au motif que le salarié n’était pas en mesure de prouver que les coups relevaient d’un état de légitime défense (Cour d’appel de Colmar, 09 mai 2019, n° 17/01931).
Lorsque les violences ont fait l’objet de poursuites pénales, les suites de cette procédure peuvent être déterminantes si le salarié qui s’est défendu souhaite contester son licenciement.
En effet, lorsque la légitime défense a été reconnue par une juridiction pénale, il est difficile de justifier le licenciement d’un salarié qui n’a fait que se protéger (Cour d’appel de Dijon, 12 décembre 2013, n° 12/01579).
La tendance générale qui se dégage de la jurisprudence est que les violences exercées pour contrer une agression doivent être la solution de dernier recours.
On peut toutefois noter que les Conseils de prud’hommes et les Cours d’appel font preuve d’une grande exigence envers les salariés qui se sont défendus par la manière forte.
Il sera plus difficile de reprocher une faute à un salarié qui aura tenté d’éviter les violences à tout prix, notamment en n’adoptant pas d’attitude agressive ou provocatrice ou encore en essayant de calmer l’agresseur.
Par exemple, il a été décidé qu’un salarié ne pouvait être fautif pour avoir porté des coups à son agresseur alors qu’il avait refusé une invitation à se battre et qu’il n’avait pas répliqué à une première vague de violences. Dans un tel contexte, il était impossible pour le salarié de se protéger sans utiliser la force (Cour d’appel de Rennes, 15 mars 2019, n° 16/09463).
De plus, une attention particulière sera portée sur l’absence d’antécédents de violences. Un salarié qui n’a jamais été sanctionné pour un comportement agressif sera bien plus crédible qu’un salarié habitué à régler des conflits avec ses poings.
Également, des fonctions importantes dans l’entreprise (un cadre doit donner l’exemple) ou des fonctions impliquant une formation sur la gestion des conflits (un agent de sécurité doit savoir se maîtriser) entraîneront une plus grande sévérité dans l’appréciation des faits.
En toute hypothèse, le geste de défense doit demeurer nécessaire et proportionné. Le but est de mettre fin à une situation de danger et non de l’entretenir ou de l’aggraver.
Même victime d’une agression, le salarié doit garder un minimum de sang-froid et ne surtout pas répliquer pour se venger ou défendre son honneur.
Le pire exemple à prendre pour se défendre serait les films d’action...
Il vaut mieux se contenter de repousser ou de maîtriser son agresseur sans le blesser, puis de prendre ses distances dès que possible plutôt que de lui asséner une volée de coups afin de lui donner une bonne leçon.
Pour illustration, est justifié le licenciement d’un salarié qui, après avoir reçu un coup au visage, avait poursuivi son agresseur avec d’autres collègues tout en étant en possession d’une arme pour ensuite lui donner plusieurs coups (Cour d’appel de Paris, mai 2018, n° 16/13521).
On peut encore rajouter que celui qui se défend ne doit pas avoir été à l’initiative de la situation ayant conduit à l’agression (Cass. soc., 17 nov. 2010 n° 09-41.399 et Cour d’appel d’Angers, 10 janvier 2019, n° 16/01855). Pousser à bout son agresseur par des propos blessants ou des insultes enlève toute légitimité au geste de défense.
Évidemment, le licenciement est justifié lorsque le salarié qui prétend s’être défendu a en réalité porté le premier coup. Par exemple, un salarié sera rarement excusé pour avoir donné une gifle afin de répondre à des insultes ou des cris.
En conclusion, malgré quelques décisions favorables aux victimes d’agressions, il est très difficile pour un salarié de se défendre sans risque de perdre son emploi.
Les exigences de la jurisprudence sont très théoriques car elles demandent à un salarié en situation de danger de réagir avec autant de maîtrise et de sérénité qu’un moine bouddhiste.
Or, il est très difficile de rester rationnel et mesuré lorsqu’un individu veut porter atteinte à votre intégrité physique.
Discussions en cours :
Merci c’est bon à savoir je me posait la question moi qui travail dans le commerce et qui ait l’habitude des clients agressif.
Éviter le conflit et ne se défendre seulement en dernier recours logique
Merci pour cet article car Il montre la complexité du problème. Je me retrouve en mise à pied à titre conservatoire pour fautes graves, suite à un harcèlement en paroles sans fin, j’ai été voir cette personne pour lui dire qu’elle arrête ces propos et celà a continué, et un jour à la suite de "tu ne travailles pas beaucoup toi", qui faisait suite à d’autres propos, j’etais assez touché par ces phrases dites gratuitement et je me suis retrouvé face à cet individu le tenant par ses vêtements et lui demandant expressément s’arrêter. Il est aller voir les cadres et J’ai été convoqué 3jours après par la directrice.