Dans un pays pétri de liberté où le droit de propriété et la liberté d’aller et venir ont encore un sens, de même que la jurisprudence du Conseil d’Etat sanctionnant les interdictions administratives générales et absolues, cela a de quoi faire réagir, surtout pour ceux qui vivent ou travaillent dans une ZAPA dont le véhicule sera brutalement interdit de circulation !
Ces décrets, qui découlent de la Loi Grenelle II du 12 juillet 2010, constituent une première étape, car ils institutionnalisent les ZAPA visant à bannir des grandes villes les véhicules polluants. Prévues pour trois ans à titre expérimental, elles pourront être renouvelées. De quels véhicules s’agit-il et comment cela va-t-il fonctionner ?
Le décret 2012-237, indique clairement en préambule qu’afin "de lutter contre la pollution atmosphérique, les communes et groupements de communes de plus de 100 000 habitants peuvent instituer, à titre expérimental, des zones d’actions prioritaires pour l’air, dont l’accès est interdit aux véhicules les plus polluants".
L’idée de réduire la pollution a de quoi séduire, mais la mise en œuvre des ZAPA risque d’être difficile car près d’un tiers du parc automobile se trouverait hors la loi dans ces zones. Paris, Saint-Denis, Lyon, Nice, Clermont-Ferrand, Aix-en-Provence, Bordeaux et Grenoble sont déjà candidates. Les décrets prévoient que ces zones peuvent être mises en place dans ces communes ou groupement de communes qui définissent les restrictions et interdictions de circulation pour les véhicules en fonction de "leur niveau d’émission de polluants atmosphériques".
Un texte d’application devra encore fixer avec précision la liste des véhicules faisant l’objet de dérogations. Mais le décret 2012-238 prévoit déjà des dérogations pour les "véhicules d’intérêt général" tels que les véhicules de pompier et d’ambulance, les "véhicules du ministère de la défense" et les "véhicules portant une carte de stationnement pour personnes handicapées".
C’est le ministre de l’écologie qui a préparé une nomenclature des véhicules selon la pollution émise, visée dans le nouvel article R. 318 du Code de la route. Toutefois, elle n’a pas encore été adoptée par arrêté ministériel.
Ce projet de nomenclature, fondé sur les normes "Euro" de l’Union Européenne, a pour conséquence de rendre inéligibles et donc de bannir des ZAPA les voitures et véhicules légers construits avant le 30 septembre 1997, les motos construites avant le 30 juin 2004 et les poids lourds et autocars construits avant le 30 septembre 2001. Comme cela a été souligné par une étude de 2009 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEM), les véhicules interdits de ZAPA se compteraient en millions et représenteraient 38% des automobiles, 43% des véhicules utilitaires légers et 57% des poids lourds et 64% des bus et autocars.
Rien n’est prévu sur le plan financier pour permettre à des personnes retraitées ou aux revenus modestes, qui possèdent une voiture antérieure à 1997 de la remplacer par un véhicule récent plus propre, de même que pour les PME qui devront renouveler leur flotte d’utilitaires. Mais, les sanctions sont déjà prévues par le décret n° 2012-237 créant l’article R. 411-19-1 du Code de la route. Les peines applicables en cas d’infraction aux mesures d’interdiction ou de restriction de circulation dans ces zones sont : une amende de 135 euros pour les camions (contravention de 4ème classe) et une de 68€ pour les automobiles, deux roues et autres véhicules (contravention de 3ème classe). Dans tous les cas, l’immobilisation du véhicule est possible. La mise en place des ZAPA ne va pas être facile, mais peut-être pourrons-nous nous inspirer de Berlin ou Stockholm qui ont mis en place de telles zones.
Nul doute que la mise en place des ZAPA va générer un contentieux abondant, surtout lorsque des avocats se feront verbaliser au cœur d’une ZAPA au volant de leur automobile d’avant 1997 ou au guidon de leur moto d’avant 2004 !