L’enjeu est à la mesure de l’engouement porté à ce mode légal de rupture amiable du contrat de travail : sécuriser les ruptures conventionnelles en hausse constante [1].
L’intention des Hauts Magistrats est claire : assurer la pérennité des ruptures conventionnelles en fixant leurs conditions d’annulation et maintenir une nécessaire protection des droits du salarié.
I – Les arrêts du 23 mai 2013 n° 12-1365 et du 3 juillet 2013 n° 12-19 268 : le vice du consentement condition de fond d’annulation de la rupture conventionnelle
S’appuyant sur les dispositions de l’article L1237-11 du Code du travail qui dispose :
« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ».
Les juges du fond se sont divisés sur la question de savoir dans quel cas le consentement des parties n’aurait pas été libre justifiant l’annulation postérieure de la rupture conventionnelle signée entre les parties.
Certains juges du fond ont considéré qu’un conflit préexistant par exemple sur le non-paiement de salaire était suffisant pour justifier l’annulation de la rupture conventionnelle sur le non-paiement de salaire [2]
D’autres cours d’appel ont au contraire considéré qu’un avertissement de l’employeur [3] ou un courrier de reproches de sa part [4], ne démontrait pas que le consentement du salarié aurait été vicié, les juges du fond refusant alors de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle sollicitée par le salarié.
Enfin, certains juges du fond ont exigé la persistance d’un conflit dans le temps [5].
Ces divergences de jurisprudence des cours d’appel ont perduré durant l’année 2013 :
Selon certaines cours d’appel le législateur n’aurait pas « interdit le recours à la rupture conventionnelle en cas de litige opposant les parties antérieurement ou concomitamment à la signature de la convention de rupture » [6].
Pour d’autres cours d’appel le seul contexte litigieux dans lequel est intervenue la rupture conventionnelle sans entretien préalable véritable [7] ou avec un avertissement notifié concomitamment à la signature de la rupture conventionnelle par l’employeur [8] justifierait l’annulation de la rupture conventionnelle.
En mai 2013, la Cour de cassation a mis un terme à ces divergences en précisant :
« mais attendu que, si l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L 1237-11 du Code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties » [9].
La Cour de Cassation a tranché en faveur d’un durcissement des conditions d’annulation de la rupture conventionnelle : la seule preuve d’un conflit antérieur ou préexistant à la signature de la rupture conventionnelle ne suffit pas en elle-même à entacher la rupture conventionnelle de nullité : « l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention ».
Position stricte néanmoins atténuée par la Haute Cour qui rappelle le principe directeur de la rupture conventionnelle à savoir la liberté du consentement des parties : « la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties » , consentement dont les juges du fond devront dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation vérifier qu’il n’a pas été altéré.
Ainsi, il appartient au salarié qui sollicite la nullité de la rupture conventionnelle d’établir que son consentement a été vicié conformément aux dispositions de l’article 1109 du Code civil « Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ».
Ce sera le cas des situations de harcèlement moral caractérisé [10], comme ce fut le cas de l’arrêt de cassation précité du 23 mai 2013 les juges du fond ayant relevé le comportement menaçant et la pression de l’employeur sur la salariée dont le consentement avait été vicié selon les juges.
Ce sera également encore le cas du salarié en arrêt de travail pour maladie dont la rupture conventionnelle a été signée avant la visite de reprise « ce qui caractérise une situation de contrainte, (…) la rupture amiable étant ainsi intervenue en période de suspension du contrat de travail sans que la salariée soit mise en mesure de se faire assister, ce qui caractérise la précipitation qui pèse sur la liberté de consentir [11].
Mais aussi comme cela était jugé pour la rupture conventionnelle signée le même jour que la visite de reprise « Mais attendu que la cour d’appel a souverainement estimé que la salariée était au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence et des troubles psychologiques qui en sont résulté » [12].
De même que ne devrait pas être remis en cause la jurisprudence annulant les ruptures conventionnelles conclues avec un salarié accidenté du travail [13], les juges du fond caractérisant à la fois un état de faiblesse du salarié fragilisé par son accident et le non respect du principe de non-discrimination du salarié en raison de son état de santé [14].
II – Les précisions de la cour de cassation sur les conditions de forme de la rupture conventionnelles : l’ordre public et la protection du salarié
Les dispositions relatives à la rupture conventionnelle sont d’ordre public et il n’appartient pas aux parties d’en définir des règles dérogatoires.
1er arrêt : Cour de Cassation chambre sociale 26 juin 2013 n° 12-15208.
La clause d’une convention de rupture conventionnelle mentionnait la renonciation des parties à tout recours contrairement aux dispositions de l’article L 1237-11 du Code du travail.
La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir prononcé l’annulation de cette clause et confirme que l’annulation de cette seule clause irrégulière ne remet pas en cause la validité de la rupture conventionnelle.
2ème arrêt : Cour de cassation chambre sociale arrêt du 6 février 2013 n°11-27000.
Il est impératif de remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle qu’il a signée d’une part pour qu’il puisse en demander l’homologation comme l’employeur article L 1237-14 du Code du travail et d’autre part pour lui permettre d’exercer son droit de rétractation en connaissance de cause.
À défaut, la rupture conventionnelle doit être annulée.
Lire aussi :
Annulation de rupture conventionnelle pour détournement de procédure : accident du travail et contexte conflictuel (https://www.village-justice.com/articles/annulation-rupture-conventionnelle,14447.html) ;
Annulation des ruptures conventionnelles (2) : les récentes atteintes aux droits des salariés (https://www.village-justice.com/articles/Annulation-ruptures-conventionnelles,11686.html) ;
Annulation des ruptures conventionnelles (1) : la protection renforcée des droits des salariés( https://www.village-justice.com/articles/Annulation-ruptures-conventionnelles,11283.html).
Discussion en cours :
Bonjour,
Nous venons de recevoir un contrat qui permet de maintenir notre activité. Celui-ci arrive en retard, et n’était plus espéré, notre salarié avait donc proposer, pour nous éviter des frais qui auraient entraîner la fermeture de l’entreprise (trésorerie très basse), de procéder à une rupture conventionnelle. La demande d’homologation a été envoyée, hors avec ce nouveau contrat nous souhaitons l’annuler et conserver notre salarié. Peut-on se contenter de contacter la DIRECCTE pour signifier notre volonté commune d’annuler la demande ?
Par avance merci !
Arnaud