Contrefaçon : des mesures répressives… et préventives. Par Isabelle Merten.

Contrefaçon : des mesures répressives... et préventives.

Par Isabelle Merten.

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Explorer : # contrefaçon # lutte anti-contrefaçon # sécurité des consommateurs # propriété intellectuelle

Auparavant bornée aux secteurs du luxe et de la mode, la contrefaçon est devenue en quelques années un fléau touchant tous types de produits de consommation. De la répression à la prévention, retour sur les solutions existantes.

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L’explosion de la contrefaçon

Pionnière en matière de lutte contre la contrefaçon, la France est le premier pays à réagir légalement en ce sens [1]. Il y a vingt ans, l’hexagone était déjà plus touché que d’autres nations par ce phénomène, alors circonscrit aux domaines de la mode et du luxe, deux secteurs particulièrement florissants en France.

Aujourd’hui, les choses ont bien changé. La contrefaçon, longtemps considérée comme un problème incontournable à l’international, a pris une ampleur considérable. Loin de s’arrêter à la mode et au luxe, la fraude revêt aujourd’hui de multiples visages. Désormais, les articles contrefaisants sont partout : médicaments, pièces détachées pour voitures, petit électroménager, téléphones, cigarettes, cosmétiques, jouets pour enfants… A la problématique première d’image de marque se sont ajoutées celle de l’économie (pertes pour les entreprises comme pour l’Etat, coûts de la lutte, perte d’emplois…) et, plus encore, celle de la sécurité des consommateurs.

En effet, les chiffres sont inquiétants. Entre 1994 et 2013, les articles saisis par les douanes en France sont passés de 200 000 à 7,6 millions (hors tabac) [2] [3]. En 2010, un rapport de l’Union des fabricants (association luttant pour la protection internationale de la propriété intellectuelle) estimait la perte pour les entreprises françaises à 6 milliards d’Euros par an. Pour l’ensemble des pays du G20, la perte financière était alors évaluée à 100 milliards d’Euros par année (dont 70 milliards de pertes de taxes étatiques, 20 milliards pour la lutte contre les réseaux, et 14,5 milliards alloués aux décès liés aux contrefaçons) [4].

Une législation répressive

Néanmoins, la contrefaçon n’est pas seule à s’être adaptée au marché : la lutte prend, elle aussi, de nouveaux aspects. En France, les actions d’institutions puissantes telles que le Comité Colbert (regroupement d’entreprises du domaine du luxe), ou l’Union des fabricants (UNIFAB), a accéléré la riposte. Avec un délit pénal passible de trois à cinq ans d’emprisonnement et 300 000 à 500 000 Euros d’amende, la législation française figure parmi les plus répressives de l’Union européenne [5]. Les dispositions légales sont régulièrement améliorées, attribuant une plus large capacité d’action aux douanes, premier acteur sur le terrain physique… et virtuel. Internet a en effet décuplé la commercialisation des contrefaçons : en 2006, sur les 3,6 millions d’articles interceptés, 75 000 proviennent du Web. En 2009, c’est un million sur les sept millions de produits saisis qui émanent d’Internet. C’est ainsi qu’est née la division Cyberdouane en février 2009 [6].

De la même manière, l’adoption, le 26 février dernier, de la loi renforçant la lutte contre la contrefaçon a permis d’étendre les champs d’action des fonctionnaires des douanes. Ils peuvent désormais accéder aux centres de tri postaux ou aux locaux d’entreprises de fret express, dès lors qu’ils nourrissent un soupçon concernant la nature des colis y séjournant [7]. Les entreprises françaises peuvent, par ailleurs, faire une requête d’intervention auprès des douanes. Cette procédure – gratuite – est envisagée comme un partenariat : les sociétés transmettent des informations sur leurs produits afin que les fonctionnaires des douanes puissent plus facilement repérer des articles potentiellement contrefaisants. Ils peuvent alors les retenir pour une durée maximale de dix jours afin de déterminer, conjointement avec l’entreprise concernée, leur légalité.

La prévention au service des marques

En matière de prévention aussi, les possibilités se sont accrues. Au-delà des nécessaires campagnes de sensibilisation à destination du grand public, mises en place notamment par le Comité national anti-contrefaçon (CNAC) – coalition des acteurs des secteurs public et privé impliqués –, la prévention est également l’affaire d’entreprises mettant leur savoir-faire au service de la protection de leur marque ou des autres marques.

La marque Grohe, spécialiste des systèmes sanitaires et accessoires de salle de bains, s’est ainsi engagée seule dans une ambitieuse politique de lutte anti-contrefaçon de ses produits portant notamment sur la qualité des produits et sur la garantie. Pour Simon G. Shaya, PDG de Grohe Est Méditerranée, Moyen-Orient et Afrique «  Les efforts ne servent pas uniquement à préserver les droits déposés de la compagnie mais à protéger aussi les utilisateurs et les propriétaires contre des accessoires de qualité inférieure qui pourraient même constituer un danger pour la santé dans certains cas extrêmes ». Mais les marques ne sont pas forcément seules dans cette lutte. Et d’autres entreprises se sont faites une spécialité de la lutte contre le phénomène.

Ainsi Novagraaf, spécialiste de la propriété intellectuelle, née en 2000 de la fusion de Markgraaf et de Novamark – créées respectivement en 1888 et 1954 – propose à ses clients une large gamme de services, outils et conseils. Le groupe se positionne aujourd’hui comme l’un des acteurs majeurs paneuropéens de la propriété intellectuelle. En France, ce sont ses deux entités, Novagraaf France et Novagraaf Technologies qui proposent leur expertise, visant aussi bien les marques que les brevets, les dessins et modèles, les noms de domaines, mais également les droits d’auteur et la stratégie d’entreprise. « Notre offre concerne autant les marques que les brevets, contrairement à la plupart de nos confrères qui, soit consacrent 80 % de leurs activités aux brevets pour des raisons historiques d’évolution de notre profession réglementée, soit se sont essentiellement spécialisés en marques ou brevets pour les cabinets les plus récents », confie Jean-Louis Somnier, Directeur général de Novagraaf Technologies [8].

La protection des marques peut également prendre un aspect plus technique avec le recours à des moyens de sécurisation authentifiant les produits. C’est l’une des missions que se fixe Oberthur Fiduciaire. Créée en 1842, Oberthur est d’abord une imprimerie prospère. Au début des années 1980, en grande difficulté, Oberthur recentre son activité autour de l’impression fiduciaire (billets) et de haute sécurité (documents administratifs : timbres, certificats...). Aujourd’hui classée dans le top trois mondial des imprimeurs de billets, Oberthur Fiduciaire a, depuis, mis son savoir-faire au service de la lutte anti-contrefaçon, pour les autorités internationales comme pour les sociétés désirant protéger leurs marques : « Nous soutenons depuis de nombreuses années les entreprises et leurs marques dans leur lutte contre les contrefaçons (…). [Notre] objectif est de favoriser les échanges entre les instances légales (…) et les entreprises qui proposent des solutions permettant de prévenir la contrefaçon en amont » indique Michel Pays, le directeur de la division Fiduciaire Services d’Oberthur Fiduciaire, en mars 2012 [9].

Sur internet, la cyber-contrefaçon est devenue le nouveau cheval de bataille des pureplayers du web. Annabelle Gauberti, Avocat au barreau de Paris, cite [10] ainsi « Asly, une solution pour combattre la contrefaçon au Moyen Orient, ainsi que Envisional et Netnames, deux entreprises spécialisées dans la détection, la prévention et la lutte contre les dangers de la contrefaçon en ligne et le piratage, semblent être à la pointe de cette industrie de services dédiés à la lutte contre la cyber-contrefaçon, en pleine essor et indispensable. »

La lutte contre la contrefaçon s’organise méthodiquement. A son point « faible » – la concentration de sociétés dans le domaine du luxe et de la mode, et par conséquent le nombre de produits potentiellement visés –, la France oppose un atout majeur : la volonté de défense de son exception culturelle à la française.

I. Merten, spécialiste technologies de sécurité et SI

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Notes de l'article:

[4« La contrefaçon coûte 6 milliards aux entreprises », Le Figaro, 12 avril 2010 http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/04/13/04016-20100413ARTFIG00004-la-contrefacon-coute-6-milliards-aux-entreprises-.php

[5Comment lutter efficacement contre la contrefaçon dans les secteurs de la mode et du luxe ?, Les Echos, 25 avril 2014 http://lecercle.lesechos.fr/entrepreneur/juridique/221195085/comment-lutter-efficacement-contre-contrefacon-secteurs-mode-et-lux

[6« La contrefaçon sur Internet, un fléau européen », Le Figaro, 14 octobre 2010 http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/10/03/01016-20101003ARTFIG00249-la-contrefacon-sur-internet-un-fleau-europeen.php

[7Contrefaçon : l’Union européenne et la France renforcent la loi, Les Echos, 14 mars 2014 http://lecercle.lesechos.fr/entrepreneur/juridique/221193508/contrefacon-lunion-europeenne-et-france-renforcent-loi

[8Novagraaf France, l’innovation sous protection rapprochée, Commerce International, le 1er décembre 2010 http://www.actu-cci.com/technologies-innovations/11600-novagraaf-france-l-innovation-sous-protection-rapprochee

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