Droit des sociétés : l’impact de la réforme du droit des contrats sur les pactes d’associés.

Par Alexandra Six et Dimitri Lecuyer, Avocats.

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Explorer : # réforme du droit des contrats # pactes d'associés # exécution forcée # révision pour imprévision

Instrument d’une redoutable efficacité pour, notamment, fixer les règles de gouvernance et organiser les rapports entre associés au sein des sociétés, le pacte d’associé - ou pacte d’actionnaire - est dès à présent impacté par cette réforme qui vise le droit des contrats.

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L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général de la preuve et des obligations est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
Dans l’attente de la loi de ratification de cette ordonnance, ses dispositions restent en vigueur avec un caractère réglementaire.

Instrument d’une redoutable efficacité pour, notamment, fixer les règles de gouvernance et organiser les rapports entre associés au sein des sociétés, le pacte d’associé - ou pacte d’actionnaire - est dès à présent impacté par cette réforme qui vise le droit des contrats.

Ces implications sont pléthoriques mais on peut en retenir au moins deux.

Tout d’abord, l’ordonnance du 10 février 2016 consacre le principe légal d’exécution forcée des engagements.
Or, on sait que les pactes d’associés ou pactes d’actionnaires prévoient de nombreux mécanismes, tels que les clauses de droit de préemption, droit de sortie conjointe, obligation de sortie conjointe, etc., qui s’analysent juridiquement en des promesses unilatérales de vente ou d’achat d’actions de la société.

Or, jusqu’à présent, la jurisprudence, dans la grande majorité des cas, refusait d’octroyer à ces promesses leur plein efficacité juridique en sanctionnant leur non-respect par l’associé violant son engagement de céder ou d’acquérir par le simple octroi de dommages et intérêts et non pas en l’exécution forcée de la promesse.

En d’autres termes, si l’associé qui s’est engagé à céder ou acquérir des titres sociaux ne respecte pas son engagement, l’associé bénéficiaire de la promesse ne pouvait véritablement espérer le contraindre à réaliser la cession, se contentant de dommages-intérêts.

Les praticiens avaient tenté de contourner cette jurisprudence en inscrivant dans les pactes des clauses d’exécution forcée ; mais la jurisprudence s’est souvent montrée réticente à donner à ces clauses leur plein effet juridique préférant encore s’en tenir à la sanction par des dommages-intérêts.

Le nouvel article 1124 du Code civil prévoit désormais expressément que la rétractation du promettant pendant le délai de l’option ne doit pas empêcher la formation du contrat.

Ce nouvel article prend clairement le contrepied de la jurisprudence susvisée puisque désormais, en ce qui concerne les promesses de cession dans les pactes d’associés ou pactes d’actionnaires, si l’associé promettant rétracte son offre de vendre ou d’acheter et que le bénéficiaire de la promesse lève malgré tout l’option d’acheter ou de vendre les actions après cette rétractation, mais dans le délai d’option prévu au contrat, alors la vente des actions sera valablement formée, malgré la rétractation.

Il sera donc désormais possible d’obtenir en justice l’exécution forcée d’une telle vente.

Ce changement impacte nécessairement les pactes d’associés et d’actionnaires et invite les praticiens à adopter une approche nouvelle permettant d’assurer l’équilibre des forces entre les parties.

Ensuite, l’ordonnance du 10 février 2016 consacre le principe de la révision pour imprévision.

L’article 1195 nouveau du Code civil rejette la fameuse jurisprudence du Canal de Craponne qui avait refusé d’admettre la révision du contrat du juge en cas d’imprévision affectant les contrats privés (Civ. 6 mars 1876).

L’article 1195 dispose désormais que « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion rend l’exécution excessivement onéreuse », une renégociation est possible.

En cas de refus, les parties peuvent convenir de la résolution. A défaut d’accord, le juge peut même réviser le contrat ou y mettre fin.

Deux conditions sont donc exigées :
- Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat qui rend son exécution excessivement onéreuse pour l’une des parties ;
- L’absence d’acceptation de ces risques.

La révision du contrat par le juge était jusqu’alors prohibée.

Il est certain que ce mécanisme nouveau va impliquer une approche nouvelle et qu’il sera dorénavant dans l’intérêt des associés de prévoir au préalable la survenance potentielle d’évènements afin d’éviter que l’ensemble du champ légal puisse s’appliquer et de devoir renégocier l’accord.

Cabinet ELOQUENCE Avocats
Lille et Paris
www.eloquence-avocats.com

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