Facebook jugé par les juridictions françaises... Like !

Par Philippe Riboulin, Avocat.

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Explorer : # compétence juridictionnelle # conditions générales d'utilisation # liberté d'expression # clause abusive

Facebook ne pourra plus se retrancher derrière ses conditions générales d’utilisation pour échapper à la justice française.

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Lors d’un jugement en date du 5 mars 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a donné raison à Maître Stéphane Cottineau, avocat défendant un utilisateur de Facebook qui avait intenté une action judiciaire à l’encontre du célèbre réseau social quant à la compétence des juridictions françaises pour connaître du litige.

Facebook soutenait qu’eu égard aux stipulations de ses conditions générales d’utilisation, il ne pouvait pas être jugé par les juridictions françaises. Pour ce faire, il visait notamment l’article 15 desdites conditions, lesquelles stipulent expressément que "vous porterez toute plainte, action en justice ou contestation ("action") afférente à cette Déclaration ou à Facebook exclusivement devant un Tribunal américain du Northern District de Californie ou devant un Tribunal d’Etat du comté de San Mateo, et vous acceptez de respecter la juridiction de ces tribunaux dans le cadre de telles actions. Le droit de l’Etat de Californie régit cette déclaration, de même que toute action entre vous et nous, sans égard aux dispositions en matière de conflits de lois".

Facebook croyait ainsi être juridiquement suffisamment armé par le biais de cette clause attributive de compétence pour échapper à la justice française. Ce n’était que trop sous-estimer la défense présentée par Maître Cottineau qui a contesté la légalité d’une telle clause.
Les juges ont reçu favorablement cette contestation en ce qu’ils ont estimé que cette clause était abusive.
Cette solution est justifiée si l’on se réfère à un principe général du droit selon lequel nul ne peut déroger, par des conditions particulières, aux principes généraux du droit. Cet adage renvoie au principe de la hiérarchie des normes qui implique qu’une norme de rang inférieur (comme un contrat) ne peut pas contredire une norme de rang supérieur (comme la loi).

Cette question de compétence, soulevée in limine litis, était bien évidemment essentielle dans le cadre du litige car elle permettait d’invoquer la liberté d’expression telle qu’elle est exprimée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’homme et qui garantit le droit de "parler, écrire, imprimer librement".
Puisque à l’origine du litige, c’est la reproduction sur sa page Facebook par un utilisateur de "L’origine du monde" qui a mis le feu aux poudres. Facebook, choqué par la reproduction d’une œuvre d’art montrant un sexe féminin, a suspendu le compte de l’utilisateur qui a alors demandé sa réactivation immédiate et qui a par la suite invoqué une atteinte à la liberté d’expression, ce qui a cristallisé le litige.

En conséquence, Facebook ne peut donc pas faire abstraction des dispositions applicables en matière de conflits de lois par le biais d’une clause. En droit français, l’article 14 du Code civil instaure un privilège de juridiction en disposant que "l’étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les juridictions de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français".

Si cet article traite des personnes physiques, il peut parfaitement s’appliquer à l’encontre de Facebook, société de droit américain, implantée à Menlo Park en Californie, qui contracte bien des obligations envers les internautes français par le biais de l’acceptation par les utilisateurs de ses conditions générales d’utilisation.

Il était également possible de rattacher la compétence du juge français par le biais de l’article 46 du Code de procédure civile. En effet, selon celui-ci, il est possible en matière contractuelle de saisir la juridiction du lieu de l’exécution de la prestation de service.

Même s’il ne s’agit que d’un jugement dont il est difficile à l’heure actuelle d’évaluer la portée jurisprudentielle, Facebook devrait d’ores et déjà commencer à revoir sa copie au risque de se voir condamné à mettre ses conditions générales d’utilisation en conformité avec le droit français.

Le réseau social ne "likerait" probablement pas cela...

Philippe Riboulin

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