Par jugements du 19 novembre 2010, le Conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT en sa formation de départage a dit et jugé que le licenciement pour faute grave de deux salariées était justifié, en raison de propos tenus sur FACEBOOK dénigrant leur supérieur hiérarchique.
Les faits reprochés aux salariés dans la lettre de licenciement (qui fixe les limites du litige) étaient les suivants :
« Le 1er décembre 2008, des salariés choqués par des propos tenus sur FACEBOOK de M……, nous ont édités puis communiquer les conversations échangées.
Le contenu de ce site est une incitation à la rébellion envers votre hiérarchie, le fait d’avoir pris part à cet échange démontre que vous cautionnez la teneur de ces conversations (…) »
D’un point de vue procédurale, l’affaire a été mise en départage, cela signifie que les Conseillers prud’hommes (2 représentants employeurs/2 représentants salariés) n’ont pas réussis à trancher le litige, ce qui a nécessité de plaider une nouvelle fois l’affaire devant un magistrat professionnel (le Juge départiteur). La décision n’est pas définitive puisqu’elle a été frappée d’appel.
Toutefois, la motivation du Conseil de prud’hommes mérite quelques observations :
Sur le mode de preuve : les échanges de commentaires dénigrant la supérieure hiérarchique, qui se faisaient sur la page FACEBOOK d’un collègue de travail, ont été révélés à d’autres salariés puisque ce dernier avait décidé d’ouvrir sa page FACEBOOK « aux amis de ses amis ». Un salarié a donné à la Direction copie de ces échanges dont il avait accès via son compte FACEBOOK.
Selon le Conseil de prud’hommes, le mode d’accès à FACEBOOK dépasse la sphère privée puisque de nombreux collègues de travail y ont accès.
Sur ce seul argument, le Conseil de prud’hommes considère que le mode de preuve (la production d’extrait de la page FACEBOOK d’un salarié) est licite, ne violant pas le droit au respect de la vie privée.
Si la jurisprudence est dorénavant bien établie concernant l’utilisation des messageries, d’Internet et de l’outil informatique dans l’entreprise, la question des nouveaux outils d’Internet (Twitter, Facebook, Viadeo…) n’a pas encore donnée lieu à des arrêts de la Cour de cassation.
La question essentielle est de savoir s’il s’agit de moyen de communication public ou privée. Les paramétrages permettent de rendre public certaines données ou information. Encore faut-il que les utilisateurs occasionnels en aient connaissance !
C’est sur ce point que la Cour d’appel risque de réformer cette décision en considérant que les salariées licenciées n’avaient pas forcement accès à l’information sur l’absence de confidentialité de la page FACEBOOK de leur collègue.
Sur le fond, les salariées reconnaissent les propos visant à dénigrer leur hiérarchie mais considèrent qu’il s’agit d’une « plaisanterie », notamment du fait de la présence de smiley. Le Conseil considère qu’il s’agit d’un abus du droit d’expression de l’article L.1121-1 du Code du travail en raison de leur poste (Chargées de recrutement, Statut Cadre).
Il s’agit là d’une position à mon avis conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière pour les Cadres, dont la liberté d’expression est nécessairement plus limitée en raison de leur devoir de réserve plus important.
Même en dehors du travail, un salarié est tenu à une obligation de loyauté et de réserve.
En guise de conclusions : l’obligation de loyauté et de réserve pour les propos tenus sur des sites ayant vocation à être diffusés (et dont les paramètres de diffusions échappent aux utilisateurs) se trouve renforcée dans l’attente de l’issue de la procédure. Quant à la recevabilité du mode de preuve, la sphère de diffusion (« aux amis de mes amis ») pourrait être qualifiée soit de public comme l’a interprété le Conseil de prud’hommes, soit de privée (en raison d’une liste limitative) le rendant irrecevable. La problématique de l’information préalable des utilisateurs du compte sur la sphère de diffusion pourrait être également soulevée.
Arnaud PILLOIX
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