Lorsque les mots d’une Cour d’appel dépassent sa pensée au sujet d’un responsable syndical... censure pour manque d’impartialité !

Par Laurent Vovard, Avocat.

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Explorer : # impartialité judiciaire # licenciement abusif # droits des travailleurs # responsabilité syndicale

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le droit à un procès équitable donne lieu à une abondante jurisprudence en matière pénale mais également dans les autres branches du droit. Illustration en droit social par un arrêt récent de la chambre sociale de la Cour de cassation du 8 avril 2014 (n°13-10209), publié au bulletin, sur le droit à être entendu par un Tribunal « indépendant et impartial »…

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Un salarié – qui avait exercé un certain nombre de responsabilités syndicales au sein d’une entreprise – avait été mis à la retraite par son employeur. Ce salarié a sollicité de la juridiction prud’homale qu’elle requalifie sa mise à la retraite d’office en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’Appel de Nouméa a rejeté sa demande en faisant état de motifs qui traduisent assez bien le ressenti du conseiller rédacteur :

« durant des années, M. X... a su tirer profit de son statut syndical pour obtenir de son employeur des avantages "sur mesure" de toute nature qui s’apparentent à de véritables "privilèges" ; que dès lors, il est aisé de comprendre qu’il ne voulait pas les voir disparaître du jour au lendemain du fait de sa mise à la retraite ; qu’au vu de ces éléments, les prétentions exorbitantes de M. X..., qui après avoir accepté l’ensemble de ces conditions et privilèges, vient contester sa mise à la retraite au double motif que d’une part, il doit rembourser le crédit immobilier de sa maison d’habitation et que d’autre part, la décision lui aurait été notifiée avant son 65ème anniversaire révolu à un ou deux jours près, apparaissent quelque peu indécentes »

Toutefois, et logiquement, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure la décision au visa de l’article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, rappelant que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.

Elle estime :

« Qu’en statuant ainsi, en des termes incompatibles avec l’exigence d’impartialité, la cour d’appel a violé le texte susvisé »

Rappelant ainsi qu’un minimum d’habillage est nécessaire !

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 26 avril 2014 à 09:16
    par Benoît Van de Moortel , Le 25 avril 2014 à 16:23

    Cet arrêt de cassation n’est pas sans rappeler celui de la 3ème chambre civile du 4 juillet 2007 (n° 06-13738) qui, au même visa et pour le même motif, infligeait la même "punition" à la Cour d’appel de Paris dont les mots avaient certainement, là aussi, dépassé la pensée de son conseiller rédacteur. La justiciable, objet de cette peu amène pensée, était propriétaire d’un studio (en litige avec le syndicat de copropriétaires) mais elle était aussi ... avocate de profession.

    Pour la débouter de son appel et la condamner de surcroît à une amende civile, la Cour de Paris avait retenu "que l’avocate qu’est Mme X... substitue l’invective au raisonnement juridique sensé que l’on pourrait légitimement attendre d’elle, que ses connaissances juridiques sont approximatives, que l’appel de Mme X... est absurde, que cette plaideuse qui fait état à temps et à contre-temps de sa qualité d’avocate dans ses affaires purement privées aurait dû être convaincue à la lecture du jugement entrepris de l’inanité de ses prétentions, que ses connaissances juridiques sont affligeantes ...", ce qui n’était pas non plus charitable pour l’avoué et l’avocat de l’appelante.

    Bien entendu, la Cour de cassation a estimé ces termes "incompatibles avec l’exigence d’impartialité" posée par l’article 6-1 de la Convention européenne et renvoyé la Cour de Paris, autrement composée, à revoir sa copie.

    Les avocats et les syndicalistes ne sont évidemment pas les seules victimes potentielles de ces occasionnels dépassements de pensée, mais il arrive que d’autres motifs de cassation évitent aux juges du fond le désagrément de se voir taxer de partialité lorsqu’ils se sont quelque peu "lâchés". Pour preuve un récent arrêt de la chambre sociale (12 mars 2014 - n° 13-10999), cassant une décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait été saisie par un ministre du culte, salarié d’une association, lequel se plaignait de harcèlement moral et de manquement à l’obligation de sécurité, et poursuivait la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

    Si, dans cette affaire, la cassation intervient pour les motifs traditionnels liés à la charge de la preuve du harcèlement moral, la haute juridiction considère comme "inopérant", entre autres, l’argument retenu par la Cour d’appel, selon lequel " s’agissant de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, l’activité physique d’un ministre du culte étant inexistante, hormis les pas, et peu dangereuse, hormis l’inhalation excessive de fumée de bougie, et le contraire n’est pas démontré en l’espèce, la santé du salarié ne fut jamais mise en danger durant l’exécution de son contrat de travail par suite d’une absence de visite médicale préalable à son exercice ... "

    Si maintenant les juges (du cierge ?) se moquent des gens de robe ...

    Question d’habillage, comme vous dites.

    Benoît Van de Moortel
    Juriste

    • par défenseur prud’homal , Le 26 avril 2014 à 09:16

      Ce n’est absolument pas une question d’habillage .
      Ces magistrats " coloniaux" concernés font état sans aucune pudeur de leur "ressenti" comme vous écrivez joliment, s’agissant de responsables syndicaux qu’ils haîssent , car ils prennent parti systématiquement pour les employeurs - c’est en cela qu’ils sont partisans et donc partiaux.
      C’est aussi simple que cela.

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