Pratique du régime social des indemnités de rupture.

Par Nathalie Kelyor, Avocat

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Explorer : # indemnités de rupture # exonération de cotisations sociales # dommages et intérêts # plafond annuel de la sécurité sociale (pass)

Les modifications apportées par les lois de finances pour 2011 et 2012 dans le traitement social des indemnités de rupture.

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Fiche pratique : le régime social des indemnités de rupture

Les lois de financement pour 2011 et 2012 sont venues modifier le régime social des indemnités de rupture.

Comment donc calculer la part de ces indemnités exonérée de cotisations sociales ?

a. Les indemnités de rupture

Le montant des indemnités de rupture perçues (indemnité de licenciement, indemnité perçue lors d’une rupture conventionnelle, indemnité transactionnelle et indemnité de mise à la retraite) est exonéré de cotisations sociales jusqu’à un plafond exprimé en plafond annuel de la sécurité sociale (PASS).

Le montant du PASS est modifié chaque année par la loi de finance.

La loi de finance peut modifier également le nombre de PASS correspondant au montant du plafond d’exonération.

Ainsi alors, qu’antérieurement à 2011, le plafond d’exonération était fixé à 6 PASS, il a été ramené à 3 PASS en 2011 et à 2 PASS en 2012.

Le montant de 3 PASS correspond à 109 116 euros et celui de 2 PASS à 72 744 euros.
Le montant à retenir est déterminé en fonction de la date de la rupture. Ainsi pour des indemnités versées en 2011 ou en 2012 pour une rupture intervenue en 2011, le montant de 3 PASS sera appliqué.

Cela signifie en clair que le montant perçu aux titres des indemnités de rupture ne pourra être exonéré que dans la limite de 72 744 euros (ou 109 116 euros pour des ruptures intervenues en 2011).

Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Le montant de cette exonération, qui ne pourra excéder de manière générale la limite de 72 744 euros (ou le cas échéant 109 116 euros) ci-dessus, ne pourra être égal qu’au plus élevé des trois montants suivants :

-  le montant de l’indemnité prévu par la convention collective, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi ;

-  deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié l’année civile précédant la rupture ;

-  50% du montant de l’indemnité versée.

Attention : les indemnités de rupture sont souvent négociées en net, soit une somme à laquelle doivent être ajoutés les 8% de CSG CRDS à la charge de l’employeur.

Exemples pratiques de rupture intervenue en 2012 :

• Monsieur Y, dont l’ancienneté est de cinq ans, perçoit un salaire brut mensuel de 2000 euros sur 13 mois, salaire qui n’a pas changé par rapport à l’année précédente.
Sa rémunération annuelle brute de l’année civile précédente s’élève donc à 26 000 euros.

La convention collective qui lui est applicable prévoit une indemnité de licenciement égale à 2/5ème de mois par année d’ancienneté. Son indemnité de licenciement s’élève ainsi à 4000 euros.

Cette somme n’atteint pas la limite de 2 PASS, soit 72 744 euros.

Elle sera exonérée en totalité.

• Si Monsieur Y a, suite à son licenciement, conclu une transaction prévoyant le versement d’une indemnité correspondant à 12 mois de salaire, soit 24 000 euros.

Il aura ainsi perçu au titre de ses indemnités de rupture la somme de 28 000 euros.

Cette somme n’atteint pas la limite de 2 PASS, soit 72 744 euros.

Elle sera exonérée à hauteur du plus élevé des trois montants suivants :

-  le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement, soit 4 000 euros

-  le double de la rémunération annuelle brute de l’année précédant la rupture, soit 52 000 euros.

-  La moitié de l’indemnité versée, soit 14 000 euros.

Le plus élevé de ces montants étant de 52 000 euros, l’intégralité de l’indemnité perçue sera exonérée de charges sociales.

• Monsieur Z est cadre et a perçu une rémunération annuelle brute de 100 000 euros l’année précédant la rupture de son contrat.

Il est licencié et perçoit une indemnité de licenciement de 250 000 euros

Suite à une transaction il perçoit une indemnité transactionnelle supplémentaire de 50 000 euros, soit une indemnité de rupture totale (licenciement + transaction) de 300 000 euros.

Cette indemnité sera exonérée à hauteur du plus élevé des sommes suivantes :

-  indemnité conventionnelle de licenciement : 250 000 euros

-  deux fois la rémunération annuelle brute de l’année précédant la rupture : 200 000 euros

-  la moitié de l’indemnité perçue : 150 000 euros.

L’indemnité sera donc exonérée à hauteur de 250 000 euros.

Doit toutefois encore s’appliquer la limite de 2 PASS, soit 72 744 euros :
300 000 euros – 72 744 = 227 256 euros

L’indemnité perçue sera alors exonérée à hauteur de 72 744 euros et assujettie à cotisations sociales pour 227 256 euros.

Une indemnité élevée pourra désormais devenir extrêmement couteuse pour l’employeur d’autant plus que l’indemnité étant le plus souvent négociée en net, il aura en sus la charge de la CSG CRDS.

b- Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Auparavant, ces dommages et intérêts étaient totalement exonérés de charges sociales et d’impôt sur le revenu, quelque soit leur montant. Seule la CSG CRDS était due était due sur la fraction excédant l’indemnité de 6 mois prévue à l’article L1235-3 du Code du travail.

Désormais, ces dommages et intérêts ne sont plus exonérés que dans la limite de 2 PASS, comme les autres indemnités ci-dessus.

A titre transitoire, il est cependant admis que pour les licenciements intervenus avant le 1er janvier 2011 et contestés après, les limites d’exonération en vigueur au moment du versement de l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle ou à défaut (en cas de licenciement pour faute grave), au moment de la rupture continuent de s’appliquer.

Cela signifie que pour les licenciements survenus avant le 1er janvier, les règles applicables sont celles visant l’exonération totale de charges sociales pour les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Seule la fraction supérieure à six mois de salaire sera soumise à CSG CRDS.

Pour les licenciements intervenus à compter du 1er janvier 2011, la limite d’exonération sera de 3 PASS (106 056 euros en valeur 2011).

Pour ceux intervenus à compter du 1er janvier 2012, cette limite sera de 2 PASS ( 72 744 euros en valeur 2012).

Attention, les plafonds ci-dessus sont applicables après imputation des indemnités déjà versées lors du licenciement (notamment et surtout l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement).

Exemples pratiques :

• Monsieur T, cadre, dont le salaire brut mensuel s’élève à 5000 euros, a été licencié le 30 septembre 2010. Il a accompli deux mois de préavis et a reçu son solde de tout le 30 novembre 2010. A cette occasion lui a été réglée son indemnité légale de licenciement correspondant à 20 000 euros. Il conteste son licenciement et obtient gain de cause par jugement en date du 10 janvier 2012.

Son employeur est condamné à lui verser 18 mois de salaire, soit 90 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette somme est intégralement exonérée de charges sociales. Elle ne sera soumise à CSG CRDS que pour la fraction excédant six mois de salaire, soit pour la somme de 60 000 euros.

• Le même Monsieur T est licencié non pas en septembre 2010 mais en septembre 2011.

Il aura perçu en tout 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 20 000 euros à titre d’indemnité de licenciement, soit un total de 110 000 euros.

Le plafond est ici de 106 056 euros.

110 000 – 106 056 = 3 944

Les indemnités seront alors exonérées à hauteur de 106 056 euros et assujetties à charges sociales à hauteur de 3944 euros. A cela s’ajoutent la CSG et la CRDS.

• Pour le licenciement de Monsieur T en 2012, la fraction exonérée aurait été de 72 744 euros et la fraction assujettie de 37 256 euros.

Me Nathalie KELYOR
Cabinet KELYOR
Barreau de Meaux
41 Quai du Pré Long - 77400 LAGNY SUR MARNE

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Discussions en cours :

  • Quel régime social s’applique aux indemnités spécifiques que perçoit un journaliste parti en clause de cession (départ à l’initiative du salarié mais qui équivaut à un licenciement) compte tenu d’une procédure qui se déroule sur trois années différentes :
    - lettre du journaliste à l’entreprise l’avertissant du départ en clause de cession et lettre de l’entreprise accusant réception en 2011
    - perception par le journaliste de la fraction d’indemnité correspondant à ses 15 premières années d’ancienneté en 2012
    - réunion de la commission arbitrale statuant sur le montant des indemnités valant pour les années supplémentaires d’ancienneté (au-delà des 15 premières) et versement du solde des indemnités en 2013.
    Votre excellent article m’incite à penser que la date de référence serait 2011... sauf que l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), dans une lettre-circulaire datée du 8 juin 2012 (n°2012-76), indique que seule la fraction de l’indemnité correspondant aux 15 premières années d’ancienneté est exclue de la CSG et de la CRDS. Est-ce bien alors cette circulaire qui s’applique ?
    Merci d’avance pour votre réponse.

  • très bien fait votre article
    Hubert DESPAX avocat

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