Rupture conventionnelle : comment échapper au forfait social de 20%, prévu par la loi du 17/12/2012 ? Conclure une transaction !

Par Frédéric Chhum, Avocat

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Explorer : # rupture conventionnelle # forfait social # transaction # licenciement

Environ 1 000 000 de ruptures conventionnelles homologuées ont été conclues depuis le 25 juin 2008, date d’entrée en vigueur des dispositions sur la rupture conventionnelle. Toutefois, les pouvoirs publics sont conscients qu’un certain nombre de ruptures conventionnelles cachent en réalité des licenciements déguisés. A cet égard, ces ruptures conventionnelles dévoyées interviennent souvent pour déguiser des licenciements économiques, lorsque les salariés sont âgés de 58 ou 59 ans et qu’ils ont une ancienneté importante dans l’entreprise.

Pour lutter contre ce phénomène, l’Etat a décidé dans la loi 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, de taxer, par un forfait social de 20%, les indemnités de ruptures conventionnelles non soumises à CSG et dans la limite de 2 plafonds de la sécurité sociale (72 744 euros en 2012 et 74 064 euros en 2013). http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20121218&numTexte=2&pageDebut=19821&pageFin=19856

Il est prévu que cela rapporte 330 millions d’euros dans les caisses de l’Etat.

Toutefois, existe-t-il un moyen de ne pas payer ce forfait social ? La réponse est affirmative et s’appelle la transaction qui est prévue par l’article 2044 du code civil.

En effet, en créant ce forfait social de 20% sur les indemnités de rupture conventionnelle, l’Etat a créé, de fait, une nouvelle niche sociale, puisque les indemnités de rupture dans le cadre d’une transaction ne sont pas soumises à ce forfait social.

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1) Vous avez le choix entre une rupture conventionnelle ou un licenciement !

Depuis l’instauration de la loi sur les ruptures conventionnelles du 25 juin 2008, les salariés se voient, souvent, proposer par leur employeur : une rupture conventionnelle ou un licenciement. Souvent, cette proposition est faite à des salariés âgés et avec une grande ancienneté dans l’entreprise.

Cette proposition doit être prise avec méfiance par les salariés ; en effet, la rupture conventionnelle et le licenciement n’ont pas du tout le même objet.

Pour faire court, la rupture conventionnelle ne nécessite pas de motif (il suffit d’un accord des deux parties) ; elle ouvre droit au salarié, au minimum, à une indemnité spécifique de rupture égale à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. Elle doit être homologuée par la DIRECCTE.

En revanche, le licenciement nécessite, pour l’employeur, de justifier d’une cause réelle et sérieuse (motif personnel ou économique) ; il ouvre droit au salarié à un préavis avec les congés payés afférents et une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (le salarié pouvant contester en justice le motif de rupture, pour obtenir des dommages intérêts pour licenciement abusif).

2) Un forfait social de 20 % sur les indemnités de rupture conventionnelle non soumises à CSG, à compter du 1er janvier 2013

L’article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit le paiement d’un forfait social de 20% sur les indemnités de ruptures conventionnelles inférieures à 72744 euros.

Ce forfait social s’applique uniquement aux indemnités de ruptures conventionnelles exonérées de CSG et dans la limite de 72 744 euros en 2012 (74 064 euros en 2013). Cela concerne en fait l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement dans la limite précitée.

Ce forfait social est payable par l’employeur.

Il sera applicable aux ruptures conventionnelles signées ou homologuées dès la publication de la loi (soit à compter du 19 décembre 2012).

Pour une indemnité de rupture conventionnelle de 80 000 euros (si le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement exonérée de CSG est de 75 000 euros), le forfait payable par l’employeur sera de 72 744 x 20% =14 548 euros, ce qui est important.

3) Comment échapper au forfait social de 20% ? Conclure une transaction !

L’employeur pourra échapper à ce forfait social en recourant à une transaction.

Toutefois, la rupture conventionnelle et la transaction n’ont pas du tout le même objet.

En effet, la rupture conventionnelle est un mode de rupture amiable du contrat de travail ; en revanche, la transaction est destinée à mettre fin à un litige né ou à naître, suite à une rupture du contrat de travail (après une démission, un licenciement, une rupture conventionnelle ou une prise d’acte).

Néanmoins, compte tenu du montant important du forfait social, notamment si l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est élevée (ce qui est, souvent, le cas pour les salariés âgés et ayant une importante ancienneté), les employeurs auront un intérêt (financier) à recourir plutôt à une transaction (après avoir licencié leur salarié) qu’à une rupture conventionnelle homologuée.

Dès lors, le nombre de transaction pourrait augmenter, en 2013, au détriment des ruptures conventionnelles.

On pourrait donc passer des ruptures conventionnelles dévoyées pour déguiser des licenciements à des licenciements dévoyés suivis d’une transaction, pour échapper au forfait social applicable aux ruptures conventionnelles.

A suivre.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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  • Bonjour,

    petite question : nous souhaitons effectuer une rupture conventionnelle avec un de nos salariés (2 ans et demin d’ancienneté) mais nous avons un litige sur le paiment d’heures supplémentaires. Pour régler ce litige avant d’effectuer la rupture conventionnelle (pour éviter la nullité de la rupture), nous lui proposons de faire une transaction avec une indemnité transactionnelle (assez importante) au titre de ces heures.
    Comme vous le dîtes, nous devrons nous acquitter du forfait social à hauteur de 20% pour l’indemnité de rupture conventionnelle mais en-est-il de même pour l’indemnité transactionnelle ?
    Pour information, ce salarié a 2 ans et demi d’ancienneté.

    Merci par avance pour votre réponse

    Cordialement

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