Salariés cadres : combien négocier sa rupture conventionnelle ?

Par Frédéric Chhum, Avocat et Camille Colombo, Elève-avocate.

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Explorer : # négociation rupture conventionnelle # indemnités de licenciement # avantages salariés # procédure de rupture

Ce dispositif se voulait, à l’origine, marginal. Or, personne n’avait anticipé un tel succès : il est devenu l’une des réalisations-phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

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La rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de mettre fin d’un commun accord au contrat de travail. Chacune des parties y trouve son avantage. Par exemple, l’employeur est dispensé des obligations (délais, procédures, préavis…) inhérentes au licenciement, le salarié quant à lui voit des avantages par rapport à une procédure de démission, percevra des indemnités à l’occasion de l’accord et, surtout, sera éligible au chômage.

Pourtant, cette mesure a été largement dévoyée. En effet, désormais, les entreprises convoquent souvent les salariés et leur disent : « C’est une rupture conventionnelle ou un licenciement ! ».

Des entreprises s’en servent, également, pour éviter un plan social coûteux. Ainsi, il n’est pas rare que des entreprises sollicitent cinquante ruptures conventionnelles au cours d’un même mois.

Alors, combien négocier sa rupture conventionnelle ?

I) Quel montant minimum mon employeur doit-il me verser ?

Votre employeur doit vous verser, au minimum, une indemnité spécifique de rupture conventionnelle dont le montant ne peut être inférieur à l’indemnité de licenciement stipulée par la Convention collective applicable dans votre entreprise, ou à défaut, à l’indemnité légale de licenciement.

Cependant, ce montant est un minimum, et est négociable.

II) Quel montant négocier ?

Pour négocier au mieux, il faut se « benchmarker » en fonction de la somme que vous pourriez obtenir en justice en cas de licenciement abusif.

Ainsi, l’indemnité de rupture conventionnelle à négocier devra s’élever à la somme des quatre montants suivants :

1) Le montant de l’indemnité compensatrice de préavis : la durée de votre préavis est prévue par la Convention collective applicable dans votre entreprise (1 à 3 mois selon que vous soyez employé ou cadre) ;

2) L’indemnité de congés payés sur préavis, égale à 10% du montant brut de votre indemnité compensatrice de préavis ;

3) Le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement (au regard de la Convention collective applicable dans votre entreprise) ou, à défaut, de l’indemnité légale de licenciement ;

4) Une indemnité « supra-légale » :

• Si vous avez plus de 2 ans d’ancienneté et travaillez dans une entreprise de plus de 10 salariés :
- Si vous avez entre 2 et 5 ans d’ancienneté : l’équivalent de 6 mois de salaire ;
- Si vous avez entre 5 et 10 ans d’ancienneté : l’équivalent de 12 mois de salaire ;
- Si vous avez entre 10 et 20 ans d’ancienneté : l’équivalent de 15 mois de salaire ;
- Si vous avez plus de 20 ans d’ancienneté : l’équivalent de 20 mois de salaire ;

• Si vous avez moins de 2 ans d’ancienneté et travaillez dans une entreprise de moins de 11 salariés : entre 1 et 6 mois de salaire.

Le salarié devra également obtenir le solde de ses congés payés non pris restants.

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour vous, soit le douzième de votre rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois.

Enfin, il faut noter que la négociation doit se faire sur un montant en net (et non brut), l’indemnité versée dans le cadre d’une rupture conventionnelle étant soumise à CSG/CRDS.

Bien entendu, dans tous les cas, il faut recommander aux salariés de se faire assister par un avocat.

Version anglaise

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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Discussions en cours :

  • par Bélouard , Le 29 janvier 2020 à 14:16

    L information est claire et très explicite. Je suis sur pris du montant des indemnités. Cela m’a convaincu de me faire assister.
    Laurent.

  • Merci et bravo pour votre article. Vous êtes le seul à me parler d’une indemnité supra légale,y a t’il un texte ou quelque chose sur lequel je pourrais m’appuyer pour négocier
    es montants que vous annoncez ?
    Cordialement.

    • Cher Monsieur,

      Merci pour votre message.

      La rupture conventionnelle est dévoyée par les employeurs qui l’utilisent indifféremment avec la procédure de licenciement.

      Il n’y a pas de base juridique à "l’indemnité supra légale" visée dans ma brève.

      Le raisonnement est le suivant : l’employeur utilise la rupture conventionnelle pour éluder un licenciement (abusif).

      Dès lors, j’ai calculé l’indemnité "supra légale" en fonction de ce qu’un salarié peut obtenir raisonnablement aux prud’hommes en cas de licenciement abusif.

      Enfin, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’employeur doit verser une indemnité égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement ; c’est un minimum. Le salarié peut négocier (avec un avocat de préférence) un montant supérieur (lequel n’est pas plafonné).

      Bien à vous,

      Frédéric CHHUM
      Avocat

    • Monsieur,

      Merci pour cet article.
      Dans le cas où le salarié souhaite bénéficier de cette rupture peut-il refuser de manière explicite les indemnités de façon à ce que l’employeur accepte cette démarche plutôt qu’une démission ?
      En effet, ceci permettra au salarié de conserver ses droits au chômage dans le cas où il souhaite partir pour changer d’employeur.

    • Bonjour Monsieur,

      Tout d’abord un grand merci pour vos explications sur les indemnités à négocier sur sa rupture conventionnelle ; votre article ne pouvait tomber mieux car ayant rendez-vous dans deux jours pour certainement aborder cette question avec mon employeur ; toutefois, dans les différents cas énumérés pour l’indemnité supra-légale, vous prenez le cas d’une société de moins de 11 salarié, est-ce à dire que pour une personne comme moi avec une ancienneté d’un an et 3 mois et appartenant à une société de 250 salariés, peut demander "raisonnablement" six mois de salaires comme indemnité suppra légale ?

      Merci d’avance pour votre retour

      GHISLAIN .H

    • Bonjour,
      Je viens de signer une rupture conventionnelle et suis un peu surpris par les chiffres que je lis sur cette page. Effectivement, je suis cadre de la metallurgie au sein d un groupe industriel depuis 14 ans et 6 mois. Depuis 5 ans j’ai connu de nombreux conflits en interne, puis en externe ( je suis commercial) car mes clients ont bien senti que je n’étais pas soutenu par ma hierarchie et tout s’est enchaîné contre moi.
      Cependant, je n’ai jamais été en situation de faute professionnelle, cela a relevé plus du délit de "faciès", et j’ai fait l’objet de basses manœuvres de démotivation. Ne voyant pas de réaction de mon côté ( quitter l’entreprise), ils ont décider de passer la vitesse supérieure et m’ont imposé une rupture conventionnelle en faisant du chantage au licenciement. Les négociations ont été un peu rapides à mon gout et par téléphone, qui plus est la rupture conventionnelle m’a été annoncé à la fin d’un entretien annuel ce qui est "hors cadre légal" apparemment.
      Voici le résultat de la négociation :
      19500 euro d’indémnité conventionnelle par rapport à mon ancienneté
      14175 euro de supra légal ce qui correspond à 4.3 mois de salaire si je prends ma remuneration mensuelle moyenne brute des 12 derniers mois ( 3300 euro/mois).

      Même si l’accord est signé et qu’il n’y a pas de base juridique au calcul du montant supra légal, pouvez vous me dire si je suis complètement décalé par rapport à ce que j’aurais pu obtenir dans ce contexte, et si, le cas échéant, il est judicieux de tenter un recours au Prud’hommes pour obtenir réparation.
      Merci.

    • par Isabelle Petit , Le 25 mai 2018 à 18:59

      Bonsoir,

      Mon employeur vient de me proposer une rupture conventionnelle. Avec à la clef 9000€ !!! je suis en CDI depuis 16ans dans cette entreprise et me demande comment faire une négociation avec une indemnité supra legale. Je me sent très mal dans cette société (turn over constent pour les chefs) j’ai un travail qui ne me laisse pas de temps pour tout faire. J’ai fait des heures sup non payées, régulièrement dérangée par tous et pour tout... pouvez-vous me conseiller s’il vous plaît ? D avance merci. Isabelle

    • par doriane28 , Le 4 juin 2019 à 17:20

      Bonjour cela fait plus 20 ans que je suis en cdi mon patron me demande de faire une rc, combien puis je lui demander au maximun tout en restant dans mes droits et par rapport a mon ancienneté.Merci pour vos réponses.

  • Bonsoir

    J’ai un plan social dans mon boîte et toutes les ruptures conventionnelles sont bienvenue de ce fait je voudrai savoir quelle argument je pourrai donner à mon Directeur général car il demande à chaque personne :

    pourquoi je vous donnerai la somme que vous voulez en plus de vos indemnités ?

  • Bonjour,

    Merci pour cet article. J’aurais une petite question à vous soumettre si vous voulez bien y répondre.

    Je suis actuellement cadre (ingénieur) dans une société de conseil en ingénierie sous la convention Syntec. Refusant d’appliquer la clause de mobilité (sur toute la France métropolitaine) à cause d’un changement de situation personnelle survenu après la signature du contrat, mon entreprise me propose une rupture conventionnelle (même si la convention dit qu’un refus de mobilité donne lieu à un licenciement et que dès lors, ce sont les indemnités légales de licenciement qui sont versées (article 61)).

    Si j’ai bien lu votre article, il m’est possible de demander :
    1) l’indemnité compensatrice du préavis que j’aurais eu en cas de licenciement (3 mois)
    2) L’indemnité de congés payés sur préavis
    3) l’indemnité légale de licenciement. C’est là qu’est ma question : étant donné que je suis depuis seulement 6 mois dans l’entreprise, si j’ai bien compris, en cas de licenciement, je n’aurais pas eu droit à l’indemnité de licenciement puisqu’il faut 1 an minimum. Je ne peux donc rien demander sur ce point ?
    4) l’indemnité « supra-légale » n’est pas envisageable ici.

    Je me demande également quel peut-être l’intérêt pour l’entreprise de passer par une rupture conventionnelle au lieu d’un licenciement tout court !

    Je vous remercie par avance de votre attention,

    Numa

    • par Oscar , Le 10 mars 2019 à 11:23

      En réponse à : « Je me demande également quel peut-être l’intérêt pour l’entreprise de passer par une rupture conventionnelle au lieu d’un licenciement tout court ! »

      Un licenciement doit être justifié. La rupture conventionnelle « non ».
      Il suffit de se mettre « d’accord » avec le salarié pour signer une RC.
      C’est pour ça qu’il a tant de succès.

      Si le patron n’a pas de justification (faute ou économique, le second étant plus lourd en rouages pour le patron et plus protecteur pour le salarié) il n’a pas d’autres moyen que de « pousser vers la RC » pour se séparer d’un salarié.

      Je connais des patrons qui font toujours ainsi : ils cherchent des noises en espérant pousser le salarié à l’erreur jusqu’à avoir assez d’éléments pour menacer d’un licenciement pour faute grave, puis doux comme des agneaux iront négocier, magnanimes, une rupture conventionnelle.
      « Tu comprends, c’est ça où le licenciement pour faute grave, je suis sympa ! ».
      Qui ira se défendre en justice contre un tel harcèlement moral ? Bien peu. Donc la voie est libre !

      C’est pour ça qu’il a dû être inventé et je ne suis pas étonné - comme pourrait le suggérer l’introduction de l’article - de son succès.
      Car il est très facile de faire signer une RC avec un pistolet sur la tempe.

  • par martin , Le 11 juillet 2018 à 16:58

    bonjour,
    Avec les nouvelles ordonnances Macron, ça change tout, notamment pour les sommes en cas de licenciement sans cause et réelle. Ainsi pour 3 ans d’ancienneté, l’indemnité est plafonnée entre 1 mois et 4 mois de salaire donc à prendre en compte dans le calcul.

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