A y regarder de plus près, il pourrait être surpris. Ceux à qui sont confiés la défense de ses droits sont les premiers à bafouer quotidiennement les droits les plus fondamentaux des avocates collaborant à leur activité.
Je veux parler de discrimination qui n’épargne pas les cabinets d’avocats.
Je veux parler de l’atteinte à la vie privée que subissent les avocates dans le cadre de leur recrutement en qualité de collaboratrice au sein d’un cabinet.
Je veux condamner les confrères qui imposent ces intrusions délibérées à leurs futures collaboratrices, les discriminant au vu et au su de tous.
Mais personne ne parle ou parle peu…
Des avocates du Barreau de Strasbourg avaient décidé le 8 novembre 2010 de monter au créneau rédigeant une motion dénonçant « les discriminations liées à l’état de grossesse et à la maternité » qui avait recueilli plus de 160 signatures.
A croire que l’article L 1132-1 du code du Travail est « un article fantôme », il n’y a qu’un pas :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. …… ».
Ce texte est pourtant conforté par le code Pénal et par les Traités Internationaux relatifs aux droits de l’homme, lesquels prohibent la distinction faite selon l’état de grossesse.
Or, non seulement, ce critère prohibé continue d’occuper une place de choix dans le cœur des recruteurs, mais il est également élargi à la potentialité de la grossesse.
De façon plus subreptice, la question n’est parfois pas même posée aux candidates, leurs C.V. étant purement et simplement écartés en raison de leur situation familiale.
Lorsque leur candidature est retenue, elles se voient poser la question de savoir si elles souhaitent avoir un enfant ou un 2ème enfant.
Malheur à celles qui ne répondent pas à la question ou ne peuvent répondre à la question en raison du caractère indéterminé de leur projet de grossesse, car elles se verront congédier à la minute.
L’attitude de ces confrères et consœurs est inadmissible, indigne et inqualifiable.
Il est d’autant plus scandaleux de poser comme critère de recrutement « l’intention de maternité » que l’avocate envisageant une grossesse, ne voit pas ses voeux exaucés au moment où elle le souhaite et son attente peut être plus ou moins longue.
Dès lors, une entrave aussi grave à l’exercice de la profession d’avocat ne devrait pas rester sans réaction.
Mais qu’importe les règles déontologiques les plus essentielles, pourvu qu’on ait la rentabilité !
Mounira El Ayachi Khebchi
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en Droit