Par la décision « Zimmer » très attendue rendue le 31 mars, le Conseil d’Etat vient de donner tort à l’administration fiscale en jugeant qu’un commissionnaire, agissant dans le cadre normal de son mandat, ne peut pas constituer un établissement stable de son commettant.
La société britannique Zimmer Ltd. commercialisait jusqu’en 1995 ses produits en France par l’intermédiaire de son distributeur, la société Zimmer SAS. Puis, la société Zimmer SAS a poursuivi la commercialisation en France des produits de la société Zimmer Ltd mais en qualité de commissionnaire. A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a estimé que la société Zimmer Ltd disposait en France d’un établissement stable et a, en conséquence, mis à sa charge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés.
Le Conseil d’Etat annule la décision de la CAA de Paris du 2 février 2007. Celle-ci avait jugée qu’en l’espèce, il résultait du contrat de commissionnaire liant les deux entités que la société française apparaissait comme un agent dépendant de la société britannique, et qu’elle pouvait engager cette dernière pour des activités qui lui sont propres. Elle avait alors conclu que la société française constituait un établissement stable de la société Zimmer Ltd.
La Haute juridiction rappelle qu’une entreprise dispose dans un Etat d’un établissement stable lorsqu’elle a recours à une personne qui détient les pouvoirs d’engager l’entreprise dans une relation commerciale, et que cette personne n’est pas indépendante vis-à-vis de l’entreprise et juge que le commissionnaire n’engage pas juridiquement le commettant, du fait de la nature même du contrat qui les lie.
Le commissionnaire ne peut donc pas être qualifié d’établissement stable de celui-ci.
Le CE se fonde principalement sur la nature juridique du contrat de commission liant le commettant au commissionnaire et notamment sur le fait que, en vertu de sa relation contractuelle avec le commettant, le commissionnaire agissait en son nom propre et ne pouvait par suite conclure des contrats de nature à engager ipso facto son commettant. Cette caractéristique de la relation contractuelle ne pouvait être écartée par le juge. Par conséquent, le commissionnaire ne pouvait être considéré comme un agent dépendant sans vérifier que les contrats conclus par le commissionnaire engageaient effectivement personnellement le commettant.
Le schéma de commissionnaire est utilisé par de nombreux groupes qui souhaitent approvisionner un marché donné, compte tenu des avantages d’une telle organisation (sans être propriétaire des produits qu’il « vend » à ses clients, le commissionnaire apparaît néanmoins vis-à-vis d’eux comme réalisant la transaction en son nom propre, il ne porte pas le risque de créances clients…).
Si cet arrêt sécurise la situation des groupes en ce qu’elle renforce les obligations de l’administration lorsqu’elle entend requalifier un commissionnaire en établissement stable de son commettant, il doit toutefois conduire les groupes qui ont adopté une telle organisation à bien examiner leur situation. Ils devront en effet vérifier au plan juridique et au plan pratique, si d’une part, le contrat de commission mis en place relève bien d’une qualification de commissionnaire et si d’autre part les contrats conclus avec les clients ne comportent pas de clause qui engageraient le commettant.
Moyennant certaines précautions de mise en œuvre, cet arrêt du CE peut tendre à réactiver ce mode de fonctionnement dans un contexte fiscal mieux sécurisé pour les entreprises.
Antoine Glaize - Nicolas Jacquot ,
Arsene Taxand