La loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail (1) était fort attendue puisqu’elle était annoncée depuis déjà quelques mois et parce qu’elle a pour ambition d’améliorer le pouvoir d’achat. Pour y parvenir la loi agit sur trois leviers principaux, à savoir le développement des mécanismes d’intéressement et de participation (I), l’association des salariés à la participation à la gestion (II) et le développement des plans d’épargne salariale (III). Si le mécanisme d’épargne salariale constitue un mode variable de rémunération collective, il ne faut pas oublier que le mécanisme de stock options constitue quant à lui un mode variable de rémunération individuel (2). Aussi, Il n’apparaissait pas inutile que la loi précise les dispositions relatives à en place de plan d’option de souscription d’actions (IV). La loi nouvelle est particulièrement complexe et fournie, c’est pourquoi nous en exposerons les principales mesures, par souci de clarté.
I-Le développement des mécanismes d’intéressement et de participation
Tout d’abord, la loi invite les entreprises à mettre en place des accords d’intéressement leur faisant bénéficier d’un crédit d’impôt pour la mise en place de ce système. Le texte prévoit en effet, par l’insertion d’un article 244 quater T au CGI, que ce crédit d’impôt sera égal à 20% de la différence entre les primes d’intéressement dues au titre de l’exercice et la moyenne des primes dues au titre de l’accord précédent ou à 20% des primes d’intéressement dues au titre de l’exercice lorsque aucun accord d’intéressement n’était en vigueur au titre des quatre exercices précédant celui de la première application de l’accord en cours (3). Les entreprises visées sont les entreprises exerçant une activité industrielle, artisanale ou commerciale, les jeunes entreprises innovantes, les sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté, les entreprises participant à un projet de recherche et développement implantés dans une zone de recherche et de développement les contribuables qui exercent une activité dans les zones franches, zones franches urbaines, une activité en corse ou les contribuables qui créent une activité dans des basins d’emploi à redynamiser.
Ce crédit d’impôt pourra être amputé sur l’impôt sur les sociétés de l’exercice au titre duquel les primes d’intéressement sont dues (art. 220 Y CGI) ou sur l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année ou de la période de douze mois au cours de laquelle les primes d’intéressement sont dues (art. 199 TER CGI).
La loi nouvelle s’applique donc à augmenter le nombre de bénéficiaires du système d’épargne salariale. Effet, le développement du système d’intéressement n’est pas la seule mesure allant en ce sens puisque l’article 11 de la loi prévoit que dans les entreprises non tenues de mettre en place un régime de participation, les chefs de ces entreprises, son conjoint, conjoint associé ou, s’il s’agit de personnes morales, leurs présidents, directeurs généraux, gérants ou membres du directoire peuvent néanmoins bénéficier de ce régime (4). Par ailleurs, elle prévoit la possibilité, pour un salarié de groupement d’employeurs, de bénéficier du dispositif d’intéressement, de participation ou du plan d’épargne salariale mis en place dans chacune des entreprises adhérentes du groupement (5).
Enfin, la loi procède au développement du mécanisme de participation dans le secteur public puisqu’elle prévoit qu’un décret en conseil d’état déterminera les sociétés, groupements ou personnes morales qui seront soumises aux dispositions de la présente loi (6).
Toutefois, la mise en œuvre du système est inutile si ce dernier est éphémère. C’est pourquoi la loi s’applique à assurer la pérennité des accords d’intéressement en précisant que si aucune des parties habilitées à négocier ou à ratifier un accord d’intéressement ne demande de renégociation dans les trois mois précédant la date d’échéance de l’accord, ce dernier est renouvelé par tacite reconduction, si l’accord d’origine en prévoit la possibilité (7).
Il convient enfin de clôturer nos propos en évoquant la mesure phare mais non moins contestable qui consiste à opérer des déblocages de participation afin que les salariés puissent se procurer un complément de rémunération immédiat. L’article L. 3323-5 C. Trav. est en effet modifié de façon à ce que le droit de créance que détiennent les salariés, si leur entreprise n’ a pas mis en place un accord de participation dans les délais, ne sont plus obligés de laisser les sommes que l’entreprise leur doit au sein d’un compte bloqué pendant huit années. Les salariés pourront en effet réclamer le versement de ces sommes à l’occasion de chaque versement effectué au titre de la réserve spéciale de participation. Par ailleurs, l’article L. 3324-10 modifié du code du travail prévoit que les salariés peuvent demander le versement des sommes affectées à la réserve de participation avant l’expiration du délai de cinq années pourtant initialement prévu par les textes. Nous l’avons dit, ces mesures semblent contestables puisque la participation constitue le socle de l’actionnariat des salariés et, dans une certaine mesure, le socle de la participation des salariés au financement de leur entreprise. Le blocage de cinq années est donc déterminant du point de vue de la stratégie de financement et d’association de la participation des salariés à long terme. Or, la mesure ne respecte pas l’esprit de ces mécanismes uniquement pour répondre à la problématique du pouvoir d’achat. Pourquoi sacrifier la cohérence du système d’épargne salariale sur l’hôtel d’une idéologie. L’augmentation du pouvoir d’achat ne peut-elle tout simplement s’opérer par l’augmentation des salaires ?
On peut penser le contraire si l’on en croit une autre mesure prévue par la loi tendant clairement à opérer une relance du pouvoir d’achat par le biais du système d’intéressement. En effet, les entreprises sont encouragées à verser une prime exceptionnelle plafonnée, après répartition, à 1 500 € par salarié dès lorsqu’un accord d’intéressement est conclu, ou qu’un avenant à un accord en cours, à compter de la publication de la présente loi et au plus tard le 30 juin 2009, et applicable dès cette même année. La distribution de cette prime est vivement encouragée puisque cette dernière est exonérée de toutes cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendue obligatoire par la loi, à l’exception des contributions relatives au remboursement de la dette sociale.
Ainsi, la loi nouvelle élargit le cercle des bénéficiaires des mécanismes d’intéressement et de participation. Ces systèmes permettent assurément de compléter les salaires et répondent en cela à la problématique du pouvoir d’achat. Cependant, les dispositions de la loi sont contestables lorsqu’il s’agit de débloquer les sommes issues de la réserve spéciale de participation car en procédant de la sorte, la loi modifie la cohérence du système d’épargne salariale dans le but de répondre à une préoccupation ponctuelle. Plus judicieuses sont en revanche les mesures destinées à associer les salariés à la participation à la gestion.
II- L’association des salariés à la participation à la gestion
La loi nouvelle associe plus étroitement les salariés à la gestion de leur entreprise par le biais de deux mesures. La première se concrétise par la participation des salariés à des actions de formations relatives à la gestion de l’entreprise dans le cadre de la formation professionnelle continue (8). La seconde favorise quant à elle la participation des salariés à la participation à la gestion et non plus seulement à la participation financière (9). Ces dispositions sont bienvenues puisqu’avoir une simple participation financière dans l’entreprise peut s’avérer dangereuse, notamment dans le cadre de l’actionnariat salarié (10). Il est donc nécessaire d’adjoindre à la participation financière la participation à la gestion avec toutefois une formation permettant aux salariés de comprendre la façon dont leur entreprise est gérée, ce que prévoit la loi.
III- Le développement des plans d’épargne salariale
La loi nouvelle favorise le développement de l’épargne salariale en développant les cas de transfert d’épargne et en donnant un coup d’accélérateur au développement du PERCO.
Tout d’abord, la loi nouvelle complète le dispositif de transfert d’épargne du salarié dans l’hypothèse où ce dernier change d’employeur. En effet, un nouvel article L. 3335-2 inséré au code du travail précise que les sommes détenues par les salariés au titre de la réserve spéciale de participation peuvent-être affectées au plan d’épargne d’entreprise, plan d’épargne inter-entreprise et plan d’épargne collectif pour la retraite de leur nouvel employeur. Cette disposition est bienvenue puisque les hypothèses dans lesquelles les salariés sont aujourd’hui amenés à changer d’employeurs, volontairement ou involontairement, ne sont pas rares en ces temps difficiles et, dans la mesure où l’épargne salariale devient un véritable complément de rémunération, il est essentiel que les salariés ne perdent pas le bénéfice de cette dernière lorsqu’il change d’entreprise.
Par ailleurs, la loi s’applique à développer les plans d’épargnes salariales, et en particulier le PERCO. Elle développe d’une part le dispositif de l’épargne salariale puisque tout comme elle permettait aux anciens salariés de procéder à des versements pour alimenter le plan de leur ancienne entreprise, elle autorise les agents commerciaux et agents généraux d’assurance, soit des travailleurs non salariés ayant un contrat individuel avec une entreprise, de bénéficier du plan d’épargne d’entreprise de la dite société (11). D’autre part, la loi nouvelle tend à étendre considérablement le PERCO puisqu’elle modifie l’art. L. 3334-2 du code du travail qui prévoit désormais que ce plan peut-être mis en place à l’initiative de l’entreprise et non plus seulement suite à un accord collectif. Cet article prévoit en outre qu’en cas d’échec de la négociation avec le délégué syndical ou le comité d’entreprise, un procès verbal de désaccord est établi et fait état des mesures que l’employeur entend appliquer unilatéralement.
Le PERCO doit enfin être mis en œuvre beaucoup plus tôt au sein des entreprises titulaires d’un plan d’épargne d’entreprise puisque le loi précise que les entreprises qui en sont dotées doivent ouvrir les négociations pour mettre en place un PERCO au bout de trois ans et non plus au bout d’une période de cinq ans. La volonté de développer un mode de retraite par capitalisation est donc patente. Ce plan ne devra plus seulement être alimenté par les salariés puisque les entreprises pourront y effectuer un versement initial.
IV- L’amélioration du mécanisme des stocks options
Nous terminons enfin le commentaire de cette loi en évoquant les conditions auxquelles les dirigeants peuvent se faire attribuer des options ouvrant droit à la souscription d’actions de sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé par l’introduction d’un nouvel article L. 225-186 dans le code de commerce. L’énumération des conditions de cet article peut paraitre fastidieuse, c’est pourquoi il ne nous semble nécessaire de ne relever que l’essentiel de la disposition. En effet, le fait qu’un souci de transparence soit mis en œuvre parait intéressant dans le contexte actuel, alors qu’un souci de transparence se fait sentir (12).
Ainsi, on peut relever que ce nouvel article oblige à mentionner un certain nombre de précisions relatives aux options consenties dans le rapport spécial habituellement mis en place pour informer l’assemblée générale ordinaire de la mise en œuvre d’un plan d’option. On relève parmi celles-ci le nombre, le prix et les dates d’échéance des options de souscription ou d’achat d’actions consenties, durant l’année, par les sociétés visées à l’alinéa précédent, à l’ensemble des salariés bénéficiaires ainsi que le nombre de ceux-ci et la répartition des options consenties entre les catégories de ces bénéficiaires.
Docteur en droit des Affaires
Elève avocat en PPI à l’EDHEC
Notes :
(1) Loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, JORF, 4 décembre 2008, p. 18488.
(2) V. sur ce point les développements de Mabileau (R.), L’évolution des modes de rémunérations dans l’entreprise, Nantes, 2004
(3) Sauf en cas de fusion ou opérations assimilées, la moyenne des primes mentionnées de première part dues par la société absorbante est due à chaque salarié au titre de l’accord précédent multiplié par le nombre total de salariés constaté à l’issue de ces opérations
(4) Art. L. 3323-4 C. Trav. modifié
(5) Nouveaux articles L. 3312-2, L. 3322-2, L. 3332-2 C. Trav.
(6) Art. L. 3321-1 C. Trav. Modifié.
(7) Nouvel alinéa de L. 3312-5 C. Trav.
(8) Nouveau 8° de l’article L. 6313-1 C. Trav.
(9) Nouvel alinéa de l’art. L. 3322-1 C. Trav.
(10) V. sur ce point nos développements : Bruder (A.), L’actionnariat salarié, avantages financiers, représentation démocratique des actionnaires salariés au sein des instances dirigeantes, éd. Aumage, fév. 2008 (Disponible sur http://www.amazon.fr/Lactionnariat-salarié-représentation-démocratique-actionnaires/dp/2915070296 - 172k et http://www.aumage-editions.com) ; Les conséquences de l’actionnariat salarié en droit des sociétés par actions, atelier national de reproduction des thèses, http://www.anrtheses.com.fr
(11) Art. L. 3332-2 C. Trav.
(12) Cf. les récentes recommandations de MEDEF sur la rémunération des dirigeants : www.medef.fr/medias/files/131584_FICHIER_0.pdf